Par Marc Laimé
Pour http://blog.mondediplo.net
La France est le troisième consommateur mondial de pesticides, avec 70 000 tonnes de produits toxiques utilisés chaque année. L’impact environnemental et sanitaire de leur dispersion massive dans l’environnement est catastrophique : pollution de l’eau et de l’air, cancers, maladies neurodégénérescentes… L’impact financier de leur usage est catastrophique pour les comptes publics et ceux de la sécurité sociale. Or, les pesticides bénéficient depuis 2000 d’un taux de TVA réduit de 5,5 %. A l’heure où une priorité absolue est accordée au « rabotage » des niches fiscales, l’application du taux de TVA « normal » de 19,6 % aux pesticides permettrait aux pouvoirs publics de récupérer plusieurs centaines de millions d’euros, qui pourraient être utilisés pour améliorer la qualité de l’eau et de l’air et promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.
L’impact environnemental et sanitaire désastreux découlant d’un usage massif de pesticides, essentiellement à usage agricole, n’est plus à démontrer.Plusieurs programmes d’action ont été adoptés ces dernières années, sous la pression du grand public et de la communauté scientifique.
Outre les multiples « engagements volontaires » successivement contractés par la profession agricole depuis une quinzaine d’années – des engagements qui ont mobilisé d’importants fonds publics sans que les résultats attendus apparaissent à la hauteur des attentes légitimes de la société –, l’adoption dans le cadre du Grenelle de l’environnement du plan « Ecophyto 2018 » implique de réduire de moitié la consommation de pesticides dans dix ans.
Mais cet accord, assorti de la réserve qu’il ne pourra être rempli qu’à condition que son impact n’excède pas « un coût raisonnable » pour la profession agricole, ne suffira pas à rétablir rapidement une situation environnementale et sanitaire satisfaisante.
Or, le temps presse. Les alertes se multiplient. Les atteintes à la santé publique sont désormais identifiées sans équivoque, et tournent parfois au drame.
Tout cela aggravé par les reculs constants du ministère de l’Agriculture face aux lobbies...
A l’heure où les « caisses sont vides », où la France « est en faillite », il est temps d’appliquer la « règle d’or » aux pesticides.
Selon les statistiques officielles de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), le chiffre d’affaires annuel de la vente de pesticides en France dépasse les 2 milliards d’euros. Un montant supérieur au total des redevances acquittées annuellement par les usagers de l’eau français en même temps qu’ils paient leur facture, redevances perçues par les Agences de l’eau, qui les redistribuent ensuite aux collectivités locales, aux industriels et aux agriculteurs, pour financer des travaux d’amélioration de la qualité de la ressource en eau.
En fait, ce sont à peine une centaine de millions d’euros qui sont réellement affectés chaque année par les Agences de l’eau à l’amélioration de la qualité des ressources en eau, comme l’attestent le rapport publié en 2010 par la Cour des comptes (« Les instruments de la gestion durable de l’eau »), ou celui du Commissariat général au développement durable en janvier 2011, intitulé « Le financement de la gestion des ressource en eau en France. Etude de cas pour un rapport de l’OCDE ».
L’analyse comparative du montant respectif des redevances perçues, tant pour les « pollutions d’origine non domestique » de l’eau que pour les « pollutions diffuses », au regard des sommes allouées par les Agences de l’eau à la préservation de la ressource, est particulièrement accablante.
En résumé, ce sont les usagers domestiques de l’eau qui supportent financièrement, par le biais de leur facture et dans une proportion de plus de 95 %, les actions de lutte contre la pollution de l’eau. Tant la profession agricole que les producteurs de pesticides, qui nous intéressent ici, échappent quasiment à toute imposition !
