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jeudi 16 février 2012
pour http://www.agoravox.fr
L’EFSA est indépendante des autorités européennes, et elle fait un peu ce qu’elle veut. Seul le Parlement européen peut remettre en cause une partie du financement de l‘EFSA. Et bien sûr, on a oublié de mettre en place des règles strictes pour empêcher les conflits d’intérêts.
jeudi 16 février 2012
pour http://www.agoravox.fr
Le Corporate Europe Observatory a publié récemment (avec Earth open Source) un rapport sur les conflits d’intérêts qui règnent depuis des années au sein de l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire). Où l’on comprend mieux pourquoi nos aliments sont gorgés de pesticides, et pourquoi l’EFSA considère -par exemple- que les OGM ne sont pas dangereux.
La mission de l’EFSA, fondée en 2002, est donc d’informer les politiques pour qu’ils prennent des décisions intelligentes, mais aussi d’informer le public et les autorités sur les « risques associés à la chaîne alimentaire humaine et animale ». En principe, elle doit être indépendante et transparente.
Le problème de l’évaluation
Pour vendre des produits alimentaires en Europe, les entreprises doivent demander une autorisation à l’EFSA, qui évalue les risques et donne ou pas son accord.
Les dossiers soumis à l’EFSA tiennent souvent en des milliers de pages et sont protégées par le secret commercial invoqué par les multinationales de l’alimentaire. Des études indépendantes et/ou critiques sont donc impossibles à réaliser. Et bien sûr, les études menées par l’industrie concluent toujours qu’il n’y a pas de risques, quitte à biaiser les résultats comme on a pu le voir avec l’amiante, le tabac, les téléphones portables, les OGM[1], les pesticides, l’aspartame ou encore le bisphénol A (BPA) contenu dans de nombreux emballages.
L’EFSA n’a pas les moyens de commander des études contradictoires, et de fait c’est au consommateur de prouver les risques. Car même quand des études indépendantes existent, l’EFSA n’en tient pas compte (ou ne sait même pas qu’elles existent) et continue à se baser seulement sur les études industrielles. Et encore, ces études indépendantes sont menées après la commercialisation, puisque avant les chercheurs n’ont accès à aucune donnée sur les produits.
Il semblerait également que l’EFSA soit fortement influencée par les industriels lorsqu’elle évalue les risques, comme c’est le cas pour les OGM.
C’est ainsi que l’EFSA continue à envisager les choses sous l’angle de la DJA, la dose journalière admissible pour chaque produit. Or, il est démontré que la DJA ne correspond à rien et n’est certainement pas une mesure scientifique. L’EFSA tient compte de la dose maximale avec laquelle « on » ne constate pas d’effet, mais les études indépendantes estiment que cette dose est surévaluée, et que des problèmes peuvent survenir à des doses moindres que celles fixées par l’EFSA et le codex alimentarius. Finalement, encore une fois, l’EFSA se base sur les délires des industriels.
Les pesticides, l’aspartame, le bisphénol A, les OGM etc. sont évalués selon le critère de la DJA. Le cas du glyphosate est révélateur : cette substance est l’ingrédient principal du pesticide Roundup de Monsanto, et a été mis sur le marché en 2002 malgré des centaines d’études indépendantes qui en pointaient les risques. Si de son côté, Monsanto a voulu faire multiplier par 150 la DJA de glyphosate que les consommateurs ingéreront quotidiennement, l’EFSA, elle, regarde ailleurs et dit OK. Ainsi, on aura droit, par exemple, à 10mg de glyphosate par kilo de lentilles.
En janvier 2012, suite à la demande de Monsanto, l’EFSA a donc permis l’augmentation de 100 à 150 fois de la quantité de glyphosate contenue dans les lentilles, malgré que ce seuil soit six fois supérieur à celui auquel les humains n’ont aucun problème.
