111 Etats réunis à Dublin depuis le 19 mai ont adopté le texte d’un traité international d’interdiction des BASM. Handicap International se félicite de ce texte qui bannira toutes les BASM ayant des conséquences humanitaires inacceptables, et renforcera considérablement l’assistance aux victimes. Certaines clauses du traité sont néanmoins des sources de déception et de vigilance. La mobilisation de la société civile doit se poursuivre afin que le traité soit ratifié dans les meilleurs délais, et que les failles qu’il présente ne permettent pas de dévoyer son esprit.
Le traité d’interdiction des BASM sera ouvert à la signature en décembre prochain. Dès lors, l’interdiction des BASM sera immédiate. Tous les types de BASM ayant été utilisés jusqu’ici seront bannis. En d’autres termes avec ce traité, du Laos au Liban, les tragédies humanitaires engendrées par l’utilisation de cette arme, n’auraient pas eu lieu. Le texte est particulièrement fort concernant l’assistance aux victimes et pour la dépollution des territoires affectés. Ce texte constitue donc une avancée majeure, obtenue grâce à la mobilisation de l’opinion publique et des organisations de la Coalition contre les sous-munitions, dont Handicap International est membre fondateur.
Cependant, certains points du traité constituent de sérieuses déceptions, à commencer par le principe d’interopérabilité (article 21 du traité) : les Etats signataires peuvent participer à des actions militaires conjointes avec des Etats qui utiliseraient des BASM, consacrant l’influence des Etats-Unis sur le processus. Par ailleurs, la définition des BASM devant être interdites exclut certaines armes du champ du traité, notamment des types de BASM stockées par la France. Enfin, les Etats parties auront le droit de conserver ou d’acquérir des BASM interdites à des fins d’entraînement au déminage et pour tester leur propre capacité de défense sans limitation de leur nombre.
Handicap International appelle désormais à ce que les Etats ratifient ce traité aussi rapidement que possible et le traduise en législations nationales exigeantes.
Le site officiel de la conférence
Grand absent du processus d’Oslo, les Etats-Unis tentent d’imposer leur position aux pays réunis en ce moment à Dublin pour voter le texte du traité d’interdiction des bombes à sous-munitions (BASM). Pour faire pression sur les négociations en cours, les Etats-Unis ont recours au chantage. En effet, après avoir utilisé l’argument de l’interopérabilité à Wellington, l’administration américaine menace aujourd’hui les pays signataires de futur traité de ne plus participer avec eux à des opérations de maintien de la paix ou d’aide humanitaire. Handicap International dénonce ces tentatives d’intimidation américaines.
Avec la Chine et la Russie, les Etats-Unis sont les grands absents de la conférence internationale pour l'interdiction des bombes à sous-munitions organisée sous l'égide de l'ONU. Plus de cent pays participent pourtant à cette rencontre, qui se tient à Dublin depuis le 19 mai. La raison de cette absence ? L'administration américaine s'oppose à l'interdiction de ces armes. Stephen Mull, secrétaire d'Etat adjoint aux questions politiques et militaires, a tout d’abord déclaré que ces munitions avaient une "certaine utilité militaire" pour enrayer par exemple « la progression d’une armée ennemie ».
Mais la position des Etats-Unis se radicalise et les arguments utilisés sont de plus en plus condamnables. L’administration américaine estime en effet que l'interdiction des bombes à sous-munitions pourrait remettre en cause la participation des Etats-Unis à des opérations de maintien de la paix ou d'aide humanitaire. "Si cette convention était adoptée sous sa forme actuelle, a expliqué un haut responsable américain, aucun bâtiment de la Navy ne pourrait techniquement être associé à une opération de maintien de la paix, d'aide d'urgence après une catastrophe ou d'assistance humanitaire, comme nous le faisons en ce moment même après le séisme en Chine ou le typhon en Birmanie, sans même mentionner tout ce que nous avons fait en Asie du Sud-Est après le tsunami de décembre 2004. Et ce, parce que la plupart des unités de l'armée américaine possèdent ce genre d'armes dans leur stock."
Aujourd’hui les victimes des BASM et les représentants des ONG présents à Dublin ont protesté devant l’ambassade américaine pour condamner ces déclarations et demander à ce que les Etats-Unis cessent d’interférer dans un processus dont ils ne sont pas partie. De plus, Handicap International rappelle que la signature du Traité d’Ottawa contre les mines antipersonnel il y a dix ans n’avait pas eu d’impact sur la participation des Etats-Unis aux opérations humanitaires, bien que ces derniers n’aient jamais signé ce traité.
Définition de l’interopérabilité: c’est la possibilité pour un Etat partie de mener des opérations militaires conjointes (notamment dans le cadre de l’OTAN) avec des Etats non parties au processus d’Oslo et utilisant des bombes à sous-munitions.Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense ont annoncé vendredi 23 mai que la France retirait immédiatement du service opérationnel la roquette M26, ce qui représente 90% de ses stocks de sous-munitions.
L’annonce de Bernard Kouchner et Hervé Morin est intervenue à mi-chemin de la conférence de Dublin, qui a lieu du 19 au 30 mai et doit aboutir à l’adoption du texte définitif du traité d’interdiction des BASM. La déclaration de vendredi présente cette décision de retrait comme « un geste important », qui témoigne d’une « attitude responsable ». Cette annonce ne doit pas masquer les vifs débats en cours à Dublin, sur des questions cruciales comme la définition des BASM à interdire, la responsabilité des Etats dans l’assistance aux victimes, d’éventuelles périodes de transition pour l’application du traité, et enfin les limites de la coopération militaire avec des Etats non signataires du traité (interopérabilité).
Si la France évolue positivement sur certaines questions comme l'assistance aux victimes ou l'interopérabilité, elle défend toujours une définition des BASM qui lui permettrait de conserver les obus BONUS, ce qui constitue une grande source d’inquiétude pour Handicap International. Ce type d’armes « intelligentes », à acquisition de cible, ne résout pas le problème des dommages humanitaires causés par les BASM. Rae McGrath, porte-parole de Handicap International, a dévoilé à Dublin des preuves de nombreux ratés dans l’utilisation en Irak de BASM américaines de même nature que les BONUS (en l’occurrence, les BLU-108). Les arguments avancés notamment par la France selon lesquels les BONUS seraient totalement fiables et précis sont donc sérieusement mis en doute.
© Tignous pour Handicap International