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Titre original | 12 Monkeys |
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Réalisation | Terry Gilliam |
Scénario | David Webb Peoples Janet Peoples |
Acteurs principaux | Bruce Willis Madeleine Stowe Brad Pitt Christopher Plummer David Morse |
Société(s) de production | Universal Pictures Atlas Entertainment |
Pays d’origine | États-Unis |
Genre | Science-fiction |
Sortie | 1995 |
Durée | 129 minutes |
L'Armée des douze singes (12 Monkeys) est un film de science-fiction américain réalisé par Terry Gilliam et sorti en 1995. C'est une adaptation du court métrage La Jetée (1962), de Chris Marker. Il se déroule dans un futur où la surface de la terre est devenu inhabitable à cause d'un virus mortel qui a éradiqué la majeure partie de la population mondiale et a pour acteur principal Bruce Willis, qui est envoyé dans le passé pour recueillir des informations sur l'origine de ce virus. Madeleine Stowe, Brad Pitt, Christopher Plummer et David Morse complètent la distribution principale.
Universal Studios a acquis les droits pour faire de La Jetée un long métrage et Janet et David Peoples ont été engagés pour écrire le scénario. Le film a été tourné principalement à Philadelphie et Baltimore de février à mai 1995 avec un budget de 29 000 000 $. Il a été très bien accueilli par la critique et a connu un important succès commercial. Il a reçu plusieurs récompenses, dont le Saturn Award du meilleur film de science-fiction et Brad Pitt a été récompensé par le Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle et a été nommé à l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour son interprétation.
Sommaire |
Synopsis
En 2035, la surface de la Terre est devenue invivable pour l'humanité. Un virus mortel d'origine inconnue a tué une grande partie de la population mondiale en 1996 et a contraint les survivants à vivre sous la surface pour éviter l'extermination. Pour tenter d'inverser les choses, des scientifiques utilisent des prisonniers pour leurs expériences. L'un d'eux, James Cole (Bruce Willis), est désigné volontaire pour servir de cobaye dans une expérience ayant pour but de l'envoyer dans le passé, en 1996. Il doit y recueillir des informations au sujet de ce virus, dont les scientifiques pensent qu'il a été libéré par une organisation terroriste connue sous le nom d'« Armée des douze singes », afin qu'un vaccin puisse être mis au point. Cole, qui est régulièrement hanté par le rêve d'une poursuite et du meurtre par balles d'un homme dans un aéroport, obtiendra le pardon s'il réussit cette mission.Il est d'abord envoyé trop loin dans le passé et arrive à Baltimore en 1990. Pris pour un fou, il est interné dans un hôpital psychiatrique, où il fait la connaissance d'une psychiatre, le Docteur Kathryn Railly (Madeleine Stowe), et d'un autre interné, Jeffrey Goines (Brad Pitt), fils d'un scientifique qui travaille sur les virus et partisan de l'anticonsommation. Après une tentative d'évasion ratée, il est enfermé dans une cellule mais en disparaît, à la stupéfaction des psychiatres, ramené dans « son » présent par les scientifiques. Cole est renvoyé dans le passé par les scientifiques, qui ont obtenu entretemps une nouvelle information : un message vocal donnant la localisation de l'Armée des douze singes, à laquelle Goines est prétendument affilié. Après une nouvelle erreur qui l'expédie brièvement au milieu d'une bataille de la Première Guerre mondiale, Cole est renvoyé en 1996, quelques semaines avant que n'éclate l'épidémie qui doit exterminer presque toute l'humanité.
