Par Florian Cornu
le 26 Juin 2012
pour http://owni.fr
Aux États-Unis, la législation sur l'écoterrorisme condamne de simples activistes à des peines de prison lourdes souvent plus élevées que pour des meurtriers. Le récent rapport d'Europol et un certain nombre de procès sur le sol européen font craindre des dérives semblables malgré l'absence de législation claire sur le sujet.
Aujourd’hui, aux États-Unis, le simple fait de filmer, de photographier ou de faire un enregistrement dans une ferme ou une entreprise animale pour une utilisation politique peut constituer un délit relevant de l’écoterrorisme.
En 2001, Jeff Luers est condamné à 22 ans de prison pour avoir brûlé trois voitures de sport chez un concessionnaire automobile dans le but d’attirer l’attention sur la consommation excessive de pétrole. Il sera relâché au bout de 10 ans.
Mai 2008, Eric McDavid est condamné à 20 ans de prison pour complot visant à saboter les installations fédérales (antennes relais téléphoniques et autres) au nom de l’environnement.
Aucun mort dans ces actions. Les condamnations de ce type se comptent par dizaines. Michael Hough, directeur de la section justice criminelle et sécurité intérieure au FBI estime que les actions d’écoterrorisme ont entraîné plus de 200 millions de dollars de dégâts entre 2003 et 2008. Apparue au Royaume-Uni dans les années 70, la notion d’écoterrorisme est arrivée aux États-Unis dans les années 80. Elle est devenue, en l’espace de deux décennies, une expression utilitaire bâtarde, emblématique de l’Amérique sécuritaire post-11 septembre.
L’expression écoterrorisme était initialement utilisée pour désigner une minorité d’activistes environnementaux et de défense des animaux. Malgré leur caractère non violent revendiqué, ces derniers utilisaient des techniques de protestations potentiellement dangereuses pour la vie humaine: techniques de “tree spiking” pour empêcher les exploitants de couper les arbres, incendies, bombes artisanales, etc.
Les États-Unis s’attaquent déjà aux activistes des droits des animaux en 1992 par le biais d’un Acte de protection des sociétés animales condamnant les militants à de lourdes amendes. Puis, c’est dans le contexte d’une Amérique meurtrie par les événements des tours jumelles et avec le vote du Patriot act, que l’expression écoterroriste va progressivement se généraliser jusqu’à concerner n’importe quel activiste environnemental causant des dégâts matériels.
En 2002, le FBI envoie un rapport au congrès américain intitulé “La menace de l’écoterrorisme” (The threat of ecoterrorism), stipulant qu’il s’agit de la plus grande menace terroriste aux États-Unis. Il définit l’écoterrorisme comme:
La loi annonce également que plus les dégâts matériels sont élevés, plus la peine de prison sera lourde. Jusqu’à 5 ans pour moins de 10 000 dollars, jusqu’à 20 ans si les pertes dépassent un million de dollars. Loin de rester lettre morte, les condamnations pour écoterrorisme vont alors tomber en cascade.
Will Potter, journaliste américain indépendant auteur d’un ouvrage consacré à la question, Green is the new red (“Les verts sont les nouveaux rouges”, allusion à l’ex-menace communiste) montre qu’il y a depuis une trentaine d’années un retour progressif de la rhétorique et des enquêtes relatives au terrorisme. C’est ce qu’on appelle désormais communément la “peur verte“.
Si ce type de langage était initialement réservé à des crimes contre des biens ou du harcèlement essentiellement effectués par le Front de libération des animaux et le Front de libération de la planète, cette législation a étendu sa classification du terrorisme.
Loin de n’être qu’une lubie sécuritaire américaine, l’écoterrorisme est devenu un appareil législatif hautement répressif qui semble avoir été repris pour la première fois dans des textes européens en 2003. C’est cependant depuis 2008 qu’Europol, le bureau de police criminelle intergouvernemental consacre une place à l’activisme environnemental dans son rapport sur le terrorisme.