Mais, c’est du l’air du temps, semble-t-il, puisque l’UE a décidé de relever de 200 fois la limite maximale de glyphosate dans le soja. Rappelons que le soja transgénique est censé résister aux pesticides comme le Roundup. On est donc passé de 0,1 milligramme par kilo à 20 mg par kilo…
Selon le CEO, l’EFSA, qui suit à la lettre les recommandations de l’industrie, estime que la DJA maximale pour le glyphosate est de 0,3 mg par kilo de poids corporel. Ensuite, elle divise ce seuil par deux et considère qu’on est en sécurité. Pas de chance, un rapport rédigé par des scientifiques internationaux montre que la DJA devrait être au moins 12 fois inférieure, soit 0,025 mg par kilo de masse corporelle et par jour.
Les études menées par l’industrie ont en effet cette particularité de ne porter que sur des périodes de tests très courtes, qui ne permettent pas de voir les conséquences à moyen et long terme.
Dans le cas du glyphosate, autorisé avant la mise en place de l’EFSA par un groupe de protection des consommateurs allemands et des experts de la commission, lesdits experts se sont uniquement basés sur les études de l’industrie.
Pour le bisphénol A (BPA), utilisé dans la fabrication de plastiques rigides et de certains revêtements (type cannettes, plombages dentaires…), et qui est connu pour impliquer des perturbations du système endocrinien (avec risques de cancers, malformations congénitales, maladies cardiaques, troubles de la thyroïde ou du système nerveux même à très faibles doses), l’EFSA n’a rien remarqué de suspect. L’EFSA n’a tenu compte d’aucune des centaines d’études indépendantes montrant qu’il y avait de gros risques pour la santé. Non, l’EFSA a seulement retenu deux études industrielles qui concluaient qu’il n’y avait aucun risque.
Selon le Réseau Environnement Santé, 96% des 193 études portant sur le BPA ont conclu à des effets inquiétants sur la santé. Et dans 31 études, les effets ont été observés à des doses inférieures à la DJA admise. André Cicolella, porte-parole du Réseau Environnement Santé et toxicologue à l'INERIS (l'Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques), explique : « La DJA actuelle soutenue par l'EFSA est de 50 microgrammes / kg / jour. Mais une étude chez la souris a montré des modifications précancéreuses dans les glandes mammaires à seulement 0,025 microgrammes / kg / jour118. C'est 2000 fois inférieur à la DJA actuelle. (…) Donc, en prenant en compte la marge de sécurité courante, Cicolella estime : « La DJA ne devrait pas dépasser 25 picogrammes / kg / jour – ce qui est 2 millions de fois inférieure à la DJA actuelle. Ceci justifie clairement une interdiction ». »
Sur 69 études concernant le BPA chez l’homme, 67 ont détecté des effets négatifs.
Comme par hasard, plusieurs membres du groupe d’experts sur les additifs alimentaires, qui ont rendu des avis positifs sur ce produit, sont liés avec l’industrie et/ou avec l’ILSI.
Puis en septembre 2011 l’Autorité Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (ANSES), publie deux rapports sur le BPA, qui concluent aux effets nocifs prouvés chez l’animal et suspectés chez l’homme même à des niveaux inférieurs aux DJA admises par l’EFSA. Finalement, le BPA sera interdit dans les contenants alimentaires dès 2014. Car les rapports concluent qu’il ne faut pas exposer les nourrissons, les jeunes enfants et les femmes enceintes au BPA. Evidemment, l’EFSA a répondu que c’était faux et qu’il n’y a aucun risque. C’est le groupe chargé des emballages alimentaires qui a répondu, et comme d’habitude des experts étaient très liés à l’ILSI, comme Roland Franz[2] ou Laurence Château[3].
Dans le cas de l’aspartame, un édulcorant artificiel des plus courants (présent dans 6.000 produits alimentaires et 500 médicaments), l’EFSA a fixé la DJA en sa basant sur quatre études industrielles datant des années 70. L’EFSA a même précisé en 2011 au parlement européen qu’elle ‘n’avait jamais eu les fameuses études sous les yeux !
