Par Rebecca MacKinnon · Traduit par Samy Boutayeb
le 3 Juillet 2012
pour http://fr.globalvoicesonline.org
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Tom Risen, Weiping Li, Grady Johnson et Sarah Myers.
L'engagement du Myanmar en faveur d'un Internet ouvert est actuellement mise à l'épreuve, cette semaine, après la décision, prise le 10 juin dernier par le gouvernement, d'instaurer l'état d'urgence afin de mettre fin aux affrontements meutriers ayant opposé des musulmans et des bouddhistes dans l'État de Rakhine, à l'Ouest du pays. La junte militaire du pays ayant été dissoute en 2011, la réaction du gouvernement à des commentaires sur un site Web incitant à la haine et au meurtre pourrait créer un nouveau climat favorable à la liberté d'expression alors que l'État traverse une période de transition majeure.
En dépit d'un certain nombre d'avancées démocratiques, le Myanmar continue à figurer cette année parmi les ‘Ennemis d'Internet‘ selon le mouvement de défense de la liberté d'expression Reporters Sans Frontières. Le gouvernement a entrepris l'an passé des réformes politiques et a élargi l'accès à Internet, en désactivant les pare-feu qui bloquaient les médias sociaux tels que Facebook et l'utilisastion de logiciels de voix sur IP.
Le conflit entre les bouddhistes et la minorité musulmane des Rohingya a galvanisé l'activité sur Internet dans ce pays en développement, mais des appels à la haine, des images cruelles de corps sans vie et de manifestations de rue se sont propagés rapidement. Le site Web birman indépendant “Democratic Voice of Burma” a subi des cyberattaques par déni de service distribué (DDoS) signées par le groupe de cyberpirates Blink, qui s'est servi d'ordinateurs dont les adresses IP étaient localisées à Singapour ou en Russie. Le site Web Blink a publié un nombre important de messages anti-islam comme “Fichez le camp de notre pays .. Rohingya .. Nous aimons RaKhine .. Nous aimons Myanmar”, dans des commentaires visant la minorité musulmane, dont les origines remontent au Bangladesh voisin.
Le gouvernement du Myanmar n'a pas fait de commentaires à propos de ces messages diffusés dans les médias sociaux, mais des officiels au sein de l'armée ont mis en garde les médias d'informations contre toute action visant à relancer le conflit par leurs compte-rendus et a instauré un contrôle officiel de tous les articles préalablement à leur publication. Dans ce pays comme dans de nombreux autres pays traversant une phase de transition, personne ne peut prévoir l'avenir des libertés sur Internet à l'issue de cette crise politique et humanitaire. Dans le même temps, la lutte pour la liberté en ligne se poursuit dans le reste du monde :
Censure
La semaine dernière l'agence d'informations indépendante Asia Plus a été inaccessible pendant plusieurs jours au Tadjikistan. La version officielle expliquant la situation par des “opérations de maintenance” a été battue en brèche par des observateurs évoquant un acte de censure délibérée, après la publication de commentaires de lecteurs critiquant le régime. En mars, Facebook était inaccessible dans le pays, de même que trois sites Web d'information en langue russe, toujours “pour des raisons techniques”.
Des développeurs Google se sont employés à améliorer la transparence dans des cas de “censure soft”, se produisant lorsque des autorités masquent les détails sur les contenus bloqués. Ils ont proposé à cet effet un nouveau code de statut HTTP. Selon cette proposition, un navigateur renverrait le code de statut “451 : Indisponible pour des raisons légales” lorsque quelqu'un tente d'accéder à un site victime de restrictions. Ce message d'erreur serait accompagné de précisions sur les lois invoquées, sur l'autorité officielle à l'origine de ces restrictions ainsi que sur le type de contenu incriminé.
Le dernier rapport publié par Google sur la transparence révèle un tendance accrue des gouvernements à essayer de faire retirer des contenus politiques entre juillet et décembre 2011. Ces demandes de retrait de contenus sont le fait d'instances juridiques et de gouvernements dans des “démocraties occidentales qui ne sont pas associés typiquement à la censure”. Parmi ces demandes, citons en particulier celle accordée à la police britannique pour le retrait de 640 vidéos présumées soutenir le terrorisme ; en Inde, les demandes de retrait de contenus ont progressé de 49 pour cent depuis les six derniers mois couverts par le rapport.
L'équipe spéciale iranienne chargée de la surveillance en ligne a annoncé son intention de réprimer les réseaux privés virtuels (VPN), utilisés, selon des estimations, par 20 à 30 pour cent de la population iranienne pour contourner les restrictions portant sur le contenus en Iran.
