Sophie Boudet Dalbin
Le 29/09/2012
Source : http://www.pcinpact.com
English Version
INTRODUCTION
L’argent n’est toutefois pas la seule motivation de la contribution bénévole des internautes. Wikipedia illustre une certaine économie du don altruiste dont l’unique rétribution est d’ordre moral ou de la recherche de visibilité. L’essor de la consommation collaborative renforce le sentiment d’appartenance à une communauté. Un produit devient alors un outil de socialisation. Les contributeurs veulent se former, s’exprimer, s’amuser, échanger, émerger. Les fans sont très actifs en ce sens. Et sans forcément en être conscients, ils créent de la valeur gratuitement. Le téléchargement en peer-to-peer (P2P) participe d’ailleurs de cette mentalité d’échange et de partage.
Le consommateur devient actif. Il ne s’intéresse plus seulement au produit. Il veut approfondir l’univers de l’artiste. Pour Florent Latrive, devenue bien de consommation, la culture porte en elle des pratiques d’échange, de partage, de remix. Autant de formes d’appropriation créative que les réseaux numériques ont permis de développer de façon fulgurante – mais qui ne sont pratiquement plus reconnues si l’auteur ne peut pas les valider. Le journaliste problématise ainsi en un titre la question du piratage et de l’économie de la culture numérique : « La connaissance, un lien ou un bien ? »
« La propension à rendre le monde meilleur, ajoutée à la distribution au plus grand nombre de nouvelles ressources pour agir, a instauré une nouvelle forme de rapports économiques : non l’échange (marchand), non le don (qui appelle toujours une forme de contre-don différé, et n’est donc pas si éloigné que cela des échanges marchands), mais tout simplement la contribution : "Si tout le monde apporte une petite pierre, pourquoi pas moi ?" » avancent Nicolas Colin et Henri Verdier dans leur récent ouvrage L’âge de la multitude.
De plus en plus d’exemples montrent que l’économie du don ou de la contribution en apparence intangible, est de plus en plus rémunératrice à l’ère du numérique. Pour Chris Anderson, « l’iPod d’Apple, dont toute la valeur vient du fait qu’il puisse contenir des dizaines de milliers de morceaux de musique, n’est vraiment utile que si vous n’avez pas à payer des dizaines de milliers de dollars pour cette librairie musicale. Ce qui est, bien sûr, le cas pour bon nombre de personnes, qui obtiennent leur musique gratuitement d’amis ou en échangeant des fichiers. Donc, combien, sur les quatre milliards de dollars annuels générés par les ventes de l’iPod, sont-ils dus à la gratuité ? ». D’ailleurs, le gratuit est depuis longtemps intégré au sein de modèles économiques éprouvés.
La gratuité point de départ du modèle économique
Vient ensuite le modèle basé sur un marché composé de trois acteurs, typique des médias financés par la publicité, où les annonceurs ne sont pas forcément les seuls à payer pour le contenu. Les industries des médias gagnent ainsi de l’argent grâce au contenu gratuit d’une douzaine de façons différentes, de la vente d’informations sur les consommateurs à celle de licences de marque, d’abonnements enrichis, en passant par le commerce en ligne directe. Et ce modèle publicitaire s’est imposé sur le Net. Il a été adopté avec succès par des poids lourds comme Google ou Yahoo!, qui ont su offrir des services gratuits aux internautes (email, partage de vidéos, moteur de recherche) pour générer des audiences propres à attirer les annonceurs.
Une fois l’attention ou l’intérêt suscité, il est alors essentiel de développer le rebond du gratuit vers le payant à travers les économies de compléments, de produits ou services qui tendent à être consommés ensemble, comme un film en salles et un pot de pop-corn, ou bien l’équipement en home cinema et l’achat de DVD. Les industries du contenu connaissent bien ; cela se traduit par du merchandising, des objets dérivés ou complémentaires.
Quitte à parfaitement tolérer le problème du « passager clandestin » dans la perspective de maximiser l’audience. Bill Gates affirmait ainsi « à propos des nombreuses copies sauvages de ses logiciels par les Chinois : "Tant qu’ils volent des logiciels, nous préférons que ce soient les nôtres. Ils deviendront en quelque sorte dépendants et nous trouverons bien un moyen de les faire payer durant la prochaine décennie" » (déclaration citée par Florent Latrive dans son ouvrage Du bon usage de la piraterie).
Ainsi il est donc essentiel pour les fournisseurs de contenus et de services sur Internet que les industries du contenu continuent à produire. Le moteur de recherche Google acquière toute sa valeur dès lors que des informations et des contenus sont produits – par d’autres – et disponibles pour être classées. Mais comment assurer le financement de l’offre légale à l’heure où ceux qui tirent des bénéfices financiers de la distribution la plus large des contenus ne sont pas forcément ceux qui ont financé leur production et y ont investi beaucoup d'argent. Un point crucial sur lequel la mission Lescure commence d’ailleurs à travailler.
Pour les entreprises du net, la gratuité n’apparaît plus comme une étape intermédiaire vers un modèle économique mais plutôt comme le point de départ des modèles économiques, le cœur de leur philosophie dans le développement de nouveaux produits et services. Les industries du contenu doivent prendre la mesure des nouvelles stratégies autour de la gratuité afin de faire évoluer leurs modèles économiques et s’adresser à cette « génération du gratuit ».
