Ecrit par Lova Rakotomalala · Traduit par Abdoulaye Bah le 6 Mai 2012 pour http://fr.globalvoicesonline.org
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Português | · África: Clamor por Transparência Diante do Aumento Significativo da Venda de Terras |
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Une coalition internationale de chercheurs et d'ONG a publié la plus grande base de données publique du monde sur les transactions foncières internationales, rapporte le blog Global Development du quotidien The Guardian (Royaume-Uni). Il s'agit d'une étape importante pour mettre en évidence un problème de développement qui a reçu peu d'attention des médias. Le rapport indique que près de 5% des terres agricoles africaines ont été achetées ou louées par des investisseurs depuis 2000, et insiste sur le fait que ce n'est donc pas un phénomène nouveau, mais souligne aussi que le nombre de telles transactions de terres a considérablement augmenté au cours des cinq dernières années. De nombreux observateurs sont de plus en plus inquiets car ces transactions de terres ont lieu généralement dans les pays les plus pauvres du monde et auront un impact sur la frange la plus vulnérable des populations, les agriculteurs. Les bénéfices profitent rarement à l'ensemble de la population, en partie en raison d'un manque de transparence dans la procédure des transactions. Un rapport complémentaire publié par Global Witness, intitulé Dealing with Disclosure, (Gérer la divulgation), met l'accent sur l'impérieuse nécessité de la transparence dans les transactions foncières. Les nations les plus pauvres du monde sont ciblées Le rapport de Global Witness indique que 754 transactions foncières ont été identifiées, impliquant la majorité des pays africains pour environ 56,2 millions d'hectares.
Les nations ciblées sont généralement parmi les plus pauvres du monde. Les pays où la plupart des transactions sont en cours sont le Mozambique (92 offres), l’Éthiopie (83), la Tanzanie (58) et Madagascar (39). Certains de ces accords ont fait les gros titres parce qu'ils ont été conclus afin d'assurer le contrôle des importations alimentaires des pays ou entités acquéreurs, alors que les régions ciblées sont confrontées à des crises alimentaires majeures. L'ONG GRAIN a déjà expliqué en détail l'essentiel de ses préoccupations dans un rapport approfondi publié en 2008:
Les solutions pour la population locale ? Peut-être, cependant, le sort des agriculteurs malgaches est-il en train de changer lentement. Les discussions sur la réforme foncière sont en cours, selon cet article :
La synergie actuelle entre la crise alimentaire et la crise financière a déclenché un nouvel « accaparement des terres » au niveau mondial. D’un côté, des gouvernements préoccupés par l’insécurité alimentaire qui recourent à des importations pour nourrir leurs populations s'emparent de vastes territoires agricoles à l’étranger pour assurer leur propre production alimentaire offshore. De l’autre, des sociétés agro-alimentaires et des investisseurs privés, affamés de profits dans un contexte d’aggravation de la crise financière, voient dans les investissements dans des terres agricoles à l’étranger une source de revenus importante et nouvelle. De ce fait, des terres agricoles fertiles sont de plus en plus privatisées et concentrées. Si elle devait rester incontrôlée, cette main basse sur les terres à l’échelle planétaire pourrait sonner le glas des petites exploitations agricoles et des moyens de subsistance ruraux dans bien des régions du monde.Au Malawi, les transactions foncières ont augmenté de plus en plus principalement au détriment des agriculteurs locaux. Un rapport de Bangula explique les difficultés rencontrées par les agriculteurs du Malawi, comme Dorothy Dyton et sa famille :
Comme la plupart des petits exploitants agricoles au Malawi, ils n'ont pas de titre de propriété pour la terre où Dorothy Dyton est né, et en 2009 elle et environ 2 000 personnes qui pratiquent l'agriculture de subsistance dans la région ont été informées par leur chef local que la terre avait été vendue et qu'ils ne pouvaient plus y cultiver. […] Depuis lors, dit Dorothy Dyton, “la vie est très dure pour nous.” La réserve de chasse d'un côté de la communauté et la rivière Shire et la frontière du Mozambique de l'autre, il n'y a pas d'autres terres disponibles pour eux à cultiver et la famille gagne la vie péniblement maintenant en vendant du bois de chauffe qu'elle collecte de la forêt voisine.Les agriculteurs de Madagascar partagent des préoccupations similaires, car ils n'ont pas de droit de propriété sur la terre qu'ils cultivent et une véritable réforme agraire doit encore être mise en œuvre. L'association Terres Malgaches est à la pointe de la protection des terres pour la population locale. Elle signale que :