Le registre des noms de domaine de premier niveau “.co.jp”, utilisé principalement par des entreprises japonaises, a été bloqué pendant 30 heures, le 15 juin, par le pare-feu national chinois, pour des raisons inconnues. Cet incident constitue un précédent dans l'activité de filtrage par les censeurs chinois du réseau Internet visant la totalité d'un domaine de premier niveau. Les sites sont redevenus accessibles le 16 juin.
Brutalités
La police azerbaïdjanaise a libéré sous caution le vidéo-blogueur et militant démocratique de 23 ans Mehman Huseynov, qui avait été arrêté auparavant ; il aurait agressé la police alors qu'il couvrait les manifestations contre le concours Eurovision de la chanson 2012, organisé pour dénoncer les violations des droits humains dans ce pays. Huseynov risque jusqu'à cinq années d'emprisonnement s'il est déclaré coupable.
Après son arrestation le 29 mai alors qu'il sortait d'un café Internet, le blogueur marocain Mohamed Sokrate a été condamné à deux ans de prison pour “trafic et détention de drogue”, au cours d'un procès que des militants ont estimé injuste et expéditif en raison des critiques exprimées par Sokrate à l'encontre de la monarchie. Un groupe de militants se mobilise pour une révision du jugement ; par ailleurs, l'avocat de Sokrate a déclaré que les autorités marocaines avaient ignoré des preuves, comme l'arrestation de son père et de son frère dans une tentative de faire pression sur Sokrate pour qu'il reconnaisse sa “culpabilité”.
Depuis la fin du mois de mai, le gouvernement d'Oman a arrêté au moins 33 blogueurs et activistes qui avaient réclamé que le gouvernement prenne la voie des réformes, suite à une déclaration datant du 4 juin, annonçant que des poursuites judiciaires seraient engagées à l'encontre de toute personne qui aurait publié des contenus jugés offensants ou incitant à agir “sous le prétexte de la liberté d'expression”. Des activistes ont informé “Human Rights Watch” avoir constaté ces dernières semaines un durcissement des mesures de surveillance et de piratage informatique prises par les autorités.
Politique nationale
Le ministre britannique de la Justice Ken Clarke a proposé d'amender une loi sur la difamation, de manière à permettre d'exiger des sites Web internationaux comme Twitter et Facebook de révéler l'identité des utilisateurs ayant une attitude de harcèlement à travers la publication de commentaires anonymes.
Surveillance
Le gouvernement britannique a également présenté un projet de loi exigeant que le Fournisseurs d'accès Internet (FAI) enregistrent l'ensemble des activités en ligne et mobiles y compris le courrier postal. Toutes ces données seraient ainsi archivées et accessibles aux autorités pendant une année. Une campagne de pétition lancée par l'organisme sans but lucratif “38 Degrees” appelle le Premier ministre britannique David Cameron à annuler ce projet de loi.
Dans la récente Édition Télécoms de Netizen Report, nous avions évoqué l'utilisation de la technique “Deep Packet Inspection” (DPI) appliquée par Ethio-Telecom pour surveiller les net-citoyens en Éthiopie. D'après le journal français La Croix, l'opérateur France Télécom a apporté son concours au gouvernement éthiopien pour mettre en oeuvre ses activités DPI. Ethio-Telecom a été créé par France Télécom, dont le gouvernement français est l'un des principaux actionnaires.
Gouvernance d'Internet
Nous continuons à couvrir cette semaine les documents divulgués en vue de la “World Conference on International Telecommunications” (WCIT) 2012, organisée par l'Union Internationale des Télécommunications des Nations Unies (ITU). Une proposition émanant du gouvernement chinois demande que les États-membres puissent réguler les infrastructures de communications et les opérations des sociétés de technologies de l'information sur leur territoire. Le Règlement des télécommunications internationales (RTI) qui devrait être examiné devrait ainsi réglementer les téléphones et l'orbite des satellites, mais le WCIT pourrait adopter en décembre des propositions incluant la régulation d'Internet.
L'organisation sans but lucratif ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), basée aux États-Unis, responsable du contrôle des noms de domaine, a publié une liste de plus de 2 000 candidatures pour de nouveaux domaines de premier niveau. Chaque candidature pour un nouveau domaine (.google, par exemple) coûte 185 000 USD et prévoit un accord de maintenance sur 10 ans, dont le coût pour les candidats devrait, selon l'ICANN, s'élever à 25 000 USD annuels. Des commentateurs critiquent cette proposition en estimant qu'il s'agit d'un accaparement commercial opéré par l'ICANN et que l'explosion des noms de domaine pourrait rendre le contrôle des marques Web existantes plus difficile encore, et entraîner des problèmes de sécurité.
