Par Philippe Pataud Célérier,
mercredi 19 octobre 2011
Les ressources naturelles abondent en Papouasie occidentale. Pourtant, depuis son annexion forcée en 1963, cette province indonésienne concentre les populations les plus pauvres de l’archipel (1). Nouvelle illustration de ce paradoxe ordinaire en terre papoue, le conflit qui oppose depuis la mi-septembre huit mille grévistes — 70 % des mineurs, selon les syndicats — à la société Freeport Indonesia (PT-FI), filiale à 91 % du géant minier américain Freeport-McMoRan Copper & Gold Inc, basé à Phoenix, dans l’Arizona. Déjà, la répression a fait deux morts et au moins sept blessés graves parmi les grévistes.
Cette filiale de vingt-quatre mille salariés exploite depuis 1990 la plus grande mine de cuivre et d’or au monde en termes de réserves récupérables : le site minier de Grasberg, situé à quelques kilomètres du Puncak Jaya, point culminant d’Océanie et terre sacrée pour nombre de groupes ethniques. Le cuivre, dont celui de Papouasie occidentale, génère près de 80 % des revenus de Freeport-McMoRan.
A l’origine du conflit, des revendications salariales sur fond de terribles frustrations sociales : la grande majorité des mineurs sont nés sur ces terres si généreuses, dont ils ne tirent aucun profit. Ne gagnant que 1,50 dollar de l’heure (à peine plus de 1 euro), ils dénoncent la faiblesse des rémunérations payées par la multinationale, alors même que leurs conditions de travail sur ce site — entre 3 200 et 4 200 mètres d’altitude --- sont des plus éprouvantes. « N’aurions-nous droit qu’aux préjudices de cette exploitation ? », clame l’un des mineurs affiliés à la section mines du Syndicat des travailleurs de la chimie, de l’énergie et des mines de PT Freeport Indonesia. Le syndicat réclame une multiplication par huit du salaire de base.
La mine d’or de Grasberg est en effet la plus haute du monde et son exploitation — une folie technologique — est aussi un écocide qui saccage plus de 6 % de la Papouasie, presque l’équivalent du territoire de la Belgique. A raison de quelques grammes de précieux minerai extraits (0,98 gramme d’or par tonne par exemple), la mine rejette chaque jour plus de 700 000 tonnes de déchets aux dépens des autochtones, spoliés de leurs terres quand ils n’ont pas été empoisonnés par les eaux de leurs fleuves.
Mais que peuvent peser ces groupes ethniques locaux, souvent divisés, face à ce géant minier qui est le premier contribuable de l’archipel ? De 1992 à juin 2011, Freeport a versé pas moins de 13 milliards de dollars au gouvernement indonésien, propriétaire par ailleurs des 9% restants de la filiale Freeport Indonesia. La multinationale bénéficie donc d’un label d’acteur éminemment respectable, dont on entend moins vilipender les excès que protéger les actifs. L’an dernier, Freeport aurait dépensé 14 millions de dollars pour protéger son complexe industriel. Un marché de la sécurité lucratif, que se disputent factions militaires et forces spéciales policières indonésiennes. Celles-ci n’hésitent d’ailleurs pas à s’entretuer pour s’assurer les contrats les plus juteux. Les conséquences de ces rivalités meurtrières seront de toutes façon imputées à leur ennemi commun, l’OPM — Mouvement de libération papou —, pour lequel Freeport Indonesia incarne l’aliénation de l’indépendance papoue.
En attendant, ce sont encore ces forces spéciales policières qui sont responsables de la mort des deux mineurs, alors même qu’un millier d’entre eux tentaient de repousser les briseurs de grève appelés par Freeport Indonesia auprès de ses sous-traitants. Car la direction a rapidement fait son choix. Les rémunérations demandées par les grévistes sont bien trop « irréalistes », « sans rapport, dit-elle, avec le niveau des salaires en Indonésie et nettement supérieures aux salaires de mineurs d’autres pays effectuant un travail similaire ». Une augmentation de 25% était quand même proposée, mais elle a immédiatement été rejetée par les grévistes.
Depuis l’affrontement, les négociations sont au point mort. Pis, l’activité de la mine est arrêtée et ses voies d’accès sont bloquées par les grévistes. La dernière production quotidienne (230 000 tonnes de minerai d’or, 150 000 tonnes de minerai de cuivre) est en attente d’exportation. Certains pipelines ont même été sabotés, rendant impossible tout acheminement des métaux précieux vers les ports. Au grand dam de M. Darwin Zahedy Saleh, ministre indonésien chargé de l’énergie, qui fait état d’une perte quotidienne de 6,7 millions de dollars pour son gouvernement. Mais les grévistes sont plus que jamais déterminés à faire durer le mouvement. Non seulement pour faire aboutir leurs revendications, mais aussi pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce qu’ils appellent un nouveau « meurtre Freeport ».
Responsable ou non, celle qu’on accuse de tous les maux depuis quelques décennies devra ouvrir le dialogue. Les marchés boursiers sont volatiles quand les revendications s’enflamment et font tache d’huile. Les travailleurs péruviens de la mine de cuivre de Cerro Verde, contrôlée par Freeport-McMoRan, ne viennent-ils pas à leur tour de lancer une grève illimitée pour réclamer des augmentations de salaires ? « Nous sommes parvenus à réaliser en 2010 les meilleurs résultats financiers de l’histoire de notre entreprise », annonçait récemment le géant minier à ses actionnaires (2). Ceci explique peut-être aussi cela.