Le prix du freemium
Imprégné de cet état d’esprit, Chris Anderson décrit dans son livre Le gratuit – Futur d’un prix radical, l’émergence d’un type de modèle d’affaires autour du gratuit à l’ère de l’abondance numérique, qui dépasse les offres promotionnelles ou les ventes liées. Le freemium mélange ainsi des versions gratuites (free) et payantes (premium) d’un même service. Dans la mesure où Internet apparaît comme une terre d’abondance, où le coût marginal d’un client supplémentaire est nul et celui des technologies de traitement, de bande passante et de stockage de plus en plus négligeable, « la gratuité ne devient pas juste une option mais est inévitable ». Pourtant, comme le souligne l’auteur, « il se pourrait que le gratuit soit le meilleur prix, mais il ne peut pas être le seul ». Tout l’enjeu réside dans la créativité des marketers à redéfinir les contours de leurs métiers.
L’auteur insiste sur le fait qu’il est inutile de vouloir lutter contre le gratuit étant donné que les internautes finiront toujours par trouver un moyen de s’échanger les contenus sur Internet. « A l’avenir, chaque entreprise va devoir fabriquer des produits gratuits ou bien va devoir entrer en concurrence avec des compagnies dont les produits seront gratuits. » Vouloir maintenir un prix artificiellement haut au regard du coût réel de production et de distribution, à travers un ensemble de lois et de systèmes de protection des droits d’auteurs, serait vain. Chris Anderson se défend de vouloir encourager ou condamner le piratage. Mais pour lui, ce phénomène résulte plutôt d’une force naturelle, que d’un comportement social qu’il serait possible de corriger à travers l’éducation ou la législation.
Il apparaît alors essentiel de se démarquer de la gratuité et de proposer une plus-value, car toute gratuité entraîne un transfert de valeur. L’enjeu réside donc dans la capacité des acteurs à proposer une offre apportant une valeur ajoutée, du moins différente de la version gratuite. Vous n’êtes pas obligé de payer, mais il se pourrait que vous le vouliez. Ainsi, « "l’ennemi de l’auteur n’est pas le piratage, mais l’obscurité". Le gratuit est le chemin le moins coûteux pour atteindre un maximum de personnes, et si l’échantillon remplit sa fonction, certains paieront pour la version "supérieure". »
Il est alors essentiel que le contenu soit attrayant, de qualité. Sébastien Flory, dirigeant et directeur technique chez Boostr, une société parisienne dédiée au jeu de cartes en ligne Urban Rivals, où le joueur démarre gratuitement avec quelques cartes et peut en obtenir simplement en jouant ou bien en payant quelques euros, se réjouit ainsi de la réussite de son service de jeu sur mobile : « La bonne nouvelle c’est qu’en faisant un produit cool, bien conçu et qui nous plaît, les joueurs accrochent. Du coup, c’est vertueux. On donne aux joueurs en leur offrant de nouvelles fonctionnalités et en écoutant leurs remarques. Eux, ils sont fidèles et achètent, mais on ne les oblige pas. C’est comme un accord tacite. »
Le gratuit s’est imposé sur Internet. Comme le souligne John Battelle, cofondateur de la revue Wired, dans son ouvrage sur La révolution Google : « C’est plus qu’une question de générations. » Il s’agit d’être créatif pour trouver comment convertir en revenus la réputation et l’attention issues du gratuit. Car « dans l’écosystème actuel, le péché le plus grave consiste à s’isoler du reste du monde ».
L’attention constitue la nouvelle richesse
Le 29/09/2012
Source : http://www.pcinpact.com
English Version
- 1. Introduction
- 2. 1 - L’économie du don ne date pas d’hier
- 3. L'argent, la motivation et culture comme un lien
- 4. 2 - La gratuité n’est pas qu’une question de génération
- 5. La gratuité point de départ du modèle économique
- 6. Le prix du freemium
- 7. 3 - L’attention constitue la nouvelle richesse
- 8. Proposer ce qui ne peut être numérisé
- 9. Dynamique, communauté et contribution
- 10. Quelle valeur travail ?
- 11. Conclusion
INTRODUCTION
Pour beaucoup, le Net est vécu comme un espace de liberté, d'universalité et de... gratuité. « Les mômes veulent l’instantanéité et on leur a mis dans la tête que ça devait être gratuit » lançait le 21 août dernier au micro de RMC
Pierre Lescure, chargé par le Gouvernement d’une mission de
concertation sur l’adaptation de l’économie de la culture au monde
connecté.
Que « les mômes » souhaitent désormais avoir accès à tout, immédiatement et sans contraintes est un fait. Quoi de plus naturel à l’ère du numérique, avec la baisse considérable des coûts et l’accessibilité accrue des œuvres dématérialisées. Qu’ils soient jeunes ou moins jeunes d’ailleurs. Et certes, la génération élevée au lait d’Internet est habituée à se servir dans les supermarchés du Net. Mais cela ne veut pas forcément dire que le tout-gratuit soit une fatalité.
Qu’on se le dise, les pirates d’aujourd’hui sont les clients de demain. La Commission européenne le soulignait déjà en 2009 dans un communiqué : « Bien que la "génération numérique" paraisse réticente à mettre la main au porte-monnaie pour télécharger ou consulter en ligne des contenus, ils sont en réalité proportionnellement deux fois plus nombreux que le reste de la population à avoir déjà payé pour ce type de service. Ils sont également plus disposés à payer pour obtenir un meilleur service de qualité supérieure ».
Le succès du téléchargement illégal est révélateur de l’appétit du consommateur qui veut avoir accès à tous les contenus, immédiatement, en bonne qualité et simplement. Grâce au piratage, le jeune public peut augmenter considérablement sa consommation culturelle malgré un budget consacré aux loisirs souvent limité. Et à mesure qu’il rentre dans la vie active, il est prêt à payer. Mais pas pour n’importe quoi ! Le problème est que, sur Internet, l’offre illégale est souvent plus simple et plus complète que l’offre légale.