Par ailleurs, une analyse des informations publiques mises à disposition par les États montre qu’un grand nombre d’incidents ne sont jamais signalés à l’Union Européenne.
L’office précise que les activités menées par les extrémistes des droits des animaux et de l’environnement utilisant la violence regroupent aussi bien “des actes de vandalisme de faible niveau (tags, détérioration de serrures, etc.) que des actes de destruction avec usage de matériel incendiaire et dispositifs explosifs improvisés”.
Si l’on en croit le rapport, l’industrie pharmaceutique a rapporté 262 incidents dans le monde en 2011. La majorité des attaques visaient des laboratoires, des écoles et cliniques procédant à des tests sur les animaux pour des produits alimentaires, cosmétiques ou médicinaux.
Viennent ensuite des sociétés variées liées à ces enjeux : des institutions bancaires qui financent ces recherches, des sociétés qui développent des nanotechnologies, une compagnie aérienne ayant organisé des transports d’animaux entre différents labos, ou encore des fast foods…
En France, le rapport pointe du doigt des protestations contre la construction de deux aéroports qui ont tourné à une escalade de violences causant 8 blessés du côté des forces de l’ordre. Il relate également des protestations contre la construction de la ligne de train à grande vitesse Lyon_Turin. Les analystes avancent par ailleurs que l’utilisation de l’énergie nucléaire reste une question centrale pour les groupes écologistes extrémistes qui continuent les actions traditionnelles contre le transport des déchets radioactifs entre États membres.
Malgré le faible nombre d’incidents majeurs dont le rapport rend compte, c’est bien l’argument économique qui est souligné pour justifier la lutte contre ces groupes ainsi que leur potentiel rapprochement avec des groupes d’extrême gauche. On peut en effet lire que ces incidents causent des millions d’euros de dommage aux compagnies et institutions impliquées dans ces activités. Le rapport précisant que “des individus liés à ces entreprises, ou parfois même des personnes aléatoires sont ciblées comme victimes”
D’après Europol et malgré l’absence de prototype de groupes ou d’acteurs extrémistes liés à une cause politique environnementale, certaines caractéristiques générales permettent de dégager un “portrait” de l’écoterroriste européen:
Les activistes ont été accusés d’atteinte à l’ordre public, de conspiration et de crime contre l’environnement (on estime alors que relâcher les visons dans la nature cause des dommages à l’environnement).
Dans des déclarations faites à l’agence d’information Europa Press, le 23 Juin, le juge avançait que les actes des militants arrêtés relevaient de “l’écoterrorisme” et non de l’écologie. Il ajoutait qu’ils provoquaient la terreur et que certaines fermes avaient été contraintes de fermer à la suite de ces actions.
D’après les inculpés, la procédure a échappé à de nombreuses règles de droits fondamentaux notamment durant l’investigation. A titre d’exemple, le maintien en détention des militants (plus de 20 jours pour trois d’entre eux) après leur arrestation était anticonstitutionnel.
C’est un cas similaire encore plus grave qui s’est déroulé en Finlande en 2009. En décembre, de nombreux médias finlandais divulguaient des vidéos et des photos prises légalement pendant deux mois par Justice for Animals ,le principal groupe de défense des droits des animaux du pays, lors de visites dans 30 fermes d’élevage porcin.
Les vidéos (voir ci-dessous, attention la vidéo peut choquer) rendent compte de porcs malades, blessés et en piteux état.
Si diverses autorités du pays liées à l’agriculture avaient promis d’enquêter sur ces révélations, l’affaire prit un tournant improbable deux ans plus tard. En octobre 2011, alors que les fermiers étaient mis hors de cause, deux activistes qui avaient pris part au tournage des vidéos étaient inculpés pour 10 cas d’entrave à la paix et 12 cas de diffamation aggravée.