À son arrivée, il kidnappe le docteur Railly pour qu'elle le conduise à la recherche de Goines. Railly essaie vainement de convaincre Cole que cette histoire de virus et de voyage dans le temps n'est qu'une invention due à un trouble mental. Cole retrouve Goines, qui semble désormais s'être rangé et travaille avec son père, mais celui-ci nie avoir le moindre rapport avec le virus et rappelle à Cole que c'est lui-même qui lui avait parlé d'une éradication de l'espèce humaine en 1990. Cole est désormais convaincu d'être victime d'hallucinations et est renvoyé peu après dans son présent, alors que Railly commence à penser que son histoire est vraie quand une révélation de Cole sur l'issue d'un fait divers de 1996 se révèle exacte (Cole se rappelle en effet avoir entendu parler de ce fait divers, lui-même étant alors un enfant). Convaincu que les scientifiques ne sont qu'une projection de son mental, Cole les persuade de l'envoyer à nouveau en 1996. Il y retrouve Railly, tous deux ayant désormais des avis à l'exact opposé de ce qu'ils étaient à l'origine. Pour régler la question, Railly appelle le numéro que les scientifiques ont laissé à Cole pour les contacter et laisse sur le répondeur le message vocal que les scientifiques avaient précédemment fait écouter à Cole. Désormais conscients que le virus va effectivement commencer à se répandre d'ici quelques jours (et qu'ils n'ont aucune piste), Cole et Railly décident de profiter du temps qu'il leur reste à vivre (Cole s'arrache l'émetteur permettant aux scientifiques de le localiser).
Ils prévoient de prendre l'avion pour quitter les États-Unis et, sur la route de l'aéroport, apprennent que l'Armée des douze singes est en fait une organisation, bel et bien dirigée par Goines, qui défend les droits des animaux. Ils ont libéré tous les animaux du zoo et Goines a enfermé à la place son père dans une cage. Arrivé à l'aéroport, Cole laisse un message avertissant les scientifiques qu'il ne reviendra pas et que l'Armée des douze singes n'a aucun rapport avec le virus. Il est immédiatement abordé par José, un autre prisonnier que les scientifiques ont envoyé, qui lui donne une pistolet et des instructions pour terminer sa mission. Pendant ce temps, Railly découvre que le vrai responsable de la création du virus est le docteur Peters, le bras droit de Leland Goines. Peters est sur le point de s'embarquer pour un tour du monde dont les escales correspondent parfaitement à la propagation du virus. Cole tente d'arrêter Peters avant son embarquement mais il est grièvement blessé par la sécurité de l'aéroport. Alors qu'il agonise dans les bras de Railly, il voit un petit garçon qui n'est autre que lui-même enfant assistant à sa propre mort (le rêve récurrent qui le hantait). Peters monte dans l'avion et s’assoit à côté d'une femme se présentant sous le nom de Jones et qui n'est autre que l'une des scientifiques (ce qui laisse penser que ceux-ci vont pouvoir récupérer un échantillon du virus pour mettre au point un vaccin, ou bien qu'il s'agit en fait d'une machination des scientifiques qui supervisent eux-mêmes la fin du monde pour en prendre le contrôle1).
Fiche technique
- Titre : L'Armée des douze singes
- Titre original : 12 Monkeys
- Titre québécois : 12 Singes
- Réalisation : Terry Gilliam
- Scénario : David Webb Peoples et Janet Peoples, d'après La Jetée de Chris Marker
- Production : Charles Roven
- Producteurs délégués : Robert Cavallo, Robert Kosberg et Gary Levinsohn
- Sociétés de production : Atlas Entertainment et Universal Pictures
- Sociétés de distribution :
- États-Unis : Universal Pictures
- France : UGC Fox Distribution
- Suisse romande : Ascot Elite
- Musique : Paul Buckmaster
- Photographie : Roger Pratt
- Costumes : Julie Weiss
- Montage : Mick Audsley
- Décors : Jeffrey Beecroft
- Budget : 29 000 000 $2
- Pays d'origine : États-Unis
- Langue originale : anglais
- Format : Couleurs — 1,85:1 — son DTS — 35 mm
- Genre : science-fiction, thriller
- Durée : 129 minutes
- Dates de sortie :
- Classification : R (Restricted) aux États-UnisN 1, U en FranceN 2, 13+ au QuébecN 3