A l’ère de la multiplication des données en ligne, les modèles de rémunération physiques volent en éclat. Dans le sillage du gratuit, l’économie du don, de la contribution se révèle de plus en plus rémunératrice sur Internet. La génération connectée revendique désormais une culture du lien plutôt que du bien. Les industries culturelles doivent alors innover afin d’être en mesure de capter une valeur qui se déplace vers l’attention, la réputation et l’implication de leurs clients.
Au-delà d’une culture de la gratuité, le numérique impulse plutôt l’émergence de nouveaux modèles de création de la valeur. Tandis que les internautes semblent réticents à acheter du contenu en ligne, ils apparaissent en réalité disposés à payer pour obtenir un service de qualité à mesure que l’offre légale se développe. Pour profiter des opportunités de croissance du numérique, les acteurs doivent prendre la mesure des nouvelles attentes afin d’innover et ne plus pénaliser leurs clients.
Alors le gratuit est-il vraiment une question de génération ? Comment le gratuit peut-il créer plutôt que détruire de la valeur pour l’industrie ? Quels sont les mécanismes de l’économie du don, de la contribution ? Quelles stratégies pour capter la nouvelle valeur ? Sommes-nous face à une nouvelle économie ?
L’économie du don ne date pas d’hier
Que « les mômes » souhaitent désormais avoir accès à tout, immédiatement et sans contraintes est un fait. Quoi de plus naturel à l’ère du numérique, avec la baisse considérable des coûts et l’accessibilité accrue des œuvres dématérialisées. Qu’ils soient jeunes ou moins jeunes d’ailleurs. Et certes, la génération élevée au lait d’Internet est habituée à se servir dans les supermarchés du Net. Mais cela ne veut pas forcément dire que le tout-gratuit soit une fatalité.
Qu’on se le dise, les pirates d’aujourd’hui sont les clients de demain. La Commission européenne le soulignait déjà en 2009 dans un communiqué : « Bien que la "génération numérique" paraisse réticente à mettre la main au porte-monnaie pour télécharger ou consulter en ligne des contenus, ils sont en réalité proportionnellement deux fois plus nombreux que le reste de la population à avoir déjà payé pour ce type de service. Ils sont également plus disposés à payer pour obtenir un meilleur service de qualité supérieure ».
Le succès du téléchargement illégal est révélateur de l’appétit du consommateur qui veut avoir accès à tous les contenus, immédiatement, en bonne qualité et simplement. Grâce au piratage, le jeune public peut augmenter considérablement sa consommation culturelle malgré un budget consacré aux loisirs souvent limité. Et à mesure qu’il rentre dans la vie active, il est prêt à payer. Mais pas pour n’importe quoi ! Le problème est que, sur Internet, l’offre illégale est souvent plus simple et plus complète que l’offre légale.
A l’ère de la multiplication des données en ligne, les modèles de rémunération physiques volent en éclat. Dans le sillage du gratuit, l’économie du don, de la contribution se révèle de plus en plus rémunératrice sur Internet. La génération connectée revendique désormais une culture du lien plutôt que du bien. Les industries culturelles doivent alors innover afin d’être en mesure de capter une valeur qui se déplace vers l’attention, la réputation et l’implication de leurs clients.
Au-delà d’une culture de la gratuité, le numérique impulse plutôt l’émergence de nouveaux modèles de création de la valeur. Tandis que les internautes semblent réticents à acheter du contenu en ligne, ils apparaissent en réalité disposés à payer pour obtenir un service de qualité à mesure que l’offre légale se développe. Pour profiter des opportunités de croissance du numérique, les acteurs doivent prendre la mesure des nouvelles attentes afin d’innover et ne plus pénaliser leurs clients.
Alors le gratuit est-il vraiment une question de génération ? Comment le gratuit peut-il créer plutôt que détruire de la valeur pour l’industrie ? Quels sont les mécanismes de l’économie du don, de la contribution ? Quelles stratégies pour capter la nouvelle valeur ? Sommes-nous face à une nouvelle économie ?
L’économie du don ne date pas d’hier
Pour le journaliste Florent Latrive, auteur de l'ouvrage Du bon usage de la piraterie : « À force de fétichisme comptable, le sens du mot "gratuit" a été perdu. » Il fait la distinction entre fausse gratuité
– celle des journaux remplis de publicité, des programmes de télévision
rythmés par les réclames, des émissions de radio entrecoupées
d’annonces publicitaires – et gratuité réelle : « celle du don, celle de la solidarité et de l’entraide, celle du libre-échange intellectuel et des idées ». Mais ne nous y trompons pas, la gratuité, le don est toutefois rarement désintéressé et peut appeler à contrepartie.
Mensonge social chez Mauss, le don apparaît plutôt comme ciment social chez le sociologue Lewis Hyde dans son ouvrage de 1983 sur le don et la créativité artistique. L’auteur place le don au cœur de l’art. Ce don créatif produit des liens, permet d’échanger des sentiments. Mais tout comme Mauss, Hyde observe que le don porte en lui des règles implicites : l’obligation de le faire circuler, de le rendre et l’impossibilité de le posséder. Le don non rendu rend alors inférieur celui qui l’a accepté, surtout quand il est reçu sans esprit de retour.
Attention toutefois à ne pas résumer le don aux cadeaux de Noël et d’anniversaire ou bien aux relations commerciales, de domination et d’alliance. Mauss l’avait bien senti. Après avoir analysé un concept indigène découvert dans la société maorie de Nouvelle-Zélande, il avance que les choses échangées, loin d’être inertes, sont dotées d’un esprit ; « accepter quelque chose de quelqu’un, c’est accepter quelque chose de son essence spirituelle, de son âme ». Le droit d’usage se transmet, alors que la propriété demeure inaliénable. Une analyse qui correspond particulièrement bien à la situation des contenus numériques et à l’échange de fichiers.