Depuis, plusieurs études menées à grande échelle sur des rats et des souris ont montré que l’aspartame cause le cancer, mais l’EFSA est restée sur sa position des années 70 : elle écrivait encore début 2012 que « À la suite d’évaluations approfondies de sa sécurité, l’aspartame a été considéré sûr pour la consommation humaine et est autorisé depuis de nombreuses années dans de nombreux pays » et que le groupe d’experts chargé des additifs alimentaires a « conclu qu’il n’y avait pas de motif de réviser la DJA précédemment établie pour l’aspartame de 40 mg/kg pc/jour ».
Elle a réitéré ces propos en 2009 : après une nouvelle étude indépendante à charge contre l’aspartame : « il n'y avait aucune indication que l’aspartame présente un risque en matière de génotoxicité ou de carcinogénicité et, par conséquent, aucune raison de réviser la dose journalière acceptable (DJA) précédemment établie pour l'aspartame, à savoir 40 mg/kg pc/jour ».
En 2006 et 2007, le Dr Morando Soffritti a publié les résultats de son étude sur les rats, dans laquelle il a observé les effets de l’aspartame sur toute la durée de vie des rats et pas seulement sur les deux premiers tiers de leur vie comme le recommande l’OCDE. Et il conclut qu’il est urgent de réévaluer les règles sur la consommation de ce produit. Bien sûr, l’EFSA a rejeté cette étude car elle n’est pas conforme aux normes OCDE ni aux normes des labos industriels.
Soffritti a ensuite testé l’aspartame sur des souris, depuis le stade fœtal jusqu’à la mort, et a observé que le risque de cancer augmentait quand l’exposition à l’aspartame avait commencé lors de la gestation. Cette étude a également été rejetée par l’EFSA, pour les mêmes raisons, et aussi parce que les cancers ont pu apparaître spontanément. Pour étayer ces propos, l’EFSA cite cinq études : l’une résumant les conclusions d’un groupe de travail de l’ILSI, une autre financée par Rhône Poulenc, une autre signée par Alan Boobis, un collaborateur de l’ILSI, un article de l’ILSI et un autre financé par Dox Agro Sciences. En outre, on a appris que pour l’aspartame non plus, l’industrie n’a pas les études industrielles en sa possession.
Enfin, les règles fixées par l’EFSA en matière d’évaluation des risques sont suffisamment laxistes pour que l’industrie ait une marge de manœuvre. Le COE explique même que certaines lignes directrices de l’EFSA « ont été critiquées comme étant biaisées en faveur des intérêts de l’industrie au détriment de la santé publique ».
Par exemple, le nouveau règlement sur les pesticides de 2009 précise que les recherches indépendantes doivent être prises en compte, mais en 2011 l’EFSA autorise les industriels à ne pas les prendre en compte.
L’EFSA a aussi indiqué aux industriels qu’ils pouvaient se baser sur un machin appelé l’échelle de Klimisch, et qui estime que les études réalisées selon les standards des labos industriels sont plus fiables que les études indépendantes. Le Pesticide Action Network a demandé à ce que l’EFSA communique les noms des experts ayant poussé à cette superbe idée, mais l’EFSA, après avoir refusé de donner les pièces deux fois de suite, a finalement envoyé une liste censurée : tous les noms étaient noircis.
Conflits d’intérêts flagrants
Depuis des années, des associations citoyennes dénoncent la proximité entre les experts de l’EFSA et le lobby industriel. Friends of Europe a publié un rapport en 2004 portant sur les experts du groupe OGM de l’EFSA. Le rapport pointait les liens entre ces experts et l’industrie, même si certains avaient omis de déclarer ces liens. 11 autres études ont suivi, d’après le CEO.
Elles expliquaient pêle mêle que « Le chef du secrétariat du groupe d’experts OGM de l’EFSA devient lobbyiste pour Syngenta », que « Onze des 20 experts du groupe d’experts sur les additifs alimentaires présentent un conflit d’intérêts, selon la définition OCDE. Quatre membres du groupe d’experts n’avaient pas déclaré leur collaboration active avec ILSI Europe », que « deux des 5 experts nouvellement appointés en juillet se sont révélés en violation des règles internes de l’EFSA pour n’avoir pas déclaré leurs activités de consultants auprès de l’ILSI », que « le président du groupe d’experts NDA, Albert Flynn, présentait un conflit d’intérêts avec l’entreprise Kraft Foods », que « douze des 21 experts du groupe d’experts OGM présentaient des conflits d’intérêts, selon la définition de l’OCDE », ou évoquaient le conflit d’intérêts de la présidente de l’EFSA..