Cette filiale de vingt-quatre mille salariés exploite depuis 1990 la plus grande mine de cuivre et d’or au monde en termes de réserves récupérables : le site minier de Grasberg, situé à quelques kilomètres du Puncak Jaya, point culminant d’Océanie et terre sacrée pour nombre de groupes ethniques. Le cuivre, dont celui de Papouasie occidentale, génère près de 80 % des revenus de Freeport-McMoRan.
A l’origine du conflit, des revendications salariales sur fond de terribles frustrations sociales : la grande majorité des mineurs sont nés sur ces terres si généreuses, dont ils ne tirent aucun profit. Ne gagnant que 1,50 dollar de l’heure (à peine plus de 1 euro), ils dénoncent la faiblesse des rémunérations payées par la multinationale, alors même que leurs conditions de travail sur ce site — entre 3 200 et 4 200 mètres d’altitude --- sont des plus éprouvantes. « N’aurions-nous droit qu’aux préjudices de cette exploitation ? », clame l’un des mineurs affiliés à la section mines du Syndicat des travailleurs de la chimie, de l’énergie et des mines de PT Freeport Indonesia. Le syndicat réclame une multiplication par huit du salaire de base.
La mine d’or de Grasberg est en effet la plus haute du monde et son exploitation — une folie technologique — est aussi un écocide qui saccage plus de 6 % de la Papouasie, presque l’équivalent du territoire de la Belgique. A raison de quelques grammes de précieux minerai extraits (0,98 gramme d’or par tonne par exemple), la mine rejette chaque jour plus de 700 000 tonnes de déchets aux dépens des autochtones, spoliés de leurs terres quand ils n’ont pas été empoisonnés par les eaux de leurs fleuves.
Mais que peuvent peser ces groupes ethniques locaux, souvent divisés, face à ce géant minier qui est le premier contribuable de l’archipel ? De 1992 à juin 2011, Freeport a versé pas moins de 13 milliards de dollars au gouvernement indonésien, propriétaire par ailleurs des 9% restants de la filiale Freeport Indonesia. La multinationale bénéficie donc d’un label d’acteur éminemment respectable, dont on entend moins vilipender les excès que protéger les actifs. L’an dernier, Freeport aurait dépensé 14 millions de dollars pour protéger son complexe industriel. Un marché de la sécurité lucratif, que se disputent factions militaires et forces spéciales policières indonésiennes. Celles-ci n’hésitent d’ailleurs pas à s’entretuer pour s’assurer les contrats les plus juteux. Les conséquences de ces rivalités meurtrières seront de toutes façon imputées à leur ennemi commun, l’OPM — Mouvement de libération papou —, pour lequel Freeport Indonesia incarne l’aliénation de l’indépendance papoue.
En attendant, ce sont encore ces forces spéciales policières qui sont responsables de la mort des deux mineurs, alors même qu’un millier d’entre eux tentaient de repousser les briseurs de grève appelés par Freeport Indonesia auprès de ses sous-traitants. Car la direction a rapidement fait son choix. Les rémunérations demandées par les grévistes sont bien trop « irréalistes », « sans rapport, dit-elle, avec le niveau des salaires en Indonésie et nettement supérieures aux salaires de mineurs d’autres pays effectuant un travail similaire ». Une augmentation de 25% était quand même proposée, mais elle a immédiatement été rejetée par les grévistes.
Depuis l’affrontement, les négociations sont au point mort. Pis, l’activité de la mine est arrêtée et ses voies d’accès sont bloquées par les grévistes. La dernière production quotidienne (230 000 tonnes de minerai d’or, 150 000 tonnes de minerai de cuivre) est en attente d’exportation. Certains pipelines ont même été sabotés, rendant impossible tout acheminement des métaux précieux vers les ports. Au grand dam de M. Darwin Zahedy Saleh, ministre indonésien chargé de l’énergie, qui fait état d’une perte quotidienne de 6,7 millions de dollars pour son gouvernement. Mais les grévistes sont plus que jamais déterminés à faire durer le mouvement. Non seulement pour faire aboutir leurs revendications, mais aussi pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce qu’ils appellent un nouveau « meurtre Freeport ».
Responsable ou non, celle qu’on accuse de tous les maux depuis quelques décennies devra ouvrir le dialogue. Les marchés boursiers sont volatiles quand les revendications s’enflamment et font tache d’huile. Les travailleurs péruviens de la mine de cuivre de Cerro Verde, contrôlée par Freeport-McMoRan, ne viennent-ils pas à leur tour de lancer une grève illimitée pour réclamer des augmentations de salaires ? « Nous sommes parvenus à réaliser en 2010 les meilleurs résultats financiers de l’histoire de notre entreprise », annonçait récemment le géant minier à ses actionnaires (2). Ceci explique peut-être aussi cela.
(1) Lire « Vers la disparition des peuples papous en Indonésie ? », Le Monde diplomatique, février 2010.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire