Par Laurent Carroué
Mars 2012
pour http://www.monde-diplomatique.fr
english version
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En dépit des discours sur la « société de loisirs post-industrielle » qui avaient fleuri dans les années 1990 et 2000, l’industrie joue toujours un rôle majeur dans l’organisation des territoires, la dynamique des systèmes productifs et les rapports de puissance structurant la mondialisation. En vingt ans, entre 1990 et 2010, de profonds changements sont apparus dans la hiérarchie planétaire : face au dynamisme des pays émergents et des puissances régionales, l’Europe à trente (les vingt-sept pays de l’Union européenne plus l’Islande, la Norvège et la Suisse) tombe de 36 % à 24,5 % de la production. En 2011, la Chine est devenue la première puissance industrielle du monde, mettant fin à un siècle d’hégémonie américaine.De son côté, le Brésil, désormais sixième économie de la planète (1), a devancé la France pour la production industrielle ; la Corée du Sud a surpassé le Royaume-Uni, lui-même talonné par l’Inde (2).
Ces reconfigurations géo-économiques s’expliquent par l’émergence d’une nouvelle division internationale du travail, dans le cadre d’une architecture mondiale multipolaire (3). On assiste à un déplacement géographique sans précédent des marchés, aspirant investissements, emplois, localisations d’activités (voir graphiques). Entre 1990 et 2010, les profits des deux cent vingt plus grands groupes européens réalisés dans les pays émergents sont passés de 15 % à 24 %. Les logiques de localisation des transnationales en sont bouleversées. Si les délocalisations fondées sur les différentiels de coûts salariaux perdurent, les entreprises cherchent également à répondre aux demandes des nouvelles couches moyennes urbaines solvables, alors que les revenus de celles-ci dans les pays du Nord sont bloqués. Une ruée vers les marchés des Sud a commencé.
Loin de se cantonner aux activités bas de gamme, les grands pays émergents gagnent des places dans des filières plus sophistiquées : télécommunications, aéronautique, trains à grande vitesse, nucléaire, industries navale et spatiale... Ils négocient pied à pied les transferts de technologies, réalisent un sensible effort de formation de leur main-d’œuvre et se dotent d’entreprises transnationales de plus en plus dynamiques, qui taillent des croupières aux groupes occidentaux. Dans les négociations exclusives entre l’Inde et Dassault, annoncées en février 2012, pour la fourniture de cent vingt-six avions de combat Rafale, le débat porte à la fois sur le nombre d’avions construits en Inde par l’entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited (86 %, en principe), sur les transferts de technologies consentis et sur les contreparties économiques et financières.
La géographie mondiale de l’innovation s’en trouve bouleversée, comme l’illustre le triptyque chinois, qui mobilise les facteurs humain, financier et technologique. Effort humain : avec 1,15 million de chercheurs, la Chine dispose d’un potentiel équivalant à 82 % des capacités américaines et à 79 % de celles de l’Union européenne ; selon la National Science Foundation américaine, elle devrait rassembler 30 % des chercheurs mondiaux d’ici à 2025. Effort financier : en 2009, pour la première fois, Pékin a affiché un budget de recherche qui le hisse au deuxième rang mondial, encore assez loin des Etats-Unis, mais devant le Japon (4). Effort technologique, enfin : en 2011, la Chine est devenue le premier déposant mondial de brevets, grâce à une stratégie nationale qui souhaite passer du made in China (« fabriqué en Chine ») au designed in China (« conçu en Chine »).
L’impact est considérable, et ouvre de nouveaux champs de concurrence frontale. Le 23 décembre 2011, le groupe China Three Gorges — du nom du célèbre barrage hydroélectrique sur le Yangzi Jiang — a acquis 21,3 % du capital de l’électricien Energias de Portugal (EDP, équivalent d’Electricité de France), privatisé au nom de la lutte contre la dette publique. Il a remporté l’affaire à la barbe du groupe allemand E.ON et du brésilien Electrobras, pour un montant de 2,7 milliards d’euros, en offrant un prix par action de 50 % supérieur à son cours de Bourse. Déjà, la Chine réalise la moitié de la production mondiale de panneaux solaires photovoltaïques, mettant sous pression les fabricants occidentaux, comme le montre la faillite, en décembre 2011, des allemands Solon et Solar Millennium. Elle dispose du premier parc mondial d’éoliennes, qui devrait être multiplié par 4,7 d’ici à 2020.
Dans ce contexte, l’impasse des stratégies communautaires et l’aveuglement des élites politiques et économiques européennes sont stupéfiants, alors que l’arrivée de la Chine au premier rang de l’industrie mondiale a provoqué un véritable choc aux Etats-Unis (5). Il est plus qu’urgent que l’Union européenne et la France se soucient enfin sérieusement de leur avenir industriel, scientifique et technologique. Chômage et sous-emploi se conjuguent dans l’Union, qui comptait 23,8 millions de demandeurs d’emploi à la fin de 2011.