On l’observe aujourd’hui, les internautes participent bénévolement, mettent en ligne du contenu gratuitement, créent de la valeur sans forcément attendre de rétribution financière en échange. Cette culture participative en ligne a soudain rendu une certaine économie du don tangible et chiffrable. Étant donné que le coût de distribution d’un contenu dématérialisé est proche de zéro, le partage est devenu une véritable industrie. Il est alors essentiel de bien comprendre les mécanismes qui poussent les clients à apporter leur contribution « bénévolement » – en apparence tout du moins.
L'argent, la motivation et culture comme un lien
Rien n’est jamais vraiment offert généreusement
Nombreux sont ceux qui pensent que la générosité est au cœur de l’économie du don. Cependant, à y regarder de plus près, les motivations ne sont souvent pas si altruistes. En 1923, l’anthropologue Marcel Mauss, dans son Essai sur le don, étudie la nature des transactions humaines dans les tribus des îles du sud-ouest du Pacifique à l’Alaska et dans les sociétés indoeuropéennes anciennes, en dehors de l’institution qu’est le marché. Il observe que le présent reçu est obligatoirement rendu. Ces échanges qui apparaissent en théorie volontaires sont en réalité obligatoirement faits. Pour préserver sa réputation ou son honneur, « chacun rivalise pour que le cadeau qu’il offre soit plus beau que celui qu’il reçoit ».Mensonge social chez Mauss, le don apparaît plutôt comme ciment social chez le sociologue Lewis Hyde dans son ouvrage de 1983 sur le don et la créativité artistique. L’auteur place le don au cœur de l’art. Ce don créatif produit des liens, permet d’échanger des sentiments. Mais tout comme Mauss, Hyde observe que le don porte en lui des règles implicites : l’obligation de le faire circuler, de le rendre et l’impossibilité de le posséder. Le don non rendu rend alors inférieur celui qui l’a accepté, surtout quand il est reçu sans esprit de retour.
Attention toutefois à ne pas résumer le don aux cadeaux de Noël et d’anniversaire ou bien aux relations commerciales, de domination et d’alliance. Mauss l’avait bien senti. Après avoir analysé un concept indigène découvert dans la société maorie de Nouvelle-Zélande, il avance que les choses échangées, loin d’être inertes, sont dotées d’un esprit ; « accepter quelque chose de quelqu’un, c’est accepter quelque chose de son essence spirituelle, de son âme ». Le droit d’usage se transmet, alors que la propriété demeure inaliénable. Une analyse qui correspond particulièrement bien à la situation des contenus numériques et à l’échange de fichiers.
On l’observe aujourd’hui, les internautes participent bénévolement, mettent en ligne du contenu gratuitement, créent de la valeur sans forcément attendre de rétribution financière en échange. Cette culture participative en ligne a soudain rendu une certaine économie du don tangible et chiffrable. Étant donné que le coût de distribution d’un contenu dématérialisé est proche de zéro, le partage est devenu une véritable industrie. Il est alors essentiel de bien comprendre les mécanismes qui poussent les clients à apporter leur contribution « bénévolement » – en apparence tout du moins.
L'argent, la motivation et culture comme un lien
L’argent n’est pas la seule motivation à l’heure de l’économie contributive
Plusieurs raisons poussent les internautes à choisir de faire don de leur temps, de leur attention, de leur travail, de leurs réflexions, de leurs contenus, de leur créativité. Bien sûr la motivation monétaire perdure sur Internet. De manière directe, par exemple lorsque Dailymotion propose une rémunération variable pouvant atteindre les 15 000 euros pour les utilisateurs qui participent aux appels à création déposés par les annonceurs. Indirectement aussi, car avec un coût de distribution quasi-nul, le bénéfice financier peut survenir après, grâce à la réputation acquise. Dans son livre Free: The Future of a Radical Price, le désormais célèbre rédacteur en chef du magazine Wired, Chris Anderson explique ainsi qu’il a fait le choix de distribuer ses livres gratuitement sur Internet, en parallèle des versions payantes dans le commerce physique. Il se rémunère ensuite sur ses interventions lors de conférences et à travers ses activités de conseils.L’argent n’est toutefois pas la seule motivation de la contribution bénévole des internautes. Wikipedia illustre une certaine économie du don altruiste dont l’unique rétribution est d’ordre moral ou de la recherche de visibilité. L’essor de la consommation collaborative renforce le sentiment d’appartenance à une communauté. Un produit devient alors un outil de socialisation. Les contributeurs veulent se former, s’exprimer, s’amuser, échanger, émerger. Les fans sont très actifs en ce sens. Et sans forcément en être conscients, ils créent de la valeur gratuitement. Le téléchargement en peer-to-peer (P2P) participe d’ailleurs de cette mentalité d’échange et de partage.
La culture n’est plus perçue comme un bien mais comme un lien
En ligne, on fonctionne à l’envi. Tout va très vite, tout est à portée de clic. On télécharge les films, la musique, les jeux que l’on a vus à l’affiche, dans un magazine, à la télé, écouté à la radio ou dont on nous a parlé. L’accent est mis sur la personnalisation des services. Les contenus culturels deviennent l’expression de notre identité. Ils deviennent la base d’une nouvelle manière de communiquer, notamment via les médias sociaux. Ainsi, chaque jour, l'équivalent de 150 ans de vidéos YouTube sont regardées sur Facebook (source : WebRankInfo).Le consommateur devient actif. Il ne s’intéresse plus seulement au produit. Il veut approfondir l’univers de l’artiste. Pour Florent Latrive, devenue bien de consommation, la culture porte en elle des pratiques d’échange, de partage, de remix. Autant de formes d’appropriation créative que les réseaux numériques ont permis de développer de façon fulgurante – mais qui ne sont pratiquement plus reconnues si l’auteur ne peut pas les valider. Le journaliste problématise ainsi en un titre la question du piratage et de l’économie de la culture numérique : « La connaissance, un lien ou un bien ? »
« La propension à rendre le monde meilleur, ajoutée à la distribution au plus grand nombre de nouvelles ressources pour agir, a instauré une nouvelle forme de rapports économiques : non l’échange (marchand), non le don (qui appelle toujours une forme de contre-don différé, et n’est donc pas si éloigné que cela des échanges marchands), mais tout simplement la contribution : "Si tout le monde apporte une petite pierre, pourquoi pas moi ?" » avancent Nicolas Colin et Henri Verdier dans leur récent ouvrage L’âge de la multitude.