Les accusations ne s’arrêtaient pas là puisque le bureau du procureur réclamait à l’époque une peine de détention ferme pour le premier militant et une condamnation avec sursis pour la deuxième. En outre, on exigeait des deux activistes ainsi que de deux membres d’une association de soutien à l’organisation Oikeutta eläimille, 180 000 euros de dommages et intérêts. Cette association avait eu le malheur de proposer sur son site le lien vers les vidéos filmées dans les fermes, comme la majorité des sites de médias finlandais à l’époque…
Après une forte mobilisation de soutien et une large couverture médiatique, les activistes ont finalement été acquittés.
Malgré sa réputation de pays progressiste en matière de droits des animaux, (voir la loi de 2004 sur le sujet) le pays a connu de 2008 à 2011 une affaire judiciaire visant des activistes environnementaux accusés de “terrorisme”.
En 2007, suite à de nombreux rassemblements et actes de vandalisme sur des magasins de fourrure, deux responsables de la société concernée rencontrent des haut cadres de la police ainsi que le ministre de l’Intérieur. La réunion acte la création d’une unité spéciale d’investigation visant à infiltrer les organisations de défense des animaux pour mieux les connaître.
Durant l’année suivante, les membres de ces organisations sont ainsi espionnés : écoutes téléphoniques, interceptions d’e-mails, traceurs dans leurs voitures, leurs bureaux et jusque dans leur propre domicile. Des agents en civil infiltrent également les ONG pour observer leurs pratiques.
L’affaire prend corps le 21 Mai 2008, lors d’une opération de police organisée à l’échelle nationale. 23 locaux sont perquisitionnés et dix personnes liées à la protection animale (personnes travaillant dans des refuges, enseignants du bien-être animal et organisateurs de campagnes de sensibilisation publiques) sont arrêtées. Les forces de l’ordre défoncent les portes des appartements et locaux visés et rentrent armes au poing.
Les activistes, parmi lesquels figure Martin Balluch, ancien assistant de recherche à l’Université de Cambridge, sont mis en détention provisoire. Quatre d’entre eux y resteront trois mois sans parvenir à savoir précisément les chefs d’accusation pour lesquels ils sont détenus.
Il faudra trois ans et deux requêtes rejetées par la police avant que la juge en charge du dossier ne rende publique la non conformité des procédures policières et l’absence de preuves avérées quant à la construction ou le soutien à une organisation criminelle.
La raison pour laquelle les dix activistes ont été inculpés sans preuves réside dans un certain nombre de rapprochements établis entre eux et des coupables non identifiés, suspectés d’avoir commis des dommages matériels, des attaques au gaz et une menace à la bombe.
C’est sur cette base, et par un tour de force juridique, que les membres sont suspectés d’être liés à une organisation criminelle. C’est également par ce biais que des activités qui rentrent normalement dans le cadre d’actions d’ONG légales (filmer les conditions des animaux dans les fermes, organiser des manifestations, conférences et ateliers, stocker des tracts contre la chasse ou discuter des stratégies de campagne de communication) sont devenues des preuves, relevant du terrorisme.
Photo par JDHancok [CC-by]
le 26 Juin 2012
pour http://owni.fr
Aux États-Unis, la législation sur l'écoterrorisme condamne de simples activistes à des peines de prison lourdes souvent plus élevées que pour des meurtriers. Le récent rapport d'Europol et un certain nombre de procès sur le sol européen font craindre des dérives semblables malgré l'absence de législation claire sur le sujet.
Aujourd’hui, aux États-Unis, le simple fait de filmer, de photographier ou de faire un enregistrement dans une ferme ou une entreprise animale pour une utilisation politique peut constituer un délit relevant de l’écoterrorisme.
En 2001, Jeff Luers est condamné à 22 ans de prison pour avoir brûlé trois voitures de sport chez un concessionnaire automobile dans le but d’attirer l’attention sur la consommation excessive de pétrole. Il sera relâché au bout de 10 ans.
Mai 2008, Eric McDavid est condamné à 20 ans de prison pour complot visant à saboter les installations fédérales (antennes relais téléphoniques et autres) au nom de l’environnement.