La crise s’est traduite par un effondrement de 20 % en deux ans (entre 2007 et 2009) de la valeur de la production industrielle dans l’Union européenne. Le recul va de 15 % en Europe centrale et orientale à un tiers en Estonie ou un quart en Lettonie, et dépasse les 20 % en Allemagne (21,4 %), en Italie, en Finlande ou en Suède. Entre le début de la crise, à l’automne 2008, et la fin de 2010, l’Union a perdu plus de quatre millions d’emplois industriels, soit 11 % de ses effectifs. Au troisième trimestre 2011, ces pertes n’étaient toujours pas résorbées, sauf en Allemagne. La récession qui s’annonce pour 2012-2014 du fait des gigantesques plans d’austérité ne peut qu’aggraver ce déclin.
La France est devenue le pays le plus désindustrialisé parmi les quatre grands de la zone euro (les trois autres étant l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie) ; entre 1980 et 2011, les emplois industriels y sont passés de 24 % à 13 % du total des emplois. Les raisons de cette forte érosion sont sujettes à débat. On estime généralement que, depuis 1980, environ un quart du déclin est imputable aux mutations du système productif et à l’externalisation accrue des tâches industrielles vers le secteur des services, comme par exemple le recours à l’intérim. Certaines tâches de conception, de maintenance ou même de secrétariat sont ainsi répertoriées comme des services alors qu’elles étaient auparavant inclues dans la production (6). A cela, il faut ajouter la baisse d’effectifs liée aux gains de productivité, qui représente environ 30 % (7).
Il serait cependant malvenu de fermer les yeux sur la longue et très inquiétante marche française vers la désindustrialisation, que la crise ne fait qu’accélérer. En témoignent de nombreux indicateurs, comme le recul de l’investissement, en baisse de 10 % entre 2008 et 2010, ou l’explosion du déficit commercial depuis 2004. Le solde des échanges industriels est dans le rouge pour presque tous les produits, sauf l’agro-alimentaire. Les exportations ne couvrent les importations qu’à hauteur de 87 % pour l’ensemble des produits industriels, de 73 % pour les biens de consommation et de 87 % pour les biens d’équipement. Sur les cinq dernières années, le déficit cumulé atteint 113,6 milliards d’euros, en particulier avec la Chine et l’Allemagne. Alors que les points faibles sombrent, les points forts s’érodent : la France perd des parts de marché à l’exportation en Europe et dans le monde sans pouvoir faire face à ses propres besoins nationaux.
Entre 2008 et 2010, le recul de la valeur de la production française touche toutes les branches (hors secteur des déchets, eau et dépollution). Il atteint 28 % dans le raffinage et la cokéfaction, 26 % dans le textile, de 15 % à 20 % dans la métallurgie, la mécanique, l’informatique, l’optique et l’électronique, où se multiplient les fermetures de sites industriels. Entre 1989 et 2011, l’industrie française a ainsi perdu 2,5 millions d’emplois. Sans surprise, cette chute touche l’industrie lourde et celle qui utilise de la main-d’œuvre non qualifiée. Mais le recul s’étend également aux industries innovantes ou stratégiques, comme les équipements ou la robotique.
De même, si les ouvriers non qualifiés payent le plus lourd tribut, avec une régression de 671 000 emplois (- 55 %), on assiste à la perte de 182 000 postes d’ouvrier qualifié et de 74 000 postes d’ingénieur, de cadre et de technicien. En octobre 2011, Peugeot SA annonçait ainsi la suppression de 6 000 emplois, dont 1 900 dans la production et 3 100 dans les services, en particulier en recherche-développement ; 3 000 sous-traitants et intérimaires sont remerciés. En dehors de quelques vieux héritages gaullistes datant des années 1960-1970 (aéronautique, industrie spatiale, armement, nucléaire) et désormais fragilisés, ainsi que de l’agroalimentaire, le socle industriel et technologique national se délite, sans qu’une relève d’envergure ait été lancée au cours des trois ou quatre dernières décennies.
Rien d’étonnant à ce que la désindustrialisation soit devenue l’un des enjeux des élections présidentielles, la française comme l’américaine. Pas un candidat, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par MM. François Hollande et Nicolas Sarkozy, qui n’en parle. Dans la foulée des Etats généraux de l’industrie de 2010, le ministre chargé de ce dossier, M. Eric Besson, promeut l’« aide à la réindustrialisation », qui permet à de petites et moyennes entreprises (PME) de bénéficier d’avances remboursables sur trois ans, alors que le Fonds stratégique d’investissement (FSI) français annonce quelques prises de capital dans des PME jugées stratégiques. On ne peut cependant que constater le décalage entre ces mesures ou déclarations et les enjeux essentiels.
La Commission de Bruxelles et les gouvernements nationaux qui se sont succédé ces trois dernières décennies ont une responsabilité directe, à la fois dans la construction puis dans l’effondrement du régime d’accumulation financière d’un côté et dans le mécanisme de désindustrialisation de l’Union de l’autre : les deux faces d’une même crise systémique. Définie en 2000, la stratégie dite de Lisbonne s’est révélée une pure illusion. En effet, elle fixait comme objectif — jamais atteint — que chaque Etat consacre 3 % de son produit intérieur brut (PIB) à la recherche-développement et à l’innovation. Elle se fondait pour cela sur un système de représentation idéologique axé sur l’« économie de la connaissance », censée remplacer la production matérielle.
Ce discours a surtout permis de justifier l’abandon de pans entiers de l’industrie française et européenne, au nom d’une spécialisation internationale du travail réservant à l’Union européenne les technologies et secteurs de pointe. Il a largement accompagné le redéploiement international du capital, la financiarisation croissante et la gestion à court terme des actifs industriels, la forte dégradation du rapport entre travail et capital dans la répartition des richesses, le refus constant et systématique de toute politique industrielle communautaire et nationale au nom du dogme de la libre concurrence.
Ce désarmement idéologique, politique et économique se paye au prix fort : entre 2000 et 2010, le PIB par habitant a grimpé de seulement 0,9 % dans l’Union et de 0,5 % en France, soit l’un des taux les plus faibles des économies industrielles. L’Europe et la France se trouvent ainsi pris en tenaille entre les pays en développement et les grands pays émergents qui vont, d’ici une quinzaine d’années, les concurrencer dans des secteurs jusqu’à présent relativement épargnés. De 1998 à 2008, le poids des pays à faible coût de production dans les importations de biens manufacturés de la zone euro passe de 17 % à 44 % (8).
Il convient de souligner que la perte de compétitivité de la France dépasse largement le seul coût du travail. Toute analyse sérieuse doit intégrer à la fois la pression exercée par la politique de l’euro fort, la compétitivité liée à la qualité de la formation, à l’organisation du travail, à la place de la recherche et de l’innovation, aux caractéristiques du système productif et aux prélèvements du capital (paiement des dividendes, etc.). En effet, non seulement le coût horaire du travail en 2008 — dernière année de comparaison disponible — dans l’industrie manufacturière française est inférieur à celui de l’Allemagne (33,16 euros contre 33,37 euros), mais la productivité par personne est en France l’une des meilleures d’Europe : elle est de 21 % supérieure à la moyenne de l’Union à vingt-sept et de 15 % supérieure à celle de l’Allemagne. C’est pourquoi la stratégie systématique de baisse continue du coût du travail se révèle une impasse.
Puisque l’Allemagne est convoquée à tort et à travers dans le débat public français, il convient de rappeler quelques faits. L’efficacité allemande repose fondamentalement sur une forte stratégie industrielle (20 % du PIB et 19 % de l’emploi), elle-même fondée sur l’innovation, la montée en gamme des produits et une spécialisation dans des activités motrices centrées sur les biens d’équipement civils, un tissu productif articulant de grands groupes (konzerns) et un puissant tissu de petites et moyennes entreprises innovantes (Mittelstand), capables d’exporter. Si l’on prend les évolutions sur vingt ans, on constate que la France représente, en moyenne, 73,5 % du PIB allemand, mais que la valeur de sa production industrielle n’atteint que 42 % de celle de l’Allemagne et ses exportations de biens et de services, 52 %.
Les effets de ces choix stratégiques sont immédiats : malgré la crise, le taux de chômage officiel en Allemagne est au plus bas depuis vingt ans (6,8 %). En 2011, la croissance a été de 3 %, permettant de réduire à 1 % du PIB le déficit public. Quelque 535 000 emplois à plein temps ont été créés, et l’investissement en biens d’équipement a augmenté de 8,3 %. Cette bonne tenue de l’économie allemande est due à une hausse de 8,2 % des exportations, en particulier vers les pays émergents, dont la Chine, qui pourrait, d’ici trois ans, devenir son premier partenaire commercial.
Certes, les konzerns ont transféré à l’étranger, en particulier en Europe centrale et orientale, une partie de leur appareil productif (automobile, mécanique...). Entre 1998 et 2012, la part des importations de biens intermédiaires dans la valeur ajoutée de l’industrie passe de 33 % à 59 % (de 50 % à 80 % en France) (9). Mais les konzerns ont gardé le contrôle des segments et des fonctions les plus stratégiques et, surtout, ils n’ont pas cessé de moderniser leur appareil industriel en Allemagne même, afin de répondre aux nouvelles demandes mondiales.
Les faiblesses du capitalisme français sont connues depuis une quarantaine d’années : sous-industrialisation (12 % du PIB et 11 % de l’emploi), insuffisance de la recherche-développement privée et industrielle, positionnement de milieu de gamme pour les productions, écrasement et pillage du tissu de PME par les grands groupes — celles qui exportent étant trois fois moins nombreuses qu’en Allemagne —, insuffisance de formation initiale et continue, sous-qualification et non-reconnaissance de celles qui existent, dévalorisation de toute culture technique, technologique ou scientifique dans le système des représentations sociales... La non-compétitivité française tient en particulier au sous-investissement des industriels et du secteur privé dans la recherche. L’effort ne dépasse pas le quart des dividendes nets versés en 2008, contre 35 % en 1995 (10). En 2010, cela ne représente que 57 % de l’effort financier des entreprises allemandes.
Alors que la stratégie de Lisbonne prévoyait de porter à 40 % le nombre des 30-34 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, 46 % des Français âgés de 25 ans à 45 ans ont un niveau inférieur ou égal au brevet d’études professionnelles (BEP) – certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Enfin, le système productif français est également victime de l’hégémonie des paramètres financiarisés dans le pilotage des stratégies industrielles, les investisseurs financiers étant devenus in fine les arbitres des choix stratégiques.
Face à ces contraintes et à ces urgences, l’Union européenne et la France doivent totalement repenser leur modèle de développement et redonner au système bancaire et financier le rôle dont il n’aurait jamais dû sortir : financer une croissance économique, sociale et territoriale efficace, durable et solidaire. Sur une génération, c’est-à-dire sur une trentaine d’années, c’est une véritable révolution industrielle et productive qu’il faut engager. La rupture technique et technologique doit être équivalente à celle qui fut réalisée à la fin du XIXe siècle. L’enjeu est bien de franchir une nouvelle frontière décisive dans des activités d’avenir qui permettent de répondre aux défis communautaires et mondiaux du XXIe siècle.
Rappelons tout de même que la population mondiale doit augmenter de 1,4 milliard d’habitants d’ici à 2030, et la population active mondiale doubler d’ici à 2020. La généralisation du modèle américain de consommation à la planète entière se révèle une impasse. Un débat s’impose sur des politiques communautaires et nationales de réindustrialisation volontaristes qui s’accompagnent d’un effort à long terme d’innovation, de recherche fondamentale et appliquée, de formation et de qualification de la main-d’œuvre. Cela exige pour la France de mobiliser de 4 à 5 points de PIB supplémentaires, soit un effort indispensable, et tout à fait soutenable, de 100 milliards d’euros.
La sortie de crise ne peut s’envisager qu’à travers la promotion d’un nouveau modèle de développement aux échelles nationale et communautaire, dans le cadre d’un modèle de croissance durable. Cela suppose la réhabilitation d’un Etat stratège définissant des politiques industrielles et des investissements à long terme, une rerégulation et une réorientation du secteur financier et bancaire vers les investissements productifs, la revalorisation du potentiel humain et de l’innovation, l’émergence de nouvelles spécialisations autour d’un renforcement de l’offre fondée sur de nouveaux producteurs et de nouveaux produits.
Dans ce cadre, la France et l’Union européenne disposent, malgré les difficultés actuelles, de nombreux atouts (11). Par exemple, dans l’énergie, les déséquilibres croissants entre l’offre et la demande, la montée structurelle des prix des matières premières à moyen et à long terme et la sécurité des approvisionnements obligent à une augmentation sans précédent de l’intensité énergétique, à une utilisation plus rationnelle et plus économe des ressources énergétiques et minérales (généralisation de filières de recyclage), au déploiement de nouvelles énergies et à une vraie rupture technologique dans le nucléaire (réacteur nucléaire de nouvelle génération, gestion des déchets radioactifs à haute activité et longue vie).
Face à la hausse des besoins alimentaires mondiaux (+ 50 % d’ici à 2025), les défis à relever sont considérables pour produire à la fois plus et mieux en répondant aux exigences environnementales, sanitaires et sociétales, tout en assurant la sécurité alimentaire. Enfin, le développement de nouveaux champs sectoriels s’ouvre avec les technologies vertes, les énergies décarbonées et la capture et le stockage du CO2, les biotechnologies et les sciences du vivant, la chimie du végétal, les nouveaux matériaux, les nanotechnologies, les sciences cognitives et les nouvelles technologies informatiques. Autant de pistes pour une nouvelle révolution productive.
Ces reconfigurations géo-économiques s’expliquent par l’émergence d’une nouvelle division internationale du travail, dans le cadre d’une architecture mondiale multipolaire (3). On assiste à un déplacement géographique sans précédent des marchés, aspirant investissements, emplois, localisations d’activités (voir graphiques). Entre 1990 et 2010, les profits des deux cent vingt plus grands groupes européens réalisés dans les pays émergents sont passés de 15 % à 24 %. Les logiques de localisation des transnationales en sont bouleversées. Si les délocalisations fondées sur les différentiels de coûts salariaux perdurent, les entreprises cherchent également à répondre aux demandes des nouvelles couches moyennes urbaines solvables, alors que les revenus de celles-ci dans les pays du Nord sont bloqués. Une ruée vers les marchés des Sud a commencé.
Loin de se cantonner aux activités bas de gamme, les grands pays émergents gagnent des places dans des filières plus sophistiquées : télécommunications, aéronautique, trains à grande vitesse, nucléaire, industries navale et spatiale... Ils négocient pied à pied les transferts de technologies, réalisent un sensible effort de formation de leur main-d’œuvre et se dotent d’entreprises transnationales de plus en plus dynamiques, qui taillent des croupières aux groupes occidentaux. Dans les négociations exclusives entre l’Inde et Dassault, annoncées en février 2012, pour la fourniture de cent vingt-six avions de combat Rafale, le débat porte à la fois sur le nombre d’avions construits en Inde par l’entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited (86 %, en principe), sur les transferts de technologies consentis et sur les contreparties économiques et financières.
La géographie mondiale de l’innovation s’en trouve bouleversée, comme l’illustre le triptyque chinois, qui mobilise les facteurs humain, financier et technologique. Effort humain : avec 1,15 million de chercheurs, la Chine dispose d’un potentiel équivalant à 82 % des capacités américaines et à 79 % de celles de l’Union européenne ; selon la National Science Foundation américaine, elle devrait rassembler 30 % des chercheurs mondiaux d’ici à 2025. Effort financier : en 2009, pour la première fois, Pékin a affiché un budget de recherche qui le hisse au deuxième rang mondial, encore assez loin des Etats-Unis, mais devant le Japon (4). Effort technologique, enfin : en 2011, la Chine est devenue le premier déposant mondial de brevets, grâce à une stratégie nationale qui souhaite passer du made in China (« fabriqué en Chine ») au designed in China (« conçu en Chine »).
L’impact est considérable, et ouvre de nouveaux champs de concurrence frontale. Le 23 décembre 2011, le groupe China Three Gorges — du nom du célèbre barrage hydroélectrique sur le Yangzi Jiang — a acquis 21,3 % du capital de l’électricien Energias de Portugal (EDP, équivalent d’Electricité de France), privatisé au nom de la lutte contre la dette publique. Il a remporté l’affaire à la barbe du groupe allemand E.ON et du brésilien Electrobras, pour un montant de 2,7 milliards d’euros, en offrant un prix par action de 50 % supérieur à son cours de Bourse. Déjà, la Chine réalise la moitié de la production mondiale de panneaux solaires photovoltaïques, mettant sous pression les fabricants occidentaux, comme le montre la faillite, en décembre 2011, des allemands Solon et Solar Millennium. Elle dispose du premier parc mondial d’éoliennes, qui devrait être multiplié par 4,7 d’ici à 2020.
Dans ce contexte, l’impasse des stratégies communautaires et l’aveuglement des élites politiques et économiques européennes sont stupéfiants, alors que l’arrivée de la Chine au premier rang de l’industrie mondiale a provoqué un véritable choc aux Etats-Unis (5). Il est plus qu’urgent que l’Union européenne et la France se soucient enfin sérieusement de leur avenir industriel, scientifique et technologique. Chômage et sous-emploi se conjuguent dans l’Union, qui comptait 23,8 millions de demandeurs d’emploi à la fin de 2011.
La crise s’est traduite par un effondrement de 20 % en deux ans (entre 2007 et 2009) de la valeur de la production industrielle dans l’Union européenne. Le recul va de 15 % en Europe centrale et orientale à un tiers en Estonie ou un quart en Lettonie, et dépasse les 20 % en Allemagne (21,4 %), en Italie, en Finlande ou en Suède. Entre le début de la crise, à l’automne 2008, et la fin de 2010, l’Union a perdu plus de quatre millions d’emplois industriels, soit 11 % de ses effectifs. Au troisième trimestre 2011, ces pertes n’étaient toujours pas résorbées, sauf en Allemagne. La récession qui s’annonce pour 2012-2014 du fait des gigantesques plans d’austérité ne peut qu’aggraver ce déclin.
La France est devenue le pays le plus désindustrialisé parmi les quatre grands de la zone euro (les trois autres étant l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie) ; entre 1980 et 2011, les emplois industriels y sont passés de 24 % à 13 % du total des emplois. Les raisons de cette forte érosion sont sujettes à débat. On estime généralement que, depuis 1980, environ un quart du déclin est imputable aux mutations du système productif et à l’externalisation accrue des tâches industrielles vers le secteur des services, comme par exemple le recours à l’intérim. Certaines tâches de conception, de maintenance ou même de secrétariat sont ainsi répertoriées comme des services alors qu’elles étaient auparavant inclues dans la production (6). A cela, il faut ajouter la baisse d’effectifs liée aux gains de productivité, qui représente environ 30 % (7).
Il serait cependant malvenu de fermer les yeux sur la longue et très inquiétante marche française vers la désindustrialisation, que la crise ne fait qu’accélérer. En témoignent de nombreux indicateurs, comme le recul de l’investissement, en baisse de 10 % entre 2008 et 2010, ou l’explosion du déficit commercial depuis 2004. Le solde des échanges industriels est dans le rouge pour presque tous les produits, sauf l’agro-alimentaire. Les exportations ne couvrent les importations qu’à hauteur de 87 % pour l’ensemble des produits industriels, de 73 % pour les biens de consommation et de 87 % pour les biens d’équipement. Sur les cinq dernières années, le déficit cumulé atteint 113,6 milliards d’euros, en particulier avec la Chine et l’Allemagne. Alors que les points faibles sombrent, les points forts s’érodent : la France perd des parts de marché à l’exportation en Europe et dans le monde sans pouvoir faire face à ses propres besoins nationaux.
Entre 2008 et 2010, le recul de la valeur de la production française touche toutes les branches (hors secteur des déchets, eau et dépollution). Il atteint 28 % dans le raffinage et la cokéfaction, 26 % dans le textile, de 15 % à 20 % dans la métallurgie, la mécanique, l’informatique, l’optique et l’électronique, où se multiplient les fermetures de sites industriels. Entre 1989 et 2011, l’industrie française a ainsi perdu 2,5 millions d’emplois. Sans surprise, cette chute touche l’industrie lourde et celle qui utilise de la main-d’œuvre non qualifiée. Mais le recul s’étend également aux industries innovantes ou stratégiques, comme les équipements ou la robotique.
De même, si les ouvriers non qualifiés payent le plus lourd tribut, avec une régression de 671 000 emplois (- 55 %), on assiste à la perte de 182 000 postes d’ouvrier qualifié et de 74 000 postes d’ingénieur, de cadre et de technicien. En octobre 2011, Peugeot SA annonçait ainsi la suppression de 6 000 emplois, dont 1 900 dans la production et 3 100 dans les services, en particulier en recherche-développement ; 3 000 sous-traitants et intérimaires sont remerciés. En dehors de quelques vieux héritages gaullistes datant des années 1960-1970 (aéronautique, industrie spatiale, armement, nucléaire) et désormais fragilisés, ainsi que de l’agroalimentaire, le socle industriel et technologique national se délite, sans qu’une relève d’envergure ait été lancée au cours des trois ou quatre dernières décennies.
Rien d’étonnant à ce que la désindustrialisation soit devenue l’un des enjeux des élections présidentielles, la française comme l’américaine. Pas un candidat, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par MM. François Hollande et Nicolas Sarkozy, qui n’en parle. Dans la foulée des Etats généraux de l’industrie de 2010, le ministre chargé de ce dossier, M. Eric Besson, promeut l’« aide à la réindustrialisation », qui permet à de petites et moyennes entreprises (PME) de bénéficier d’avances remboursables sur trois ans, alors que le Fonds stratégique d’investissement (FSI) français annonce quelques prises de capital dans des PME jugées stratégiques. On ne peut cependant que constater le décalage entre ces mesures ou déclarations et les enjeux essentiels.
La Commission de Bruxelles et les gouvernements nationaux qui se sont succédé ces trois dernières décennies ont une responsabilité directe, à la fois dans la construction puis dans l’effondrement du régime d’accumulation financière d’un côté et dans le mécanisme de désindustrialisation de l’Union de l’autre : les deux faces d’une même crise systémique. Définie en 2000, la stratégie dite de Lisbonne s’est révélée une pure illusion. En effet, elle fixait comme objectif — jamais atteint — que chaque Etat consacre 3 % de son produit intérieur brut (PIB) à la recherche-développement et à l’innovation. Elle se fondait pour cela sur un système de représentation idéologique axé sur l’« économie de la connaissance », censée remplacer la production matérielle.
Ce discours a surtout permis de justifier l’abandon de pans entiers de l’industrie française et européenne, au nom d’une spécialisation internationale du travail réservant à l’Union européenne les technologies et secteurs de pointe. Il a largement accompagné le redéploiement international du capital, la financiarisation croissante et la gestion à court terme des actifs industriels, la forte dégradation du rapport entre travail et capital dans la répartition des richesses, le refus constant et systématique de toute politique industrielle communautaire et nationale au nom du dogme de la libre concurrence.
Ce désarmement idéologique, politique et économique se paye au prix fort : entre 2000 et 2010, le PIB par habitant a grimpé de seulement 0,9 % dans l’Union et de 0,5 % en France, soit l’un des taux les plus faibles des économies industrielles. L’Europe et la France se trouvent ainsi pris en tenaille entre les pays en développement et les grands pays émergents qui vont, d’ici une quinzaine d’années, les concurrencer dans des secteurs jusqu’à présent relativement épargnés. De 1998 à 2008, le poids des pays à faible coût de production dans les importations de biens manufacturés de la zone euro passe de 17 % à 44 % (8).
Il convient de souligner que la perte de compétitivité de la France dépasse largement le seul coût du travail. Toute analyse sérieuse doit intégrer à la fois la pression exercée par la politique de l’euro fort, la compétitivité liée à la qualité de la formation, à l’organisation du travail, à la place de la recherche et de l’innovation, aux caractéristiques du système productif et aux prélèvements du capital (paiement des dividendes, etc.). En effet, non seulement le coût horaire du travail en 2008 — dernière année de comparaison disponible — dans l’industrie manufacturière française est inférieur à celui de l’Allemagne (33,16 euros contre 33,37 euros), mais la productivité par personne est en France l’une des meilleures d’Europe : elle est de 21 % supérieure à la moyenne de l’Union à vingt-sept et de 15 % supérieure à celle de l’Allemagne. C’est pourquoi la stratégie systématique de baisse continue du coût du travail se révèle une impasse.
Puisque l’Allemagne est convoquée à tort et à travers dans le débat public français, il convient de rappeler quelques faits. L’efficacité allemande repose fondamentalement sur une forte stratégie industrielle (20 % du PIB et 19 % de l’emploi), elle-même fondée sur l’innovation, la montée en gamme des produits et une spécialisation dans des activités motrices centrées sur les biens d’équipement civils, un tissu productif articulant de grands groupes (konzerns) et un puissant tissu de petites et moyennes entreprises innovantes (Mittelstand), capables d’exporter. Si l’on prend les évolutions sur vingt ans, on constate que la France représente, en moyenne, 73,5 % du PIB allemand, mais que la valeur de sa production industrielle n’atteint que 42 % de celle de l’Allemagne et ses exportations de biens et de services, 52 %.
Les effets de ces choix stratégiques sont immédiats : malgré la crise, le taux de chômage officiel en Allemagne est au plus bas depuis vingt ans (6,8 %). En 2011, la croissance a été de 3 %, permettant de réduire à 1 % du PIB le déficit public. Quelque 535 000 emplois à plein temps ont été créés, et l’investissement en biens d’équipement a augmenté de 8,3 %. Cette bonne tenue de l’économie allemande est due à une hausse de 8,2 % des exportations, en particulier vers les pays émergents, dont la Chine, qui pourrait, d’ici trois ans, devenir son premier partenaire commercial.
Certes, les konzerns ont transféré à l’étranger, en particulier en Europe centrale et orientale, une partie de leur appareil productif (automobile, mécanique...). Entre 1998 et 2012, la part des importations de biens intermédiaires dans la valeur ajoutée de l’industrie passe de 33 % à 59 % (de 50 % à 80 % en France) (9). Mais les konzerns ont gardé le contrôle des segments et des fonctions les plus stratégiques et, surtout, ils n’ont pas cessé de moderniser leur appareil industriel en Allemagne même, afin de répondre aux nouvelles demandes mondiales.
Les faiblesses du capitalisme français sont connues depuis une quarantaine d’années : sous-industrialisation (12 % du PIB et 11 % de l’emploi), insuffisance de la recherche-développement privée et industrielle, positionnement de milieu de gamme pour les productions, écrasement et pillage du tissu de PME par les grands groupes — celles qui exportent étant trois fois moins nombreuses qu’en Allemagne —, insuffisance de formation initiale et continue, sous-qualification et non-reconnaissance de celles qui existent, dévalorisation de toute culture technique, technologique ou scientifique dans le système des représentations sociales... La non-compétitivité française tient en particulier au sous-investissement des industriels et du secteur privé dans la recherche. L’effort ne dépasse pas le quart des dividendes nets versés en 2008, contre 35 % en 1995 (10). En 2010, cela ne représente que 57 % de l’effort financier des entreprises allemandes.
Alors que la stratégie de Lisbonne prévoyait de porter à 40 % le nombre des 30-34 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, 46 % des Français âgés de 25 ans à 45 ans ont un niveau inférieur ou égal au brevet d’études professionnelles (BEP) – certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Enfin, le système productif français est également victime de l’hégémonie des paramètres financiarisés dans le pilotage des stratégies industrielles, les investisseurs financiers étant devenus in fine les arbitres des choix stratégiques.
Face à ces contraintes et à ces urgences, l’Union européenne et la France doivent totalement repenser leur modèle de développement et redonner au système bancaire et financier le rôle dont il n’aurait jamais dû sortir : financer une croissance économique, sociale et territoriale efficace, durable et solidaire. Sur une génération, c’est-à-dire sur une trentaine d’années, c’est une véritable révolution industrielle et productive qu’il faut engager. La rupture technique et technologique doit être équivalente à celle qui fut réalisée à la fin du XIXe siècle. L’enjeu est bien de franchir une nouvelle frontière décisive dans des activités d’avenir qui permettent de répondre aux défis communautaires et mondiaux du XXIe siècle.
Rappelons tout de même que la population mondiale doit augmenter de 1,4 milliard d’habitants d’ici à 2030, et la population active mondiale doubler d’ici à 2020. La généralisation du modèle américain de consommation à la planète entière se révèle une impasse. Un débat s’impose sur des politiques communautaires et nationales de réindustrialisation volontaristes qui s’accompagnent d’un effort à long terme d’innovation, de recherche fondamentale et appliquée, de formation et de qualification de la main-d’œuvre. Cela exige pour la France de mobiliser de 4 à 5 points de PIB supplémentaires, soit un effort indispensable, et tout à fait soutenable, de 100 milliards d’euros.
La sortie de crise ne peut s’envisager qu’à travers la promotion d’un nouveau modèle de développement aux échelles nationale et communautaire, dans le cadre d’un modèle de croissance durable. Cela suppose la réhabilitation d’un Etat stratège définissant des politiques industrielles et des investissements à long terme, une rerégulation et une réorientation du secteur financier et bancaire vers les investissements productifs, la revalorisation du potentiel humain et de l’innovation, l’émergence de nouvelles spécialisations autour d’un renforcement de l’offre fondée sur de nouveaux producteurs et de nouveaux produits.
Dans ce cadre, la France et l’Union européenne disposent, malgré les difficultés actuelles, de nombreux atouts (11). Par exemple, dans l’énergie, les déséquilibres croissants entre l’offre et la demande, la montée structurelle des prix des matières premières à moyen et à long terme et la sécurité des approvisionnements obligent à une augmentation sans précédent de l’intensité énergétique, à une utilisation plus rationnelle et plus économe des ressources énergétiques et minérales (généralisation de filières de recyclage), au déploiement de nouvelles énergies et à une vraie rupture technologique dans le nucléaire (réacteur nucléaire de nouvelle génération, gestion des déchets radioactifs à haute activité et longue vie).
Face à la hausse des besoins alimentaires mondiaux (+ 50 % d’ici à 2025), les défis à relever sont considérables pour produire à la fois plus et mieux en répondant aux exigences environnementales, sanitaires et sociétales, tout en assurant la sécurité alimentaire. Enfin, le développement de nouveaux champs sectoriels s’ouvre avec les technologies vertes, les énergies décarbonées et la capture et le stockage du CO2, les biotechnologies et les sciences du vivant, la chimie du végétal, les nouveaux matériaux, les nanotechnologies, les sciences cognitives et les nouvelles technologies informatiques. Autant de pistes pour une nouvelle révolution productive.
Laurent Carroué
Directeur de recherche à l’Institut français de géopolitique (IFG, université Paris-VIII).
(1) Classement international du Center for Economics and Business Research (CEBR) de Londres, décembre 2011.
(2) « World manufacturing production 2010 », IHS Global Insight.
(3) Cf. « Crise et basculements du monde : enjeux géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques », Historiens & Géographes, n° 416, Paris, octobre-novembre 2011.
(4) Estimations du « Rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures », annexe au projet de loi de finances pour 2012, Paris.
(5) Cf. « The case for a national manufacturing strategy », The Information Technology and Innovation Foundation (ITIF), Washington, avril 2011 ; « Report to the President. Ensuring American leadership in advanced manufacturing » (PDF), Executive Office of the President, 2011.
(6) 36 % des métiers industriels sont exercés par des établissements non industriels, contre 26 % il y a vingt-cinq ans.
(7) « Le recul de l’emploi industriel en France de 1980 à 2007 : quelle est la réalité ? », Trésor-Eco, n° 77, Paris, septembre 2010.
(8) Trésor-Eco, n° 95, novembre 2011.
(9) Flash Eco, n° 32, Natixis, Paris, janvier 2012.
(10) « Rapport annuel sur l’état de la France en 2011 », Conseil économique, social et environnemental (CESE), Paris, 23 novembre 2011.
(11) Cf. « France 2030 : cinq scénarios de croissance », Centre d’analyse stratégique, Paris, mai 2011, et « La compétitivité : enjeu d’un nouveau modèle de développement », CESE, octobre 2011.
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