Les familles malgaches ne possèdent pas de document foncier pour sécuriser leurs terres contre les accaparements de toutes sortes. En effet, depuis la colonisation, l’obtention de titres fonciers auprès de l’un des 33 services des domaines d’un pays de 589 000 km2 nécessite 24 étapes, 6 ans en moyenne et jusqu’à 500 dollars US. (..) . Face aux convoitises et accaparements dont les terres malgaches font l’objet actuellement, seule la possession d’un titre ou d’un certificat foncier, seuls documents juridiques reconnus, permet d’entreprendre des actions en justice en cas de conflit.L'association fait état également des pratiques de la société minière Sheritt, à Ambatovy, qui ont créé un buzz dans la blogosphère locale en raison des inquiétudes de la population locale pour l'environnement et les malversations (par l'intermédiaire de Mines Alerte Canada) :
Le projet Ambatovy de Sherritt International dans l’Est de Madagascar – dont le coût d’investissement s’élève à 5,5 milliards USD et dont le début de la production est prévu ce mois-ci - comprendra des mines d’extraction à ciel ouvert […] Il s’arrêtera dans 29 ans. Il y a déjà de nombreuses raisons de préoccupation au sujet de la mine de la part des milliers de personnes locales à proximité des installations.Elles disent que leurs champs ont été détruits, l’eau est sale, les poissons dans les rivières sont morts, et il y a eu des glissements de terrains près de leur village. Pendant les essais de la nouvelle usine, il y a eu au moins quatre fuites différentes de dioxyde de soufre venant de l’installation hydro-métallurgique qui, selon les villageois auraient causé la mort d'au moins deux adultes et deux bébés et rendu malades au moins 50 personnes. En janvier, des travailleurs originaires d'Ambatovy durant la phase de la construction licenciés ont commencé une grève sauvage, en faisant valoir que les emplois qui leur ont été promis ne se sont pas matérialisées à la fin de la construction. Les gens dans les villes voisines comme Moramanga disent que leurs filles sont de plus en plus engagées dans la prostitution.
Video montrant le témoignage d'un travailleur d'Ambatovy.
Selon un document présenté à la International Conference on Global Land Grabbing 2011 (Conférence internationale sur l'accaparement des terres 2011), environ 50 projets agro-industriels ont été annoncés entre 2005 et 2010, environ 30 sont encore actifs, couvrant une superficie totale d'environ 150.000 ha. Les projets comprennent des plantations pour la production de canne à sucre, le manioc et du biocarburant à base de plantes médicinales jatropha.
Pour éviter les impacts négatifs de l'accaparement des terres, l'ONG EPT a élaboré des modèles sociaux pour les investisseurs, avec un financement du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). L'objectif est d'aider les investisseurs dans les négociations avec les habitants de la région où ils veulent réaliser des projets, comme un moyen de prévenir de futurs problèmes.Joachim Von Braun, ancien membre de l'Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires(IFPRI) a écrit ce qui suit sur les transactions foncières :
Il est dans l'intérêt à long terme des investisseurs, des gouvernements hôtes et des populations locales concernées de veiller à ce que ces dispositions soient bien négociées, que les pratiques soient durables et que les avantages soient partagés. En raison de la nature transnationale de ces accords, aucun mécanisme institutionnel unique ne permettra d'atteindre ce résultat. Il faut plutôt, une combinaison du droit international, des politiques gouvernementales, et l'implication de la société civile, des médias et des communautés locales pour minimiser les menaces et réaliser des avantages réciproques.La nécessité d'une transparence dans les transactions foncières est aussi soulignée par Megan MacInnes, chargée de campagne sur le terrain de Global Witness :
Beaucoup trop de personnes sont maintenues dans l'ignorance d'offres de transactions massives de terres qui pourraient détruire leurs maisons et leurs moyens de subsistance. Que cela doive changer, c'est bien compris, mais comment changer ne l'est pas. Pour la première fois, ce rapport (Dealing with Disclosure) [Gérer la divulgation] expose en détail quels sont les outils que les gouvernements, les entreprises et les citoyens peuvent utiliser pour lever le voile du secret qui entoure l'acquisition de terres. Il tire des leçons du travail déjà effectué pour améliorer la transparence dans d'autres secteurs et expérimente ce qui est susceptible de s'appliquer au régime foncier. Les entreprises devraient porter la responsabilité de prouver qu'elles ne font pas de torts ; les collectivités, qui ont peu d'informations ou de pouvoir, ne devraient pas avoir à faire la preuve qu'une transaction foncière les affecte de façon négative.
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