Mais rien ne se passe.
Le Corporate Europe Observatory rappelle que de nombreux membres des groupes d’experts sur les OGM, les additifs alimentaires ou les pesticides ont eu des conflits d’intérêts, par exemple en étant proches de l’International Life Sciences Institute (ILSI), le lobby industriel[4].
Un président de groupe de travail de l’ILSI, Kevin Glenn, également employé de Monsanto, a déclaré en 2006 que l’ILSI avait eu un impact déterminant sur l’EFSA, via un rapport concernant le codex alimentarius, censé fixer les normes alimentaires internationales.
Les liens sont tellement étroits entre l’ILSI et l’EFSA, que les deux organisent des conférences conjointes. Ainsi, en novembre 2005, l’EFSA et l’OMS ont organisé une conférence « avec le soutien de l’Institut International des Sciences de la Vie » au sujet de l’évaluation des risques concernant les substances qui endommagent l’ADN et causent le cancer. Des groupes de travail conjoints sont également organisés, avec des experts venus de l’ILSI et de l’EFSA.
L’EFSA est indépendante des autorités européennes, et elle fait un peu ce qu’elle veut. Seul le Parlement européen peut remettre en cause une partie du financement de l‘EFSA. Et bien sûr, on a oublié de mettre en place des règles strictes pour empêcher les conflits d’intérêts.
L’EFSA est dirigée par un conseil d‘administration qui doit en principe être nommé conjointement par les Etats membres de l’UE et le Parlement européen. En réalité, souligne le CEO, « les membres sont choisis dans une liste restreinte de candidats établie par la Commission européenne à la suite d’un appel public à manifestation d’intérêt ». En outre, quatre des 14 membres du CA doivent « avoir une expérience au sein d’organisations représentant les intérêts des consommateurs et d’autres intérêts dans la chaîne alimentaire », ce qui n’est pas le cas puisque selon l’EFSA elle-même, deux de ces quatre experts viennent de l’industrie.
Il s‘agit de Matthias Horst, qui est directeur de la fédération allemande des boissons et de l’alimentaire, et de Piet Vanthemsche, qui dirige le syndicat flamand des agriculteurs industriels, occupe un poste de direction dans l'Agri Investment Fund, et détient des parts dans 19 entreprises liées à l'agro-industrie[5].
C’est le CA qui nomme les experts membres de la dizaine de groupe d’experts de l’EFSA. Lesdits experts ne sont pas rémunérés, juste défrayés[6].
Le CEO pointe le conflit d’intérêts de l’un des membres du conseil d’administration de l’EFSA, Diana Banati, qui a aussi siégé au conseil d’administration de l’ILSI, dont elle a démissionné suite à la polémique sur ses liens avec l’industrie. Apparemment, la dénommée Banati avait omis de mentionner ce conflit d’intérêt dans sa déclaration d’avril 2010. Mais elle l’avait précisé en 2006[7] quand elle a pris ses fonctions, ce qui n’a pas empêché l’EFSA de la recruter. Elle a démissionné à la suite du mini scandale qu’a provoqué la nouvelle de cette ambivalence.
Milan Kovac, autre membre du conseil d‘administration de l’EFSA, était également membre du conseil d‘administration de l’ILSI de 2001 à juillet 2011, ainsi que Jiri Ruprich, émanation de l’Institut Danone.
En 2008, l’EFSA a mis en place un groupe de travail qui devait permettre la mise sur le marché de substances chimiques toxiques, sans réaliser de tests toxicologiques préalables, ni même après d’ailleurs. Ledit groupe de travail était en outre infiltré par les industriels : la seule membre du groupe en question était une toxicologue de l’EFSA qui était également consultante pour l’industrie alimentaire, membre de l’ILSI.
Cette infiltration de l’industrie est très importante pour qu’on ne mette pas en place de mesures de précaution qui feraient perdre de l’argent à court terme.