Distribution
- Bruce Willis (VF : Patrick Poivey3) : James Cole
- Madeleine Stowe (VF : Élisabeth Wiener3) : Dr Kathryn Railly
- Brad Pitt (VF : Emmanuel Karsen3) : Jeffrey Goines
- Christopher Plummer (VF : Bernard Dhéran3) : Dr Leland Goines
- David Morse (VF : Daniel Kenigsberg) : Dr Peters
- Jon Seda (VF : Éric Herson-Macarel3) : José
- Christopher Meloni (VF : Jérôme Keen3) : Lieutenant Halperin
- Frank Gorshin : Dr Owen Fletcher
- Joseph Melito : James Cole, enfant
- Carol Florence : l'astrophysicienne / Jones, « assurances »
- Simon Jones : le zoologue
- Bill Raymond : le microbiologiste
- H. Michael Walls : le botaniste
- Bob Adrian : le géologue
- Joey Perrillo (VF : Yves Beneyton3) : Inspecteur Franki
- Frederick Strother (VF : Saïd Amadis3) : L.J. Washington
- Lisa Gay Hamilton : Teddy
- Matt Ross : Bee
Production
Développement
L'idée du film vient à la base du producteur délégué Robert Kosberg, qui est un admirateur du court métrage français La Jetée (1962) et qui persuade son réalisateur, Chris Marker, de lui laisser présenter brièvement à Universal Pictures son projet de s'en servir de point de départ pour un film de science-fiction. Universal accepte d'acheter les droits pour faire un remake et Janet et David Peoples sont engagés pour l'écriture du scénario4. Le producteur Charles Roven choisit Terry Gilliam pour se charger de la réalisation car il pense que son style est parfait pour cette histoire à la narration complexe qui implique des voyages dans le temps5. Gilliam signe son contrat pour réaliser le film alors qu'il vient juste d'abandonner son projet d'adaptation du Conte de deux cités de Charles Dickens6. C'est également le deuxième film de Gilliam pour lequel il n'a pas écrit au moins en partie le scénario. Mais, même s'il préfère participer à l'écriture du scénario, Gilliam se déclare captivé par ce « script intelligent et intriguant. L'histoire est déconcertante. Elle traite du temps, de la folie et de notre perception du monde. C'est une étude de la folie et des rêves, de la mort et de la renaissance, qui se déroule dans un monde qui se désagrège »5.Universal, échaudée par les dépassements de budget sur la production en cours de Waterworld, met plus de temps que prévu à accorder son feu vert pour lancer la production du film malgré un budget déjà bouclé d'un peu moins de 30 000 000 $ (budget modeste pour une production hollywoodienne de science-fiction) et la présence de deux acteurs célèbres au générique. Pour que la production puisse enfin démarrer, Gilliam persuade Bruce Willis de tourner pour un cachet inférieur à ce qu'il demande habituellement7. En raison de son précédent conflit avec Universal concernant la version définitive de Brazil (1985), Gilliam exige et obtient le privilège du final cut, le studio lui demandant en échange que le film ne soit pas interdit aux moins de 18 ans et que sa durée ne dépasse pas 2h158.
Casting
À l'origine, Terry Gilliam veut Nick Nolte pour le rôle de James Cole et Jeff Bridges pour celui de Jeffrey Goines, mais Universal s'y oppose6. Gilliam, qui a rencontré Bruce Willis pour le casting du rôle tenu par Jeff Bridges dans Le Roi Pêcheur (1991), et qui a eu un bon contact avec lui, voit l'interprétation de Cole par Willis en évoquant « quelqu'un de fort et dangereux, mais aussi vulnérable »5,N 4. Willis doit se faire faire trois tatouages chaque jour de tournage : un sur le crâne avec son numéro de prisonnier, et un code-barre de part et d'autre du cou. Gilliam donne par ailleurs à l'acteur une liste de clichés de son jeu à ne surtout pas utiliser, en particulier son regard bleu acier9.Pour le premier rôle féminin, Gilliam porte son choix sur Madeleine Stowe car il a été impressionné par sa performance dans Blink (1994)5. Ils se sont rencontrés une première fois pour le casting de l'adaptation du Conte de deux cités6, projet finalement abandonné. Selon Gilliam, « elle a cette incroyable beauté éthérée, et elle est incroyablement intelligente ; ces deux choses viennent très facilement avec elle, et le film a besoin de ces éléments, car il doit être romantique. »5,N 5.