La plupart des quelques 2 000 candidatures ont été déposées par des sociétés opulentes comme Google et Amazon. Près de 911 des candidats représentent l'Amérique du Nord, contre 17 seulement le continent africain. De nombreuses revendications concurrentes portent sur des domaines tels que .app, .home et .inc.
Souverains du cyberespace
Les grands opérateurs Internet trouvent de nouveaux moyens pour tirer parti des informations sur les utilisateurs pour leurs opérations de marketing Internet. Facebook prévoit de lancer Facebook Exchange, qui fournira aux annonceurs des informations sur l'historique de navigation des utilisateurs Facebook et leur permettra de faire des offres accessibles aux utilisateurs.
L'organisation sans but lucratif ProPublica a révélé que Microsoft et Yahoo vendent les informations sur les utilisateurs qui ont été fournies lors de leur enregistrement sur leurs site Web afin de permettre à des campagnes politiques aux États-unis de cibler les électeurs avec des publicités en ligne.
De leur côté, Google, Facebook, Twitter, America Online et le Interactive Advertising Bureau collaborent avec l'organisme sans but lucratif StopBadware, spécialisé dans la sécurité en ligne, afin de lancer une initiative intitulée ‘Ads Integrity Alliance‘. L'alliance ainsi constituée complétera la mission de StopBadware visant à identifier les sites Web ayant un comportement malveillant portant atteinte aux utilisateurs, en partageant des informations sur des campagnes publicitaires en ligne s'attaquant à la sphère privée et à la sécurité des internautes, et mettra en place des recommandations pour renforcer la sécurité des utilisateurs sur le net.
La boutique en ligne australienne Kogan est le premier revendeur en ligne à avoir collecté une taxe sur Internet Explorer 7, au taux de 6,8 %, auprès de ses clients utilisant le navigateur obsolète lorsqu'ils font leurs achats sur la boutique en ligne. La société justifie cette taxe “en raison du temps requis pour rendre correctement les pages Web sur IE7″.
Dans un effort pour lutter contre les pourriels, le site Web d'information participative Reddit a provisoirement interdit aux utilisateurs de soumettre des liens vers différents sites Web importants, parmi lesquels Businessweek.com et TheAtlantic.com.
Vie privée
Un Japonais a attaqué Google pour violation de la sphère privée et a demandé à la société de modifier sa fonction de recherche avec autocomplétion, qui suggère automatiquement des mots-clés sur Google search. L'homme déplore que cette fonction présente de manière inappropriée des mots associés à des crimes et à des articles diffamants lorsque quelqu'un entre son nom dans la zone de recherche, ce qui a pu avoir été à l'origine des refus dont il a fait l'expérience lors de plusieurs candidatures à des postes de travail.
Cybersécurité
Les sites Web de deux journaux sud-coréens ont été la cible de cyberattaques la semaine passée, qui ont entraîné la destruction de la base de données des sites et de leurs plateformes éditoriales. Ces attaques ont eu lieu après la menace de la Corée du Nord de s'en prendre à plusieurs médias sud-coréens qui avaient exprimé des critiques sur un événement survenu à Pyongyang et concernant des enfants. La police sud-coréenne poursuit son enquête afin de déterminer l'implication éventuelle de la Corée du Nord.
Lors des manifestations du 12 juin à Moscou contre le président russe Vladimir Poutine, des médias russes indépendants ont été à nouveau la cible d'attaques par Déni distribué de service (DDoS), consistant à saturer la bande passante des sites Web. Poutine a été réélu aux fonctions de président russe pour un troisième mandat, en mars, et des médias indépendants en Russie ont déploré de nombreuses attaques DDoS visant à restreindre la couverture des manifestations contre sa réélection.
Florilège
Une application pour iPhone baptisée Siggly autorise ses utilisateurs à enregistrer, transférer et géo-taguer des mini-informations sur iPhone, avant d'utiliser une fonctionnalité similaire à Reddit permettant à des communautés de voter pour les meilleures histoires.
Publications et études
Ce rapport est basé, pour l'essentiel, sur le travail de recherche, de rédaction et de relecture de
- The Global Network Initiative : Rapport Digital Freedoms in International Law
- Stanford University’s Center for Internet and Society : Livre blanc Net Neutrality and Quality of Service
- South African Civil Society Information Service : South Africa: The Turning Point for Internet Freedom
- Kevin Macnish de l'Université de Leeds : Unblinking eyes: the ethics of automating surveillance
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