Le scandale du taux de TVA à 5,5 %
appliqué aux pesticides
Or, dans ce contexte, depuis les années 2000, selon les explications apportées par le ministère de l’écologie à une question de la députée (PCF) de Nanterre, Jacqueline Fraysse :
« Le code des impôts (en son article 278 bis) prévoit une TVA au taux réduit de 5,5 % pour les engrais et les produits antiparasitaires à usage agricole. Ces produits antiparasitaires recouvrent à la fois des produits “phytopharmaceutiques” et des produits “biocides”. Les premiers visent à protéger les plantes des ravageurs, les seconds à détruire, repousser ou rendre inoffensifs des organismes nuisibles (hors utilisation de protection des plantes). Cette disposition, lorsqu’elle a été introduite, avait pour objectif d’aider le secteur agricole, en permettant aux exploitants d’acheter des produits à moindre prix pour protéger leurs récoltes et sécuriser les rendements. »
Le Conseil des prélèvements obligatoires
veut taxer les pesticides à 19,6 %
Or, le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport d’octobre 2010 (« Entreprises et niches fiscales et sociales », PDF), préconise la suppression de cet avantage fiscal allant à l’encontre des objectifs de réduction de la consommation de ces produits et dont le coût est évalué à 60 millions d’euros par an…
Jacqueline Fraysse demandait donc, dans sa question précitée à madame la ministre de l’écologie « s’il était envisagé, comme le propose le Conseil des prélèvements obligatoires, de relever le taux réduit de TVA à 5,5 % applicable à certains engrais au niveau du taux normal de 19,6 % ».
En réponse, le ministre de l’Ecologie précisait :
« Il est vrai que cet objectif est aujourd’hui plus complexe et de nouvelles préoccupations doivent être prises en compte, telles la réduction de l’usage des pesticides, réaffirmée dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Ce point est souligné dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2010. Une réflexion est en cours au niveau gouvernemental, pour envisager dans quelle mesure certaines dispositions fiscales pourraient être revues à la lumière des engagements du Grenelle de l’environnement. La proposition du Conseil des prélèvements obligatoires de relever le taux réduit de TVA à 5,5 % à 19,6 % pour certains produits destinés à aider le secteur agricole, sera donc ainsi étudiée dans ce cadre. »
Une « règle d’or » pour les pesticides
Le rapport précité du Conseil des prélèvements obligatoires chiffre donc à 60 millions d’euros les gains que représenterait pour l’Etat l’application du taux normal de TVA à 19,6 % à la vente des pesticides ; mais l’application d’une simple règle de trois au chiffre d’affaires annuel de 2 milliards d’euros de cette industrie fait apparaître un gain possible de 264 millions d’euros par an ! Même si le relèvement du taux causait une baisse importante des ventes, la différence est considérable… Davantage que les sommes utilisées chaque année par les six Agences de l’eau françaises pour financer les actions de reconquête de la qualité des eaux
Les sommes ainsi récupérées pourraient dès lors financer les actions de protection des 507 bassins d’alimentation de captages prioritaires fixées dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la conversion des agriculteurs au bio ainsi que l’adoption de nouvelles mesures agro-environnementales. Sans qu’il soit besoin d’attendre de très hypothétiques aménagements dans le cadre de la révision de la PAC.
Des références scientifiques ?
Voir entre mille autre exemples :
« Le Roundup, l’embryon d’oursin, la division cellulaire et les mécanismes à l’origine de la cancérisation. »
par Robert Bellé, Ronan Le Bouffant, Julia Morales, Bertrand Cosson, Patrick Cormier & Odile Mulner-Lorillon
Centre National de la Recherche Scientifique, UMR 7150 Mer & Santé ; Université Pierre et Marie Curie-Paris 6,
UMR 7150 ; Équipe Cycle Cellulaire et Développement, Station Biologique, Roscoff, F-29682 France
Journal de la Société de Biologie, 201 (3), 317-327 (2007).
Les publications scientifiques avec comité de lecture et évaluation par les pairs sur les impacts des pesticides existent mais seulement, il faut savoir lire l’anglais qui est la langue de production de la science dans le monde, n’en déplaise aux unilingues francophones.
Le meilleur moyen de s’en convaincre est de chercher soi-même.
Ah zut, c’est vrai, il faut faire un effort de compréhension d’une autre langue que celle de Molière...
Je précise qu’il existe également des sites de vulgarisation scientifique en français qui traitent de ces mêmes recherches.
Bref : "open your mind"
http://www.sciencepresse.qc.ca/arti...
Cordialement,
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