Pour le rôle de Jeffrey Goines, Gilliam n'est pas convaincu par le choix de Brad Pitt, mais se laisse persuader par son directeur de casting6. Le cachet de Pitt est relativement modeste, car il est encore un acteur en devenir. Cependant, au moment de la sortie de L'Armée des douze singes, Entretien avec un vampire, Légendes d'automne et Seven sont sortis et ont fait de Brad Pitt une star, ce qui attire une plus grande attention sur le film et est un facteur non négligeable du succès commercial qu'il va rencontrer8. Quelques mois avant le tournage, Brad Pitt passe quelques semaines dans le service psychiatrique de l'hôpital de l'Université Temple de Philadelphie pour préparer son rôle5.
Tournage
Le tournage se déroule du 8 février au 6 mai 1995. Il a lieu principalement en extérieurs à Baltimore et Philadelphie et la météo hivernale pose quelques problèmes. Au sujet du choix des lieux de tournage, Gilliam remarque : « Cela me fascinait par avance de tourner à Philadelphie parce qu’il se dégage de son architecture un incroyable parfum de décadence et de pourriture. Or j’ai tout de suite ressenti L’Armée des douze singes comme un film sur l’échec, la décomposition, la nostalgie »10. Divers autres problèmes émaillent le tournage : des pépins techniques surviennent avec la sphère visuelle futuriste, élément du décor le plus coûteux du film ; des erreurs de continuité sont faites en raison de la complexité de l'intrigue et plusieurs scènes doivent être tournées une deuxième fois ; et Gilliam se blesse en faisant une chute de cheval à mi-tournage. En dépit de ces contretemps, le réalisateur réussit à rester dans les limites de son budget et le tournage ne dure qu'une semaine de plus que ce qui était prévu. « C'était un tournage difficile », reconnaît le chef décorateur Jeffrey Beecroft, « Le budget et le planning étaient très serrés. Terry [Gilliam] est un perfectionniste mas il s'est montré vraiment inflexible pour éviter tout dépassement de budget. Il s'est déjà fait crucifié pour Münchhausen et cela le hante encore »11.L'équipe du film ne disposant pas du budget suffisant pour tourner en studio, de nombreuses scènes sont tournées dans des bâtiments abandonnés12. Les scènes de l'asile d'aliénés sont tournées dans l'Eastern State Penitentiary, une prison désaffectée de Philadelphie, celles de l'aéroport à l'aéroport international de Baltimore pour les extérieurs et au Pennsylvania Convention Center de Philadelphie pour les intérieurs, et celles des interrogatoires de Cole par les scientifiques dans la centrale électrique désaffectée de Westport13,14.
Malgré les contraintes budgétaires, Gilliam se montre à la hauteur de sa réputation de perfectionniste, en particulier lors d'une scène où Willis se fait une prise de sang et où on peut voir fugitivement sur le mur l'ombre d'un hamster tournant dans sa roue. Cette scène n'aurait dû prendre que quelques instants mais, le hamster ne voulant pas faire ce que Gilliam attend de lui, le réalisateur passe la journée pour la tourner jusqu'à ce qu'il obtienne le résultat voulu8. L'enfant devant interpréter Cole plus jeune, et que Gilliam a choisi pour la beauté de ses yeux, doit être remplacé au pied levé par Joseph Melito, dont le producteur Charles Roven a prévu la présence sur le plateau en cas de problème, car son jeu n'est pas assez expressif. Le tournage se termine avec la scène dans le parking de l'aéroport qui est également la dernière du film et au sujet de laquelle Gilliam et Roven ont de longues discussions. En effet, le réalisateur ne souhaite pas l'inclure alors que le producteur insiste pour qu'elle soit tournée. Gilliam propose alors de la tourner depuis une caméra sur une grue et avec des centaines d'automobiles en fond, dans l'espoir que Roven trouve cela trop coûteux. Mais le producteur est séduit par l'idée et la scène, jugée convaincante, est finalement conservée8.
Design
Terry Gilliam reprend le style de réalisation qu'il avait adopté pour Brazil, notamment au niveau de la direction artistique et de la photographie (utilisant spécifiquement des lentilles de Fresnel)7. Le design de la salle dans laquelle Cole est interrogé par les scientifiques est inspiré d'un dessin de l'architecte Lebbeus Woods, ce qui occasionnera plus tard des ennuis juridiques au film. Gilliam tient à montrer l'interrogatoire de Cole à travers de multiples écrans télévisés car il pense que ce mécanisme évoquera une « intervention cauchemardesque de la technologie. Vous essayez de voir les visages sur les écrans devant vous, mais les vrais visages et voix se trouvent en fait en bas et vous entendez ces voix minuscules dans votre oreille. C'est selon moi le monde dans lequel nous vivons, la façon dont nous communiquons désormais, à travers des appareils technologiques qui ont été prétendument créés pour communiquer mais qui pourraient avoir un autre but »15.Le département artistique s'assure que le monde souterrain de 2035 utiliserait uniquement de la technologie d'avant 1996 afin de dépeindre au mieux ce futur froid et austère. Dans ce but, Gilliam, Beecroft et Crispian Sallis (le décorateur de plateau) visitent plusieurs marchés aux puces et entrepôts de récupération à la recherche de matériaux de décoration pouvant être assemblés pour construire les machines futuristes, notamment la machine à remonter le temps8. Pour créer la majeure partie des effets visuels, Gilliam fait appel aux services de Peerless Camera, compagnie d'effets spéciaux basée à Londres. Le compositing est assuré par la compagnie The Mill, alors que Cinesite se charge du balayage numérique5.
Bande originale
La bande originale est composée, arrangée et dirigée par Paul Buckmaster. L'Introduccion de la Suite Punta del Este d'Astor Piazzolla est utilisée comme un leitmotiv tout au long du film16. What a Wonderful World de Louis Armstrong est joué une fois à la radio dans la scène de la voiture et sert de générique final. 1995 : 12 Monkeys: Music from the Motion Picture
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Thèmes et inspirations
Le film est aussi une étude du déclin de la communication directe dans le monde moderne en raison de l'interférence de la technologie12. Dans ce futur cauchemardesque qu'est le monde de 2035 décrit par Gilliam, ce sont les scientifiques qui ont pris le pouvoir et qui cherchent à « organiser rationnellement l’humanité au détriment des pulsions de vie et des émotions considérées comme autant de grains de sable sur le chemin de la normalité souhaitée. »1. Cette science, qui est montrée comme capable d'erreurs puisque Cole est envoyé par deux fois dans des mauvaises périodes du passé, est dénoncée dans ses pratiques aussi bien réelles (expérimentations à grande échelle sur les animaux) qu'hypothétiques (élaboration d'un virus mortel pouvant déclencher une catastrophe). La répression des libertés de l'individu dans un souci de le plier à la norme est mise en avant à la fois au début du film, lors des scènes dans l'hôpital psychiatrique où Jeffrey Goines la dénonce dans ses discours, et à la fin du film quand José est envoyé par les scientifiques pour obliger Cole à terminer sa mission, Cole faisant alors la remarque suivante : « Il ne s’agit plus du virus, hein ? Il s’agit d’obéir aux ordres. De faire ce qu’on nous dit »1. Gilliam incite ainsi le spectateur à la plus grande méfiance envers cette société technologique moderne qui détermine, notamment à travers la manipulation médiatique, qui est fou et qui est sain d'esprit, qui est normal et qui est anormal, évitant ainsi que l'on remette en question sa propre responsabilité en tant que facteur d'aliénation17.
Au milieu de cette sombre évocation du futur, le seul élément d'espoir est l'amour, prédestiné, qui naît entre Cole et Railly. Cet amour entre deux personnes présentant chacun un syndrome psychologique (syndrome de Cassandre pour Cole et syndrome de Stockholm pour Railly18), et dont la révélation vient sous la forme d'une mise en abyme lors d'une scène dans un cinéma, se termine de manière tragique car on ne peut échapper au temps ni à la destinée1. Cependant, il symbolise aussi l'idée de l'amour éternel car, au moment de la mort de Cole, Railly croise le regard de celui-ci enfant, laissant ainsi présager un éternel recommencement19.
Le film est en partie une adaptation du court métrage français La Jetée de Chris Marker (1962), notamment le fait que le personnage principal se souvienne, sans le savoir, de sa propre mort, et qui survient dans un aéroport14. Cependant, tout le développement original autour de l'hôpital psychiatrique rappelle plutôt le roman de John Brunner À l'ouest du temps (1967). Il est à noter que Gilliam n'a pas voulu voir La Jetée avant de tourner son film pour ne pas être trop influencé par cette vision. Selon ses propres mots : « La colonne vertébrale est la même, mais cela débouche sur deux univers très différents »20.
Un passage vers la fin du film montre Cole et Railly en fuite qui se réfugient dans un cinéma où se joue Sueurs froides d'Alfred Hitchcock (1958). On voit un extrait du film où les personnages joués par James Stewart et Kim Novak se trouvent au Muir Woods National Monument, en Californie. Ils évoquent le passage du temps devant la coupe d'un séquoia, et Cole et Railly ont plus tard une conversation similaire alors qu'on entend en bande son le même morceau que dans la scène de Sueurs froides, ce qui fait ainsi écho au voyage dans le temps et au destin du personnage incarné par Bruce Willis (selon le procédé du film contenant un film)14. Par ailleurs, on peut noter que, dans Sueurs froides, le personnage de Judy joué par Kim Novak se teint les cheveux en blond pour devenir Madeleine, prénom de l'actrice Madeleine Stowe, qui met quant à elle une perruque blonde pendant le film ; une fois grimée, Cole la voit sortir nimbée d'une lumière rouge, alors que dans Sueurs froides, le personnage joué par James Stewart voit Judy/Madeleine émerger d'une lumière verte14. Le passage est aussi un clin d'œil à La Jetée, où l'on voit plusieurs images de coupes d'arbres situés au jardin des plantes de Paris, et dont le lien avec cette scène précise de Sueurs froides est reconnu explicitement par Chris Marker dans son film de 1982 Sans soleil.
Lors d'une scène plus tôt dans le film, Cole se réveille dans un lit d'hôpital et les scientifiques du futur chantent en chœur autour de lui. C'est un hommage direct à une scène de la mini-série britannique The Singing Detective21.
Accueil
Box-office
Après une sortie limitée dans trois salles le 29 décembre 1995, le film est sorti aux États-Unis le 5 janvier 1996 dans 1 533 salles et a rapporté 13 842 990 $ pour son premier week-end d'exploitation22. Il est resté deux semaines en tête du box-office américain2 et a rapporté dans le monde entier 168 839 459 $, dont 57 141 459 $ aux États-Unis22. Cela en fait, en 2011, le plus grand succès commercial d'un film de Terry Gilliam. En Europe, il a réalisé 2 270 947 entrées en France, 366 050 entrées en Belgique et 218 205 entrées en Suisse. Il a dépassé les deux millions d'entrées en Allemagne (2 124 196) et le million d'entrées au Royaume-Uni (1 800 330) et en Espagne (1 386 434)23.Accueil critique
Le film a reçu un accueil critique très positif, recueillant 87 % de critiques favorables, avec un score moyen de 7,4⁄10 et sur la base de 55 critiques collectées, sur le site Rotten Tomatoes24. Sur le site Metacritic, il obtient un score de 74⁄100, sur la base de 20 critiques collectées25.Pour Roger Ebert, du Chicago Sun-Times, qui lui donne 3 étoiles sur 4, le film bénéficie d'un scénario et d'une interprétation solide et est « une célébration de la folie et du destin » « où même la romance entre Willis et Stowe semble plus désespérée que joyeuse », ce qui en fait un divertissement « s'adressant plus à l'esprit qu'aux sens »26. Desson Howe, du Washington Post, délivre une critique positive, louant le travail sur la réalisation, les décors et la photographie et écrivant que « les interprétations de Willis et de Pitt, l'atmosphère mise en place par Gilliam et un élan vivifiant contrebalancent aisément les failles du scénario »27. Peter Travers, de Rolling Stone, estime que Bruce Willis délivre une performance d'« intensité émotionnelle effrayante », que Brad Pitt est « fantastique, trouvant une étincelle de folie dans ce personnage à des lieues de ses rôles de jeune premier » et que le film, porté par « le pouvoir séducteur de l'imagination tordue de Gilliam » « mérite d'être vu plusieurs fois »28. James Berardinelli, du site Reelviews, donne au film 3,5 étoiles sur 4, mettant en avant le scénario (une intrigue ambiguë qui n'est jamais trop difficile à suivre malgré les nombreux retournements de situation), la mise en scène et les décors29. Et Janet Maslin, du New York Times, estime qu'il s'agit du « meilleur des cauchemars évocateurs de Gilliam sur le monde moderne », un film « féroce et dérangeant » au scénario imprévisible30.