De plus en plus d’exemples montrent que l’économie du don ou de la contribution en apparence intangible, est de plus en plus rémunératrice à l’ère du numérique. Pour Chris Anderson, « l’iPod d’Apple, dont toute la valeur vient du fait qu’il puisse contenir des dizaines de milliers de morceaux de musique, n’est vraiment utile que si vous n’avez pas à payer des dizaines de milliers de dollars pour cette librairie musicale. Ce qui est, bien sûr, le cas pour bon nombre de personnes, qui obtiennent leur musique gratuitement d’amis ou en échangeant des fichiers. Donc, combien, sur les quatre milliards de dollars annuels générés par les ventes de l’iPod, sont-ils dus à la gratuité ? ». D’ailleurs, le gratuit est depuis longtemps intégré au sein de modèles économiques éprouvés.
La gratuité n’est pas qu’une question de génération
À l’heure d’Internet, comme le souligne Alban Martin dans son ouvrage Et toi tu télécharges ?: « Si
la gratuité des biens a toujours existé, dans une logique de don,
d’échange ou encore de vente liée, elle prend une toute nouvelle
envergure avec la dématérialisation des contenus : certains services
deviennent intégralement gratuits, fixant un standard de prix pour un
marché entier, composé d’acteurs ne provenant pas tous du monde
d’Internet. Que le gratuit soit utilisé pour "vendre" un service, ou
bien qu’il soit une composante d’un modèle économique plus large, ce
seuil psychologique est aussi attractif qu’il peut être rémunérateur,
pour peu qu’on en maîtrise les ressorts… »
La frontière entre le marchand et le gratuit est par ailleurs très mouvante. « Le pirate est un client qui paie à la recherche d’une raison pour se montrer » souligne le philosophe Jean-Louis Sagot-Duvauroux. Ainsi, pour Joëlle Farchy, spécialiste de l'économie des industries culturelles : « Il faut cesser de se faire peur en laissant croire que le P2P, parce qu’il est gratuit, est un trou noir qui va absorber tout autre mode de distribution. Compte tenu de la concurrence de propositions considérées comme gratuites, l’internaute n’accepte de payer que pour des produits à forte valeur ajoutée. »
Point crucial : la gratuité est en grande partie une illusion. Pour le réalisateur et producteur Jean-Jacques Beineix, « cette idée de gratuité est un mensonge. C’est même un vrai problème de société. La gratuité est une illusion d’optique, un mirage, pratiquement élevé au rang de mode de vie. On est d’ailleurs en train d’en faire un dogme. Malgré les apparences, on est souvent aujourd’hui à l’opposé de la gratuité. De plus en plus, tout est tarifé » (propos recueillis par Cyril Fievet et publiés dans le magazine Netizen de février 2006).
Analyse psychologique de la valeur gratuite
« La gratuité est un concept, non pas quelque chose que vous pouvez compter sur vos doigts » écrit Chris Anderson. Tout l’enjeu réside alors dans la capacité à penser le prix de façon créative. Dans son livre Free, il décrit un exemple particulièrement édifiant, celui d’une salle de sport au Danemark proposant un abonnement annuel, gratuit, à condition de venir au moins une fois par semaine. Si l’abonné rate une semaine, il doit payer un mois complet au prix fort… D’un point de vue psychologique, ce modèle est remarquable : « Lorsque vous y allez chaque semaine, vous vous sentez vraiment bien avec vous-même et vis-à-vis de la salle de sport. Mais il arrivera un moment où vous finirez par être très pris et raterez une semaine. Vous paierez, mais ne pourrez-vous en prendre qu’à vous-même. Contrairement à la situation habituelle où vous payez pour une salle de sport où vous n’allez pas, votre première réaction n’est pas de résilier votre abonnement, mais plutôt d’intensifier votre engagement. » Notre perception de la gratuité demeure ainsi toute relative et peut être orientée à dessein.La frontière entre le marchand et le gratuit est par ailleurs très mouvante. « Le pirate est un client qui paie à la recherche d’une raison pour se montrer » souligne le philosophe Jean-Louis Sagot-Duvauroux. Ainsi, pour Joëlle Farchy, spécialiste de l'économie des industries culturelles : « Il faut cesser de se faire peur en laissant croire que le P2P, parce qu’il est gratuit, est un trou noir qui va absorber tout autre mode de distribution. Compte tenu de la concurrence de propositions considérées comme gratuites, l’internaute n’accepte de payer que pour des produits à forte valeur ajoutée. »
Point crucial : la gratuité est en grande partie une illusion. Pour le réalisateur et producteur Jean-Jacques Beineix, « cette idée de gratuité est un mensonge. C’est même un vrai problème de société. La gratuité est une illusion d’optique, un mirage, pratiquement élevé au rang de mode de vie. On est d’ailleurs en train d’en faire un dogme. Malgré les apparences, on est souvent aujourd’hui à l’opposé de la gratuité. De plus en plus, tout est tarifé » (propos recueillis par Cyril Fievet et publiés dans le magazine Netizen de février 2006).