Cette infiltration de l’industrie est très importante pour qu’on ne mette pas en place de mesures de précaution qui feraient perdre de l’argent à court terme.
On a parlé des dirigeants de l’EFSA, mais les « experts » sont aussi proches de l’industrie. En 2011, le COE publiait un rapport sur lesdits experts, et avait compté qu’onze d’entre eux étaient liés à l’industrie alimentaire. Le groupe consacré aux additifs alimentaires comptait 11 membres sur 20 ayant un conflit d’intérêts, selon la définition de l’OCDE. Quatre d’entre eux avaient oublié de mentionner leur collaboration avec l’IFSI[8], dont le président et le rapporteur du groupe.
Voici la liste de quelques uns des membres de ce groupe d’experts ayant des conflits d’intérêt (c’est un résumé, le détail est à la fin du rapport) :
- Celle qui est aujourd’hui présidente mais était alors vice présidente de ce groupe d’experts, Ivonne Rietjens, a reçu de l’argent pour son laboratoire de la part de Nestlé depuis 2005, ainsi que de l’Organisation Internationale du Goût (IOFI) depuis 2010. Elle a aussi été membre de la discrète FEMA (Flavour Extract Manufacturers Association, dont Coca Cola et Pepsi sont des membres très actifs), et a travaillé avec l’ILSI pour redéfinir les procédures d’évaluation du risque pour la nourriture et les produits chimiques.
- Son compatriote néerlandais, le rapporteur du groupe Gerrit Speijers, a été consultant pour Danone depuis 2007, et pour Pepsi Co International depuis 2010, et il a aussi travaillé pendant quelque temps avec l’ILSI Europe.
- L’autrichien Jürgen Köning, qui a été consultant pour Danone depuis 2007, et son laboratoire a été financé par le lobby de l’industrie alimentaire autrichien de 2007 à 2011.
- Paul Tobback (Belgique) a été membre du comité scientifique du lobby industriel belge depuis 2001, et a été consultant pour la chaîne de supermarchés Carrefour.
- L’Irlandaise Iona Pratt, en plus d’avoir elle aussi travaillé avec l’ILSI, a , selon le CEO « Elle est en plus parfois rémunérée directement par des sociétés pour évaluer leurs produits, à la demande de l'Autorité Irlandaise de Sécurité des Aliments (FSAI) ».
- L'homme d'affaires britannique John Gilbert et le scientifique français Jean-Charles Leblanc ont tous les deux été conseillers de l'ILSI jusqu'en 2009, et J. Gilbert a travaillé pour l'ILSI pendant 15 ans.
- La professeure de toxicologie Dominique Parent-Massin a travaillé comme consultante pour Coca-cola en 2009, ainsi que pour Ajinomoto, le plus grand fabricant d'aspartame au monde, de 2005 à 2008. En mars 2011, elle a déclaré des "liens financiers avec Ajinomoto qui ont été considérés comme un conflit d'intérêts par l'EFSA. Elle a également été consultante pour un cabinet de conseil qui ne divulgue pas le nom de ses clients, toujours selon le CEO.
Quand une partie des experts a été renouvelée en 2011, le scénario s’est répété : 2 des 5 nouveaux experts, Riccardo Crebelli et Ursula Gundert-Remy, ont encore oublié de faire référence à leurs jobs de consultants pour l’ILSI.
Ce n’est pas vraiment mieux du côté du groupe d’experts qui planche sur les OGM, puisque 12 des 21 membres sont proches de l’industrie, essentiellement l’industrie pharmaceutique, et cinq ont ou ont eu des liens avec l’ILSI.
Par exemple (cette liste n’est pas exhaustive) :
- le président Harry Kuiper, au sujet duquel le CEO explique qu’il a « joué un rôle actif dans l'ILSI pendant au moins une décennie. Depuis environ 2001, il a été un membre important du groupe de travail sur les biotechnologies mis en place par le Comité international des biotechnologies alimentaires de l‟ILSI et a été impliqué avec l'ILSI jusqu'en 2010. Le groupe de travail de l'ILSI était dirigé par un employé de Monsanto et comprenait des employés de Cargill, Bayer et Syngenta. Kuiper est président du groupe d‟experts sur les OGM de l'EFSA depuis 2003.