Aucun mort dans ces actions. Les condamnations de ce type se comptent par dizaines. Michael Hough, directeur de la section justice criminelle et sécurité intérieure au FBI estime que les actions d’écoterrorisme ont entraîné plus de 200 millions de dollars de dégâts entre 2003 et 2008. Apparue au Royaume-Uni dans les années 70, la notion d’écoterrorisme est arrivée aux États-Unis dans les années 80. Elle est devenue, en l’espace de deux décennies, une expression utilitaire bâtarde, emblématique de l’Amérique sécuritaire post-11 septembre.
L’expression écoterrorisme était initialement utilisée pour désigner une minorité d’activistes environnementaux et de défense des animaux. Malgré leur caractère non violent revendiqué, ces derniers utilisaient des techniques de protestations potentiellement dangereuses pour la vie humaine: techniques de “tree spiking” pour empêcher les exploitants de couper les arbres, incendies, bombes artisanales, etc.
Les États-Unis s’attaquent déjà aux activistes des droits des animaux en 1992 par le biais d’un Acte de protection des sociétés animales condamnant les militants à de lourdes amendes. Puis, c’est dans le contexte d’une Amérique meurtrie par les événements des tours jumelles et avec le vote du Patriot act, que l’expression écoterroriste va progressivement se généraliser jusqu’à concerner n’importe quel activiste environnemental causant des dégâts matériels.
En 2002, le FBI envoie un rapport au congrès américain intitulé “La menace de l’écoterrorisme” (The threat of ecoterrorism), stipulant qu’il s’agit de la plus grande menace terroriste aux États-Unis. Il définit l’écoterrorisme comme:
L’utilisation ou la menace d’utilisation de la violence de nature criminelle contre des personnes ou des biens par un groupe environnemental, infra-national pour des raisons politico-environnementales, ou destiné à un public au-delà de la cible visée, souvent de nature symboliqueLe glissement sémantique et symbolique élevant l’attaque contre des biens au rang du terrorisme est définitivement franchi en 2006, lorsque le Congrès américain vote sa première loi sur l’écoterrorisme. Il classifie dès lors certains actes de résistance passive tels que le blocus, la violation de frontières, l’atteinte à la propriété privée ou la libération d’animaux comme des actes “terroristes”, les mettant sur le même plan d’égalité que des attentats à la bombe, des agressions racistes ou encore des tueries à l’arme à feu.
La loi annonce également que plus les dégâts matériels sont élevés, plus la peine de prison sera lourde. Jusqu’à 5 ans pour moins de 10 000 dollars, jusqu’à 20 ans si les pertes dépassent un million de dollars. Loin de rester lettre morte, les condamnations pour écoterrorisme vont alors tomber en cascade.
Will Potter, journaliste américain indépendant auteur d’un ouvrage consacré à la question, Green is the new red (“Les verts sont les nouveaux rouges”, allusion à l’ex-menace communiste) montre qu’il y a depuis une trentaine d’années un retour progressif de la rhétorique et des enquêtes relatives au terrorisme. C’est ce qu’on appelle désormais communément la “peur verte“.
Si ce type de langage était initialement réservé à des crimes contre des biens ou du harcèlement essentiellement effectués par le Front de libération des animaux et le Front de libération de la planète, cette législation a étendu sa classification du terrorisme.
Loin de n’être qu’une lubie sécuritaire américaine, l’écoterrorisme est devenu un appareil législatif hautement répressif qui semble avoir été repris pour la première fois dans des textes européens en 2003. C’est cependant depuis 2008 qu’Europol, le bureau de police criminelle intergouvernemental consacre une place à l’activisme environnemental dans son rapport sur le terrorisme.
Le terrorisme sauce Europol
Le rapport souligne qu’aucune attaque terroriste ou arrestation liée aux droits des animaux n’a été rapportée par les États membres en 2011 mais qu’un grand nombre d’incidents ont été signalés par la France, l’Italie, les Pays Bas, le Royaume-Uni et l’Irlande.
Par ailleurs, une analyse des informations publiques mises à disposition par les États montre qu’un grand nombre d’incidents ne sont jamais signalés à l’Union Européenne.
L’office précise que les activités menées par les extrémistes des droits des animaux et de l’environnement utilisant la violence regroupent aussi bien “des actes de vandalisme de faible niveau (tags, détérioration de serrures, etc.) que des actes de destruction avec usage de matériel incendiaire et dispositifs explosifs improvisés”.
Si l’on en croit le rapport, l’industrie pharmaceutique a rapporté 262 incidents dans le monde en 2011. La majorité des attaques visaient des laboratoires, des écoles et cliniques procédant à des tests sur les animaux pour des produits alimentaires, cosmétiques ou médicinaux.
Viennent ensuite des sociétés variées liées à ces enjeux : des institutions bancaires qui financent ces recherches, des sociétés qui développent des nanotechnologies, une compagnie aérienne ayant organisé des transports d’animaux entre différents labos, ou encore des fast foods…
En France, le rapport pointe du doigt des protestations contre la construction de deux aéroports qui ont tourné à une escalade de violences causant 8 blessés du côté des forces de l’ordre. Il relate également des protestations contre la construction de la ligne de train à grande vitesse Lyon_Turin. Les analystes avancent par ailleurs que l’utilisation de l’énergie nucléaire reste une question centrale pour les groupes écologistes extrémistes qui continuent les actions traditionnelles contre le transport des déchets radioactifs entre États membres.
Malgré le faible nombre d’incidents majeurs dont le rapport rend compte, c’est bien l’argument économique qui est souligné pour justifier la lutte contre ces groupes ainsi que leur potentiel rapprochement avec des groupes d’extrême gauche. On peut en effet lire que ces incidents causent des millions d’euros de dommage aux compagnies et institutions impliquées dans ces activités. Le rapport précisant que “des individus liés à ces entreprises, ou parfois même des personnes aléatoires sont ciblées comme victimes”
D’après Europol et malgré l’absence de prototype de groupes ou d’acteurs extrémistes liés à une cause politique environnementale, certaines caractéristiques générales permettent de dégager un “portrait” de l’écoterroriste européen:
La majorité sont relativement jeunes et peuvent être trouvés dans des groupes idéalistes, souvent relativement défavorisés, des jeunes qui ne sont pas d’accord avec certaines tendances à l’oeuvre dans la société et qui, par
Libérer des visons est un acte terroriste
Le 22 juin 2011, la police espagnole arrêtait 12 activistes membres des organisations Igualdad animal, Animalequality et Equanimal dans une série de raids simultanément organisés dans différentes régions du pays. Le coup de filet avait été commandité par le juge du tribunal de première instance de Santiago de Compostela, suite à la libération de 20 000 visons d’une ferme d’élevage pour fournir le marché de la fourrure.
Les activistes ont été accusés d’atteinte à l’ordre public, de conspiration et de crime contre l’environnement (on estime alors que relâcher les visons dans la nature cause des dommages à l’environnement).
Dans des déclarations faites à l’agence d’information Europa Press, le 23 Juin, le juge avançait que les actes des militants arrêtés relevaient de “l’écoterrorisme” et non de l’écologie. Il ajoutait qu’ils provoquaient la terreur et que certaines fermes avaient été contraintes de fermer à la suite de ces actions.
D’après les inculpés, la procédure a échappé à de nombreuses règles de droits fondamentaux notamment durant l’investigation. A titre d’exemple, le maintien en détention des militants (plus de 20 jours pour trois d’entre eux) après leur arrestation était anticonstitutionnel.
C’est un cas similaire encore plus grave qui s’est déroulé en Finlande en 2009. En décembre, de nombreux médias finlandais divulguaient des vidéos et des photos prises légalement pendant deux mois par Justice for Animals ,le principal groupe de défense des droits des animaux du pays, lors de visites dans 30 fermes d’élevage porcin.
Les vidéos (voir ci-dessous, attention la vidéo peut choquer) rendent compte de porcs malades, blessés et en piteux état.
Si diverses autorités du pays liées à l’agriculture avaient promis d’enquêter sur ces révélations, l’affaire prit un tournant improbable deux ans plus tard. En octobre 2011, alors que les fermiers étaient mis hors de cause, deux activistes qui avaient pris part au tournage des vidéos étaient inculpés pour 10 cas d’entrave à la paix et 12 cas de diffamation aggravée.
Les accusations ne s’arrêtaient pas là puisque le bureau du procureur réclamait à l’époque une peine de détention ferme pour le premier militant et une condamnation avec sursis pour la deuxième. En outre, on exigeait des deux activistes ainsi que de deux membres d’une association de soutien à l’organisation Oikeutta eläimille, 180 000 euros de dommages et intérêts. Cette association avait eu le malheur de proposer sur son site le lien vers les vidéos filmées dans les fermes, comme la majorité des sites de médias finlandais à l’époque…
Après une forte mobilisation de soutien et une large couverture médiatique, les activistes ont finalement été acquittés.
Incarcérés pour activisme suspect
Enfin c’est sans doute l’Autriche qui a connu l’un des pires épisodes en matière de procès écoterroriste.
Malgré sa réputation de pays progressiste en matière de droits des animaux, (voir la loi de 2004 sur le sujet) le pays a connu de 2008 à 2011 une affaire judiciaire visant des activistes environnementaux accusés de “terrorisme”.
En 2007, suite à de nombreux rassemblements et actes de vandalisme sur des magasins de fourrure, deux responsables de la société concernée rencontrent des haut cadres de la police ainsi que le ministre de l’Intérieur. La réunion acte la création d’une unité spéciale d’investigation visant à infiltrer les organisations de défense des animaux pour mieux les connaître.
Durant l’année suivante, les membres de ces organisations sont ainsi espionnés : écoutes téléphoniques, interceptions d’e-mails, traceurs dans leurs voitures, leurs bureaux et jusque dans leur propre domicile. Des agents en civil infiltrent également les ONG pour observer leurs pratiques.
L’affaire prend corps le 21 Mai 2008, lors d’une opération de police organisée à l’échelle nationale. 23 locaux sont perquisitionnés et dix personnes liées à la protection animale (personnes travaillant dans des refuges, enseignants du bien-être animal et organisateurs de campagnes de sensibilisation publiques) sont arrêtées. Les forces de l’ordre défoncent les portes des appartements et locaux visés et rentrent armes au poing.
Les activistes, parmi lesquels figure Martin Balluch, ancien assistant de recherche à l’Université de Cambridge, sont mis en détention provisoire. Quatre d’entre eux y resteront trois mois sans parvenir à savoir précisément les chefs d’accusation pour lesquels ils sont détenus.
Il faudra trois ans et deux requêtes rejetées par la police avant que la juge en charge du dossier ne rende publique la non conformité des procédures policières et l’absence de preuves avérées quant à la construction ou le soutien à une organisation criminelle.
La raison pour laquelle les dix activistes ont été inculpés sans preuves réside dans un certain nombre de rapprochements établis entre eux et des coupables non identifiés, suspectés d’avoir commis des dommages matériels, des attaques au gaz et une menace à la bombe.
C’est sur cette base, et par un tour de force juridique, que les membres sont suspectés d’être liés à une organisation criminelle. C’est également par ce biais que des activités qui rentrent normalement dans le cadre d’actions d’ONG légales (filmer les conditions des animaux dans les fermes, organiser des manifestations, conférences et ateliers, stocker des tracts contre la chasse ou discuter des stratégies de campagne de communication) sont devenues des preuves, relevant du terrorisme.
Photo par JDHancok [CC-by]
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