La gratuité point de départ du modèle économique
Modèles économiques du gratuit
« La gratuité en économie de marché n’existe pas ; elle correspond à des formes de financement indirectes » souligne Joëlle Farchy. Plusieurs stratégies existent pour générer des revenus directs en proposant un bien ou un service gratuitement. Il y a bien sûr le marché non monétaire de type Wikipedia. Le financement croisé direct permet également d’offrir quelque chose pour vendre autre chose ; c’est le cas des opérateurs de téléphonie mobile qui vous offrent le téléphone pour ensuite vous vendre un abonnement.Vient ensuite le modèle basé sur un marché composé de trois acteurs, typique des médias financés par la publicité, où les annonceurs ne sont pas forcément les seuls à payer pour le contenu. Les industries des médias gagnent ainsi de l’argent grâce au contenu gratuit d’une douzaine de façons différentes, de la vente d’informations sur les consommateurs à celle de licences de marque, d’abonnements enrichis, en passant par le commerce en ligne directe. Et ce modèle publicitaire s’est imposé sur le Net. Il a été adopté avec succès par des poids lourds comme Google ou Yahoo!, qui ont su offrir des services gratuits aux internautes (email, partage de vidéos, moteur de recherche) pour générer des audiences propres à attirer les annonceurs.
Le gratuit pour attirer des audiences monétisables
À l’ère de l’abondance numérique, le coût marginal de distribution d’un contenu est nul. C’est la multiplication des pains en quelque sorte. Baisser le prix au minimum quitte à le proposer gratuitement permet d’éliminer tout frein à l’accès au contenu et d’élargir au maximum la cible potentielle. À l’instar de la bande annonce, mettre en ligne gratuitement les premières minutes ou la totalité d’un film, peut donc se révéler être un excellent outil de marketing viral. Un clip créatif et innovant qui circule sur YouTube est le meilleur moyen de donner envie au public d’acheter le morceau, l’album ou d’aller voir le groupe en concert. « L’enjeu est de trouver le bon format à donner au contenu d’appel, afin de ne pas cannibaliser les ventes de l’œuvre sous d’autres formes ou formats » souligne Alban Martin. Car « tant que l’objectivation d’un talent n’a pas eu lieu, il vaut mieux réduire au maximum les barrières à la découverte du contenu, notamment via de premières prises gratuites ».Une fois l’attention ou l’intérêt suscité, il est alors essentiel de développer le rebond du gratuit vers le payant à travers les économies de compléments, de produits ou services qui tendent à être consommés ensemble, comme un film en salles et un pot de pop-corn, ou bien l’équipement en home cinema et l’achat de DVD. Les industries du contenu connaissent bien ; cela se traduit par du merchandising, des objets dérivés ou complémentaires.
Le gratuit pour encourager l’adoption la plus large possible des services
La gratuité demeure ainsi le meilleur moyen d’atteindre un marché le plus large possible et d’arriver à une adoption de masse. Cette « stratégie de maximisation » élimine les barrières à l’entrée et réduit les risques d’insatisfaction clients. Rien de nouveau sous le soleil. Et dans l’univers numérique, proposer un service plus simple et moins cher permet de se positionner rapidement comme leader sur un marché souvent dominé par les effets de réseaux et les technologies de verrouillage, où les gagnants raflent tout le marché (winner-take-all).Quitte à parfaitement tolérer le problème du « passager clandestin » dans la perspective de maximiser l’audience. Bill Gates affirmait ainsi « à propos des nombreuses copies sauvages de ses logiciels par les Chinois : "Tant qu’ils volent des logiciels, nous préférons que ce soient les nôtres. Ils deviendront en quelque sorte dépendants et nous trouverons bien un moyen de les faire payer durant la prochaine décennie" » (déclaration citée par Florent Latrive dans son ouvrage Du bon usage de la piraterie).
Le problème du financement de l’offre légale
Petit bémol tout de même, car tandis que le fait de baser son modèle économique sur le gratuit demeure à la portée de tous, bien souvent, seul le groupe numéro un peut arriver à en tirer des bénéfices. Et comme prévient Chris Anderson : « Si le gratuit à l’ère du numérique démonétise les industries avant que de nouveaux modèles économiques puissent les monétiser à nouveau, alors tout le monde perd. »Ainsi il est donc essentiel pour les fournisseurs de contenus et de services sur Internet que les industries du contenu continuent à produire. Le moteur de recherche Google acquière toute sa valeur dès lors que des informations et des contenus sont produits – par d’autres – et disponibles pour être classées. Mais comment assurer le financement de l’offre légale à l’heure où ceux qui tirent des bénéfices financiers de la distribution la plus large des contenus ne sont pas forcément ceux qui ont financé leur production et y ont investi beaucoup d'argent. Un point crucial sur lequel la mission Lescure commence d’ailleurs à travailler.
Pour les entreprises du net, la gratuité n’apparaît plus comme une étape intermédiaire vers un modèle économique mais plutôt comme le point de départ des modèles économiques, le cœur de leur philosophie dans le développement de nouveaux produits et services. Les industries du contenu doivent prendre la mesure des nouvelles stratégies autour de la gratuité afin de faire évoluer leurs modèles économiques et s’adresser à cette « génération du gratuit ».