Mais Kuiper a changé sa déclaration d'intérêt de l’EFSA pour en exclure ses connexions avec l’ILSI les plus récentes. Dans sa Déclaration de 2010 (avant que les critiques sur les liens EFSA-ILSI ne s’amplifient), il déclarait un lien d’intérêt avec l‟ILSI de 2000 à « maintenant », en tant qu’« expert indépendant » sur les aliments OGM. Mais dans sa déclaration d'intérêt de 2011, Kuiper déclare que son implication la plus récente avec l'ILSI datait de 2005 ! ».
- Joe Perry, était un ancien vice président du groupe sur les OGM, et a été rémunéré par un sous traitant de BASF, Bayer, Monsanto et Syngenta. Jusqu’à 2006, Perry était chercheur dans le domaine des OGM pour un institut privé sponsorisé par Syngenta, Bayer, DuPont et Dow AgroSciences.
- Jeremy Sweet, également ex vice president du groupe sur les OGM, a reçu des financements de la part de Monsanto, Bayer et BASF in 2006. Il a aussi fait des séminaires au Japon et en Corée pour l’ILSI. Depuis 1995, il est membre de British Crop Protection Association, un lobby de l’industrie des biotechnologies lié aux fabricants de graines BASF, Bayer CropScience, Dow, DuPont, Monsanto, Nufarm et Syngenta.
- Joachim Schiemann, membre du groupe OGM, est aussi membre du Public Research and Regulation Initiative (PRRI), un groupe de pression industriel qui cherche à assouplir la législation sur la protection de l’environnement. Il a été viré de l’EFSA quelques jours après avoir publié un texte sur la résistance des marqueurs génétiques aux antibiotiques.
- Jean-Michel Wal a reçu des financements de Nestlé, et a fait partie d’un groupe de travail de l’ILSI depuis 2002. Il a également publié des articles scientifiques conjointement avec des employés de l’industrie alimentaire et des biotechnologies, dont Nestlé et Unilever. Il était aussi membre de l’Institut Français pour la Nutrition (IFN[9]).
- Detlef Bartsch était consultant pour Monsanto. En 202, il est apparu dans une pub pour l’industrie des biotechnologies, et a aussi rédigé un article avec des employés de Monsanto, Dupont, Syngenta, BASF avec ses collègues du groupe d’experts OGM Schiemann et Sweet.
- Jozsef Kiss a vu son laboratoire financé par le producteur de semences OGM Pioneer Hi-Bred, dans le but tester l’impact environnemental du maïs OGM. La même boîte a aussi passé plusieurs contrats avec des membres de l’institut de Kiss de 2006 à 2009.
- Patrick du Jardin a été un consultant rémunéré pour Monsanto en 2006. En novembre 2007, il rédige une lettre ouverte au commissaire européen à l’Environnement pour défendre l’industrie des biotechnologies. Durant les dix dernières années, il a mené des recherché sur les plantes OGM ayant des gènes résistants aux antibiotiques, similaires à ceux qu’utilisent BASF pour les pommes de terre Amflora.
- Howard Davies est un chercheur sur les pommes de terre OGM, et son institut a été finance par Monsanto pour introduire les pommes de terre OGM au Kenya. Il a aussi eu des contrats externes avec BASF et Bayer et a fait des conférences pour l’ILSI.
Comme par hasard, tous ces experts se sont montrés favorables à l’introduction de moult produits OGM, comme les pommes de terre Amflora[10] de BASF ou divers maïs de Monsanto. A tel point qu’ils ont même plagié des textes des industriels de l’OGM. D’ailleurs l’histoire de ce plagiat est intéressante : le texte a été pompé en fait à Entransfood, un groupe de recherche mis en place par la commission européenne entre 2000 et 2003 (qui a coûté plus de 8 millions d’euros aux contribuables), et qui avait pour mission de faire accepter les OGM aux citoyens européens.
Quant au groupe de travail de l’EFSA sur « le seuil de préoccupation toxicologique » (TTC, une notion aussi contestée que la DJA pour les mêmes raisons), 10 de ses 13 membres sont, selon le Pesticide Action Network, en conflit d’intérêts. Ce groupe de travail créé en 2008 autorise la mise sur le marché de produits toxiques. Etrangement, il a été mis en place à la seule initiative de sa présidente, Susan Barlow (qui est aussi membre du comité scientifique de l’EFSA), qui est surtout consultante pour l’industrie chimique, et avait des clients tels que l’ILSI, Pfizer ou PepsiCo. Pour l’ILSI, elle a justement travaillé sur la question de l’autorisation des produits toxiques, avant de faire la même chose à l’EFSA.
Elle a formé son groupe avec Corrado Galli, lié à l’industrie alimentaire et cosmétique, à Giovanni Zapponi, ou encore Ursula Gundert Remy dont on a déjà parlé.
En 2008, « sans répondre à une saisine de la Commission européenne, l'EFSA décide de rendre un avis sur la pertinence et la fiabilité d'une méthode d'évaluation de la toxicité des molécules qui se retrouvent dans la chaîne alimentaire (résidus de pesticides, d'emballages, d'additifs, etc.). Développée et promue depuis le milieu des années 1990 par les industriels réunis au sein de l'International Life Sciences Institute (ILSI), cette approche - dite du "seuil de préoccupation toxicologique" (TTC, pour Threshold of Toxicological Concern) - suscite la méfiance des ONG », nous explique le quotidien Le Monde.
Evidemment, tous les groupes d’experts sont touchés.
Du coup, c’est pareil au comité scientifique de l’EFSA, où au moins 6 membres sur 16 ont ou ont eu des liens avec l’IFSI : Susan Barlox, Harry Kuiper, Tony Hardy, Ivonne Rietjens, Iona Pratt et Joseph Schlatter.
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Pour conclure avec ce chapitre sur les conflits d’intérêts, le CEO explique la position de l’EFSA quant à tous ces rapports sur les ambiguités des experts avec l’industrie qu’ils sont censés réguler : « L'EFSA a nié avec véhémence les accusations contenues dans les rapports mentionnés. Par exemple, en réponse aux rapports de l'Observatoire Européen de l'Entreprise (CEO) sur le groupe scientifique chargé des additifs alimentaires (Groupe ANS), la directrice exécutive de l'EFSA, Catherine Geslain-Lanéelle, a déclaré qu'ils contenaient des "erreurs factuelles" et "induisaient le public en erreur au sujet de l'EFSA."
Mais les accusations « d'erreurs factuelles » ont pu être facilement réfutées. En effet, quelques jours après la publication du premier rapport, les déclarations d'intérêts des experts du panel, à savoir John Christian Larsen, Gerrit Speijers, Jürgen König, et Iona Pratt ont été mises à jour afin d'inclure leurs collaborations avec l'ILSI.
En réponse à la plainte de CEO sur le fait que deux nouveaux experts du panel ANS avaient à nouveau omis de déclarer des liens avec l'ILSI, l'EFSA a déclaré que « conformément à la politique de l'EFSA sur les déclarations d'intérêt, les experts … n'étaient pas tenus de déclarer ces activités car elles ne sont pas liées au domaine d'activité de leur panel scientifique. "
Mais le document d'orientation de l'EFSA sur les déclarations d'intérêts indique clairement que les activités qui doivent être déclarées incluent « les conseils ou les services dans un domaine particulier relevant de la compétence de l'EFSA » (mis en italique par nous), et pas seulement de la compétence du panel ANS. De toute évidence le travail de ces personnes pour l'ILSI entre bien dans les attributions de l'EFSA. Donc même en se référant aux normes de l'EFSA, il devrait être déclaré, et, par rapport à toute norme objective, il devrait être interdit ».
