La coordination européenne de l'Internet Society ne mâche pas ses mots contre les projets français et européen de riposte graduée. Elle parle de réponse disproportionnée et rétrograde, et s'inquiète du cadre légal autour de la collecte des données des pirates.
Nouvelle protestation officielle de l'Internet Society (Isoc) contre le projet de loi Création et Internet (aussi appelé Hadopi). En juin dernier, sa branche française avait déjà dénoncé ce qu'elle considère comme un texte liberticide. Cette fois-ci, c'est au tour de la coordination européenne de l'Internet Society (Isoc ECC*) de monter au créneau.
Elle a publié ce week-end « un aide-mémoire », qui résume ses griefs à l'encontre du projet français, mais aussi des tentatives de la Commission européenne pour reprendre le concept de riposte graduée. Car les débats autour du Paquet télécom ont repris au Parlement européen ; ce texte doit notamment intégrer une partie de la riposte graduée, en s'appuyant sur le modèle ébauché par la France. Le projet devrait passer en séance plénière le 23 septembre.
La riposte graduée est « une réponse disproportionnée à l'objectif de développement de contenus créatifs en ligne » fixé par la Commission européenne, affirme l'Isoc ECC. « Les mesures et les sanctions proposées reflètent un manque de compréhension de ce qu'est internet », martèle-t-elle.
Une riposte pas graduée du tout
« La riposte graduée et le projet Hadopi apparaissent comme rétrograde », poursuit le document. Et d'accuser l'industrie du cinéma et de la musique de n'avoir pas su adopter leur modèle économique et leur activité à l'ère du numérique. « Il est impossible d'affirmer que, si ces actes [de piraterie] étaient empêchés, les internautes concernés achèteraient les mêmes fichiers multimédias (le plus souvent des morceaux de musique ou des films) au prix de détail actuel, par exemple sur CD ou DVD », note l'Isoc.
De plus, cette riposte n'a rien de graduée, car « couper la connexion des foyers empêche l'accès à de nombreux services aussi bien publics que privés : déclaration d'impôts, banque à distance, mais aussi éducation ».
Mais surtout l'Isoc s'inquiète du cadre légal qui entourera la collecte des données, réalisée pour détecter les pirates. En France, le projet de loi prévoit la création d'une Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). Sur des constats fournis par les ayants droit, elle demandera aux fournisseurs d'accès d'identifier les internautes soupçonnés de téléchargement illégal. Et sera chargée de l'envoi des messages d'avertissement, et d'imposer les sanctions.
Un calendrier maintenu en France
Ce processus « nécessiterait la collecte et la conservation de quantités phénoménales de données personnelles dans le cadre d'une enquête sur les internautes soupçonnés de piratage », dénonce l'Isoc. « De plus, dans le cas français, les données relatives aux supposés pirates ne correspondraient pas nécessairement à celles des véritables "infracteurs". Une protection non adéquate, une perte ou un détournement de ces données causeraient un préjudice particulièrement grave aux familles ou aux individus concernés », prévient déjà l'association.
Cet aide-mémoire a été envoyé à Michiel Thiollière, rapporteur du projet de loi Hadopi devant le Sénat, à Catherine Trautmann et Malcom Harbour, rapporteur du Paquet télécom au Parlement européen, et Viviane Reding, commissaire européenne en charge de la Société de l'information.
La semaine dernière, le ministère de la Culture a rappelé que le calendrier pour l'examen du projet de loi Hadopi, à l'automne devant le Sénat, était maintenu. L'industrie musicale s'était inquiété d'un éventuel report du texte, en raison d'une rentrée parlementaire très chargée.
(*) L'Isoc-ECC rassemble les chapitres allemand, anglais, belge, bulgare, espagnol, finlandais, français, italien, luxembourgeois, néerlandais, polonais, norvégien, roumain et wallon de l'Isoc.
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