Parmi les quelques critiques négatives, Richard Corliss, de Time Magazine, estime que Gilliam a le mérite d'être original mais se perd en route dans ce « spectacle donnant la chair de poule » et rempli de références cinématographiques qui finit par ressembler à un « Jumanji pour adultes »31. Et la rédaction de Variety écrit que c'est « un film spectaculaire et excessivement compliqué qui n'est ni aussi irrésistible visuellement que Brazil, ni aussi poignant que Le Roi Pêcheur »32.
En France, les critiques ont également été plutôt positives. Pour Jacques Morice, de Télérama, c'est un « thriller suffocant, aux confins du rêve et de la réalité, de la raison et de la démence » doublé d'un « délire poétique » avec un Willis « d'une sobriété impeccable » et Madeleine Stowe dégageant « une fragilité envoûtante ». Il regrette seulement que « le film s'égare parfois » et que Gilliam en fasse « juste un peu trop »33. Gérard Lefort, de Libération, donne au film la note A+ et estime qu'il a « tout bon » avec une « invasion de détails apparemment insignifiants qui contribue au malaise ambiant. Malaise qui joue avec les nerfs de nos petits plaisirs les plus suaves » et un Willis « tout simplement sensationnel »34. Michel Pascal, du Point, écrit que Gilliam « jette dans cette sombre fable sa formidable puissance visuelle et allégorique » avec sa « caméra qui crée magistralement le vertige de la fin de la planète » et regrette simplement « une certaine emphase du discours » dans ce « film plus monumental qu'émouvant »35. Frédéric Strauss, des Cahiers du cinéma, met en avant les différentes interprétations qu'on peut donner au film et l'« acharnement à convaincre de l’impossible, à prouver que le rapprochement entre une machine pensée pour le box-office et une œuvre née de la pensée d’un cinéaste, résolument hors norme, pouvait s’opérer et devenir la matière d’un film. C’est-à-dire davantage même qu’une adaptation »36. Et la rédaction des Inrockuptibles estime qu'avec cette réinvention de La Jetée, Gilliam prouve que « le cinéma est une machine à réinventer le présent » et « a su tirer un parti extraordinaire de cette capacité de Willis à insuffler une mélancolie et une détresse existentielles dans tous ses films »20.
Du côté des critiques négatives, Jean-Michel Frodon, du Monde, déplore la complexité du film, l'« invraisemblable capharnaüm partout où la caméra porte son œil » et « cette surenchère de bidules déglingués, cette duplication infinie de tout et de n’importe quoi, filmées aux amphétamines »36. Claude Baignères, du Figaro, partage le même jugement à propos du traitement compliqué de l'histoire « tant les repères que Gilliam nous donne sont flous », écrivant « on cesse de s’intéresser à l’action. Heureusement, ont peut toujours se raccrocher au décor »36. En Belgique, Fabienne Bradfer, du Soir, écrit que les décors sont « imposants, inventifs et raffinés » mais que « Gilliam semble y être piégé, ne trouvant plus assez d'air pour l'expression émotionnelle de son récit » et que l'histoire « est fascinante mais manque d'espace »37.
En 2008, le magazine Empire le classe à la 465e place dans sa liste des 500 meilleurs films de tous les temps38. Il figure dans le Top 250 du classement des films de l'Internet Movie Database, basé sur les votes du public, avec une note moyenne de 8,1⁄1039.