[1] En 2002, Monsanto a demandé l’autorisation de mise sur le marché pour son maïs OGM MON863 en Allemagne, en étayant sa demande par une étude d’alimentation chez le rat. L’EFSA l’a autorisé en avril 2004, estimant qu’aucun effet indésirable n’avait été relevé. En mai 2004, Greenpeace réclame cette étude sur les rats, mais l’EFSA n’avait pas les documents. Greenpeace a donc demandé aux autorité allemandes, et bien sûr Monsanto a tenté d’empêcher qu’elles ne donnent le dossier à l’ONG. C’est une cour d’Appel allemande qui a finalement décidé la transmission de l’étude à Greenpeace, en juin 2005. En 2005, c’est l’UE qui autorise le MON863, et Monsanto publie une sorte de résumé de son étude. Après analyse de ces données, Gille Eric Seralini du CRIIGEN constate qu’elles montraient des effets toxiques, notamment au niveau du foie des rats, nourris au MON863 pendant 90 jours (seulement !).
[2] Franz a certes rédigé le rapport de l’EFSA sur le BPA, mais aussi un rapport de l’ILSI sur la consommation alimentaire et les usages des emballages. Il est aussi membre du comité scientifique de l’ILSI ‘international symposium food packaging ‘.
[3] Laurence Château a co écrit une étude de l’ILSI sur l’ « estimation de l’exposition des consommateurs aux produits chimiques qui migrent à partir de matériaux d’emballage ».
[4] L’ILSI, qui nie être un groupe de pression, a été créé en 1978. Parmi ses membres, on a Bayer, coca Cola, Danone, Kellogg’s, Kraft foods, Monsanto, Pepsi, Unilever, BASF (pesticides, graines), Cargill, Ferrero, Nestlé, Red Bull, Procter & Gamble, L’Oréal, Bio Mérieux, Brystol Myers Squibb, Exxon mobil, Eli Lilly, Merck & Co, Novartis, Sanofi Aventis… Au conseil d’administration, on retrouve le président de Coca Cola Europe, des médecins de Kraf Foods, de Sanofi Aventis, de Monsanto, de Syngenta, de Danone, de Nestlé, et quelques universitaires. A la fin des années 90 et au début des années 2000, IlSI a travaillé avec l'industrie du tabac pour faire pression sur l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans le but de limiter la lutte anti-tabac
[5] Il est aussi membre de la direction de la banque KBC à Bruxelles puis du KBC Group.
[6] A ce sujet, le CEO s’interroge : « Comme le dit la directrice générale Catherine Geslain-Lanéelle, les experts "ne sont pas payés pour leur travail (ils ne reçoivent que le remboursement de leurs dépenses) et partagent leur expertise en plus de leur travail quotidien, consacrant souvent des week-ends et des jours fériés à aider l'EFSA ainsi que d'autres organismes." Cela signifie que les revenus des scientifiques doivent provenir d'un autre emploi, y compris d'activités pour le secteur privé. Est-ce trop tiré par les cheveux d'assumer que l'industrie encouragerait les personnes avec lesquelles elle travaille à postuler pour un poste à l'EFSA, peut-être en leur permettant de faire le travail de l'EFSA sur leur temps rémunéré ? ». Accessoirement, certains experts indépendants ne veulent pas travailler à l’EFSA, car cela nuirait à leur réputation en raison du manque d’impartialité de l’agence.
[7] Banati avait dit qu’elle faisait partie du comité scientifique de l’ILSI.
[8] Il s’agit de John Christian Larsen, de Gerrit Speijers, de Iona Pratt, et de Jürgen König.
[9] L’IFN est un lobby où scientifiques et industriels se rencontrent pour défendre le bout de gras des industriels, justement. L’IFN a pour adhérents (c’est-à-dire des financements de) l’ANIA (le lobby des industries alimentaires : Association Nationale des Industries Alimentaires), du CEDUS (centre d’études et de documentation du sucre), du CNIEL (centre national interprofessionnel de l’économie laitière), de la FNCG (fédération nationale des industries de corps gras) etc. mais aussi des multinationales du secteur comme Coca Cola France, Danone, Kraft Foods, Kellogg’s France, Nestlé ou Unilever…
[10] Qui aurait été créée initialement pour faire du papier, de la colle et des adhésifs.
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