Le prix du freemium
Avec le freemium, le gratuit n’est pas le seul prix
Pour Chris Anderson, la « génération Google » n’a pas perdu tout sens de la valeur, mais valorise simplement des choses différentes comparées aux générations précédentes. Pour cette génération, l’information est infinie et immédiate. « Ils sont de moins en moins disposés à payer pour du contenu ou tout autre divertissement, étant donné qu’ils ont tellement d’alternatives gratuites. » Selon l’auteur, il ne viendrait pas à l’esprit de cette génération du gratuit de voler à l’étalage mais en revanche celle-ci n’hésite pas à télécharger des contenus sur les sites P2P. « Ils comprennent de façon intuitive la différence entre les économies des atomes et celle des bits, et ont compris que la première comporte des coûts réels qui doivent être payés, mais il n’en est habituellement pas de même pour la seconde. La question n’est pas "Combien cela coûte-t-il ?" mais "Pourquoi devrais-je payer ?" »Imprégné de cet état d’esprit, Chris Anderson décrit dans son livre Le gratuit – Futur d’un prix radical, l’émergence d’un type de modèle d’affaires autour du gratuit à l’ère de l’abondance numérique, qui dépasse les offres promotionnelles ou les ventes liées. Le freemium mélange ainsi des versions gratuites (free) et payantes (premium) d’un même service. Dans la mesure où Internet apparaît comme une terre d’abondance, où le coût marginal d’un client supplémentaire est nul et celui des technologies de traitement, de bande passante et de stockage de plus en plus négligeable, « la gratuité ne devient pas juste une option mais est inévitable ». Pourtant, comme le souligne l’auteur, « il se pourrait que le gratuit soit le meilleur prix, mais il ne peut pas être le seul ». Tout l’enjeu réside dans la créativité des marketers à redéfinir les contours de leurs métiers.
L’auteur insiste sur le fait qu’il est inutile de vouloir lutter contre le gratuit étant donné que les internautes finiront toujours par trouver un moyen de s’échanger les contenus sur Internet. « A l’avenir, chaque entreprise va devoir fabriquer des produits gratuits ou bien va devoir entrer en concurrence avec des compagnies dont les produits seront gratuits. » Vouloir maintenir un prix artificiellement haut au regard du coût réel de production et de distribution, à travers un ensemble de lois et de systèmes de protection des droits d’auteurs, serait vain. Chris Anderson se défend de vouloir encourager ou condamner le piratage. Mais pour lui, ce phénomène résulte plutôt d’une force naturelle, que d’un comportement social qu’il serait possible de corriger à travers l’éducation ou la législation.
Il apparaît alors essentiel de se démarquer de la gratuité et de proposer une plus-value, car toute gratuité entraîne un transfert de valeur. L’enjeu réside donc dans la capacité des acteurs à proposer une offre apportant une valeur ajoutée, du moins différente de la version gratuite. Vous n’êtes pas obligé de payer, mais il se pourrait que vous le vouliez. Ainsi, « "l’ennemi de l’auteur n’est pas le piratage, mais l’obscurité". Le gratuit est le chemin le moins coûteux pour atteindre un maximum de personnes, et si l’échantillon remplit sa fonction, certains paieront pour la version "supérieure". »
Il est alors essentiel que le contenu soit attrayant, de qualité. Sébastien Flory, dirigeant et directeur technique chez Boostr, une société parisienne dédiée au jeu de cartes en ligne Urban Rivals, où le joueur démarre gratuitement avec quelques cartes et peut en obtenir simplement en jouant ou bien en payant quelques euros, se réjouit ainsi de la réussite de son service de jeu sur mobile : « La bonne nouvelle c’est qu’en faisant un produit cool, bien conçu et qui nous plaît, les joueurs accrochent. Du coup, c’est vertueux. On donne aux joueurs en leur offrant de nouvelles fonctionnalités et en écoutant leurs remarques. Eux, ils sont fidèles et achètent, mais on ne les oblige pas. C’est comme un accord tacite. »
Le gratuit s’est imposé sur Internet. Comme le souligne John Battelle, cofondateur de la revue Wired, dans son ouvrage sur La révolution Google : « C’est plus qu’une question de générations. » Il s’agit d’être créatif pour trouver comment convertir en revenus la réputation et l’attention issues du gratuit. Car « dans l’écosystème actuel, le péché le plus grave consiste à s’isoler du reste du monde ».
L’attention constitue la nouvelle richesse
L’« économie du futur, » avait annoncé le théoricien du
cyberespace John Perry Barlow, « sera fondée sur les relations plutôt
que sur la propriété » (citation de Jeremy Rifkin dans son ouvrage L'économie hydrogène – Après la fin du pétrole, la nouvelle révolution économique). Comme l’écrivait déjà en 1971 l’économiste Herbert Simon,
« ce que l’information consomme est assez évident : elle consomme
l’attention de ceux qui la reçoivent. Du même coup, une grande quantité
d’information crée une pauvreté de l’attention et le besoin de répartir
efficacement cette attention entre des sources d’information très
nombreuses au milieu desquelles elle pourrait se dissoudre ».
Grâce à sa capacité à produire, reproduire et faire circuler sans coût ni travail supplémentaire, le numérique est à l’origine d’une abondance d’informations, d’une profusion des données, d’une explosion des contenus générés par les utilisateurs et de l’hyper-connectivité des modes de vie. L’attention apparaît plus que jamais comme une ressource rare. Cependant, la faculté d'attention du public n’est pas extensible et il faut trouver de nouvelles stratégies pour capter la valeur.
Les modèles de financement des médias ont toujours fonctionné sur la recherche d’attention du public. L’économie de l’attention et de la réputation est un système qui fonctionne en recherchant et en achetant ce qui est intrinsèquement limité et irremplaçable, à savoir l’attention du consommateur.
Le marketing viral, ou buzz marketing, permet ainsi, dans une certaine mesure, de diminuer les coûts de promotion, qui sont alors portés en partie par les utilisateurs et atteignent facilement les communautés clé et les leaders d’opinion. Les discours d’accès aux œuvres sont alors démultipliés et moins contrôlés par les professionnels de la promotion.
