par (son site) mardi 27 avril 2010
Et l’on peut considérer aujourd’hui que ce conditionnement intensif a produit les effets attendus. Les citoyens se sont changés en consommateurs, la consommation est devenue une norme fondamentale de notre société.
Il en va de la survie de ce système productiviste qui n’a guère trouvé de meilleur moyen pour vendre des produits inutiles que de créer des besoins artificiels.
Ainsi, malgré la crise systémique, malgré l’endettement, malgré les frustrations artificielles, la consommation tient bon, alimente le système et pérennise le cercle vicieux du conditionnement.
Mais j’ai observé ces derniers temps une poussée publicitaire d’une intensité rare. En effet, tout les artifices possibles semblent être employés afin d’intensifier et d’alimenter les frustrations des consommateurs.
Le façonnage psychique des français semble prendre une nouvelle dimension.
La superficialité des publicités est utilisée en arguments par ces mêmes publicités.
Les annonceurs n’hésitent plus à s’affranchir de ce qui leur restait de conscience morale et nous offrent des publicités dont les constructions, les slogans, sont dignes de romans d’anticipation d’Orwell ou d’Huxley.
Voici une petite sélection de publicités m’ayant particulièrement interpellé.
Tout d’abord, une publicité pour un 4×4, le Honda CRV qui pose une question existentielle : ” Etre ou paraître ? ” Leur réponse ? “Là n’est plus la question”.
Car “son luxe discret n’est-il pas la meilleure des réponses à toutes vos questions ?” Ainsi, le paraître est érigé en valeur suprême, au-dessus de l’Etre. Après tout, être soi-même, affirmer son authenticité, sa personnalité propre autrement que par la consommation et l’ostentation, c’est inutile : ça se voit moins qu’un pare-buffle chromé.
Une autre publicité a attiré mon attention, une publicité de Vichy pour cosmétique, donc dirigée vers des cibles (les Femmes) plus facilement persuasives selon les manuels psychologico-publicitaires, et qui vante les mérites d’un produit liftant avec ce slogan : “La santé est belle”. Un slogan tout en ambiguïté, en sous-entendus.
Si la santé est belle, la beauté est santé ? Par conséquent, une femme ne répondant pas au canons esthétiques actuels, une femme non-définie comme “belle”, serait-elle en mauvaise santé ?
Une ride, est-ce le signe d’une pathologie cachée ? Ou faut-il pousser le raisonnement plus loin en envisageant que si elle a cette ride, c’est qu’elle ne doit pas utiliser le produit Vichy, donc que si elle n’est pas en bonne santé, c’est parce qu’elle ne consomme pas ce produit ?
En clair, ne chercherait-on pas à faire comprendre que le refus de consommer, c’est être non seulement anormal mais, qui plus est, malade ? Je vous laisse imaginer à quel genre de dérives tout ces sous-entendus pourraient aboutir…
J’ai ensuite eu la joie d’avoir affaire à deux publicités des 3 Suisses, qui là encore sont extrêmement révélatrices du climat ambiant. La première s’intitule “Fauchées mais fashion !”, ou comment enlever aux jeunes consommatrices leurs derniers relents thésauristes, et les déculpabiliser de dépenser des sommes de plus en plus élevées dans l’unique but de satisfaire le besoin de paraitre et de consommer.
Quand la publicité encourage l’endettement, et exalte ouvertement la consommation irrationnelle.
La seconde publicité de la même marque, est dans le même ton, mais s’attaque cette fois-ci aux valeurs même de notre République, avec le slogan suivant “Liberté, Egalité, Mode !”.
Ou comment substituer la mode à la Fraternité, comment transformer la devise de la République en slogan marketing. Et ériger à un même niveau, la Liberté, l’Egalité, et la mode.
Là encore ouvertement, la publicité opère la fusion entre le Citoyen et le consommateur, avec ces injonctions contradictoires, la mode étant en effet opposée à la Liberté et à l’Egalité, puisqu’elle oblige à adopter un comportement et une attitude pour coller à la norme (ce qui est naturellement une atteinte fondamentale à la Liberté), le tout en se basant sur une “pseudo-concurrence” entre les consommateurs qui doivent adopter le plus rapidement possible la nouvelle norme et en profiter au passage pour stigmatiser celui qui ne l’a pas encore fait, soit le contraire de l’ Egalité.
Bref, une publicité tout simplement révoltante et cynique.
Tout ces exemples résument assez bien la situation dans laquelle s’enferme cette société. Les valeurs fondamentales de notre pays sont purement et simplement niées, quand elles ne sont pas détournées par une marque dans un slogan.
Ce conditionnement quotidien est un enjeu majeur, révélateur d’un processus inhérent au capitalisme qui vise à annihiler l’ensemble des normes et valeurs qui pourraient entraver la marche funeste du capitalisme.
Voila quelle est la réelle menace de notre Identité nationale et républicaine.
La publicité est une machine qui broie les personnalités individuelles, qui normalise des comportements absurdes, qui érige la consommation (donc l’aliénation) en valeur universelle, et qui, ce faisant, affaiblit encore davantage les fondements de ce qui reste de notre République.
Je conclurai en citant une dernière publicité pour la nouvelle Peugeot 308 RCZ, qui résume là encore cyniquement le coeur même du processus en cours :
“Vous l’achetez, mais c’est elle qui vous possède”.
Vincent Vauclin
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