Distinctions
Cette section récapitule les principales récompenses et nominations obtenues par le film. Pour une liste exhaustive, se référer à l'Internet Movie Database40.Récompenses
Année | Cérémonie ou récompense | Prix | Lauréat(es) |
---|---|---|---|
1996 | |||
Golden Globes | Meilleur acteur dans un second rôle41 | Brad Pitt | |
Saturn Awards | Meilleur film de science-fiction42 | ||
Meilleur acteur dans un second rôle42 | Brad Pitt | ||
Meilleurs costumes42 | Julie Weiss | ||
1997 | Empire Awards | Meilleur réalisateur40 | Terry Gilliam |
Nominations
Année | Cérémonie ou récompense | Prix | Nommé(es) |
---|---|---|---|
1996 | |||
Oscar du cinéma | Meilleur acteur dans un second rôle43 | Brad Pitt | |
Meilleurs costumes43 | Julie Weiss | ||
Berlinale | Ours d'or40 | ||
Saturn Awards | Meilleur acteur40 | Bruce Willis | |
Meilleure actrice40 | Madeleine Stowe | ||
Meilleure réalisation40 | Terry Gilliam | ||
Meilleur scénario40 | David Webb Peoples et Janet Peoples | ||
Prix Hugo | Meilleur film44 | ||
MTV Movie Awards | Meilleur acteur45 | Brad Pitt | |
1997 | Awards of the Japanese Academy | Meilleur film étranger40 |
Poursuites judiciaires
Au début du film, Cole est amené dans la salle d'interrogatoire où on le fait asseoir sur une chaise qui est attachée à un rail vertical sur le mur. Une sphère soutenue par une armature métallique lui fait face, pour sonder ses points faibles pendant que les scientifiques l'interrogent. L'architecte Lebbeus Woods a intenté un procès contre Universal Pictures en février 1996, affirmant que son dessin « Neomechanical Tower (Upper) Chamber », publié en 1987, avait été utilisé sans autorisation46. La justice a donné raison à Lebbeus Woods, a ordonné à Universal Pictures de retirer le film des salles et en a interdit la diffusion tant que les trois scènes où apparait ce décor ne seraient pas coupées. Moyennant une compensation financière de plusieurs centaines de milliers de dollars, Universal Pictures a obtenu de Woods de pouvoir diffuser le film sans coupures46.Notes et références
Notes
- Le R signifie que les mineurs (17 ans ou moins) doivent être accompagnés pour pouvoir assister à la projection du film.
- En France, le film est commercialisé avec l'avertissement qui suit : « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs ».
- Au Québec, la projection du film est déconseillée aux mineurs de moins de 13 ans.
- « somebody who is strong and dangerous but also vulnerable. » Citation originale :
- « She has this incredible ethereal beauty and she's incredibly intelligent. Those two things rest very easily with her, and the film needed those elements because it has to be romantic. » Citation originale :
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « 12 Monkeys » (voir la liste des auteurs)
- L'Armée des douze singes » sur libresavoir.org. Consulté le 26 septembre 2011 Henri-Philibert Caillat, «
- (en) Twelve Monkeys sur The Numbers. Consulté le 9 septembre 2011
- Fiche de doublage français de L'Armée des 12 singes, VoxoFilm. Consulté le 23 septembre 2011
- (en) Chris Nashawaty, « They Call Him Mr. Pitch », Entertainment Weekly. Consulté le 22 septembre 2011
- (en) « Twelve Monkeys - Notes de production, Universal Home Video, 2005, DVD
- (en) Ian Christie, Terry Gilliam, Gilliam on Gilliam, Londres, Faber & Faber, 1999 (ISBN 0-571-20280-2), p. 220-225.
- (en) Ian Christie, Terry Gilliam, Gilliam on Gilliam, Londres, Faber & Faber, 1999 (ISBN 0-571-20280-2), p. 226-230.
- « L'Armée des douze singes - Making-of, Aventi Distribution, 2005, DVD
- L'Armée des 12 singes - Secrets de tournage sur AlloCiné. Consulté le 27 septembre 2011
- L'Armée des douze singes - Questions de méthode sur bifi.fr. Consulté le 27 septembre 2011
- (en) Jill Gerston, « Terry Gilliam: Going Mainstream (Sort Of) », dans The New York Times, 24 décembre 1995
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Liens externes
- L'Armée des douze singes sur l’Internet Movie Database - Version plus complète en anglais
- L'Armée des douze singes sur AlloCiné
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