Et dans le cas de l’industrie musicale, le phénomène inverse est observé. Des groupes comme Radiohead, Coldplay, Nine Inch Nails ou encore Moby, qui disposent d’une renommée internationale et d’une base de fans bien établie, ont montré que le gratuit sur Internet peut être une source de profit non-négligeable. Mais pour des groupes peu connus, le gratuit peut avoir un effet négatif sur les ventes, dès lors que les leviers vers le payant ne sont pas véritablement établis.
Les internautes se servent de leurs goûts, culturels notamment, pour tenter d’émerger de la multitude. Dans nos sociétés de consommation de plus en plus standardisées, qui s’auto-alimentent par les mécanismes de différenciation sociale, la communication via les réseaux sociaux ou les blogs, est devenue un outil majeur de personal branding. L’individu se met en scène et fait sa promotion afin de communiquer, de s’exprimer, de s’affirmer, d’émerger, de se différencier, de créer des liens.
Le phénomène du bouche à oreille, facilité par le gratuit sur Internet, apparaît donc incontournable. Toujours est-il qu’il ne faut pas se méprendre. Aujourd’hui, les jeunes Millenials qui téléchargent ou regardent en streaming des films et de la musique massivement et gratuitement (légalement ou illégalement), disposent de beaucoup de temps mais de peu d’argent. Mais dès qu’ils seront entrés dans la vie active, avec a priori plus d’argent que de temps, ceux-ci seront alors potentiellement prêts à payer pour des services qu’ils valorisent, qui leur permettent une souplesse d’utilisation, une qualité optimale, un service à valeur ajoutée.
Proposer ce qui ne peut être numérisé
Dynamique, communauté et contributionGrâce à sa capacité à produire, reproduire et faire circuler sans coût ni travail supplémentaire, le numérique est à l’origine d’une abondance d’informations, d’une profusion des données, d’une explosion des contenus générés par les utilisateurs et de l’hyper-connectivité des modes de vie. L’attention apparaît plus que jamais comme une ressource rare. Cependant, la faculté d'attention du public n’est pas extensible et il faut trouver de nouvelles stratégies pour capter la valeur.
Les modèles de financement des médias ont toujours fonctionné sur la recherche d’attention du public. L’économie de l’attention et de la réputation est un système qui fonctionne en recherchant et en achetant ce qui est intrinsèquement limité et irremplaçable, à savoir l’attention du consommateur.
Utiliser le gratuit pour générer du buzz
A l’heure du numérique, les formes de médiation sont renouvelées. Le gratuit est utilisé pour générer du buzz. Le phénomène du bouche à oreille est décuplé. Le public accorde plus d’importance et de valeur à une recommandation émanant d’un proche ou d’une communauté de pairs. L’internaute est nettement plus enclin à cliquer sur le lien d’une vidéo si celle-ci lui a été recommandée par un proche, que s’il s’agit d’un spam, d’une publicité ou d’une offre de contenu lambda.Le marketing viral, ou buzz marketing, permet ainsi, dans une certaine mesure, de diminuer les coûts de promotion, qui sont alors portés en partie par les utilisateurs et atteignent facilement les communautés clé et les leaders d’opinion. Les discours d’accès aux œuvres sont alors démultipliés et moins contrôlés par les professionnels de la promotion.
Effets variables selon les types de contenus
Bien que le contenu gratuit soit un catalyseur de conversations, il semble toutefois que les effets varient. Dans le domaine de la distribution dématérialisée des livres, Chris Anderson relate sur son blog le fait que proposer une version gratuite sur Internet d’un ouvrage traitant d’un sujet particulier ou peu connu permettrait d’élargir sa visibilité et de faire augmenter le nombre de ventes dans le commerce physique. En revanche, dans le cas d’un sujet ou d’un auteur bien établi, profitant déjà d’une certaine exposition, l’auteur constate que la version numérique gratuite aurait tendance à cannibaliser les ventes.Et dans le cas de l’industrie musicale, le phénomène inverse est observé. Des groupes comme Radiohead, Coldplay, Nine Inch Nails ou encore Moby, qui disposent d’une renommée internationale et d’une base de fans bien établie, ont montré que le gratuit sur Internet peut être une source de profit non-négligeable. Mais pour des groupes peu connus, le gratuit peut avoir un effet négatif sur les ventes, dès lors que les leviers vers le payant ne sont pas véritablement établis.
Avènement du personal branding
Une chose est sûre, avec Internet, l’information est surabondante et les canaux de communication tendent à être saturés. L’attention, ressource rare, devient la base d’une nouvelle économie. Il est alors crucial de savoir s’orienter face à une cascade illimitée de données et d’opinions qui peut nous submerger. « La recherche est devenue la nouvelle interface du commerce » écrit ainsi John Battelle. Les réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace deviennent ainsi des acteurs incontournables de cette économie de l'attention et de la réputation, en particulier au sein de la jeune génération.Les internautes se servent de leurs goûts, culturels notamment, pour tenter d’émerger de la multitude. Dans nos sociétés de consommation de plus en plus standardisées, qui s’auto-alimentent par les mécanismes de différenciation sociale, la communication via les réseaux sociaux ou les blogs, est devenue un outil majeur de personal branding. L’individu se met en scène et fait sa promotion afin de communiquer, de s’exprimer, de s’affirmer, d’émerger, de se différencier, de créer des liens.
Le phénomène du bouche à oreille, facilité par le gratuit sur Internet, apparaît donc incontournable. Toujours est-il qu’il ne faut pas se méprendre. Aujourd’hui, les jeunes Millenials qui téléchargent ou regardent en streaming des films et de la musique massivement et gratuitement (légalement ou illégalement), disposent de beaucoup de temps mais de peu d’argent. Mais dès qu’ils seront entrés dans la vie active, avec a priori plus d’argent que de temps, ceux-ci seront alors potentiellement prêts à payer pour des services qu’ils valorisent, qui leur permettent une souplesse d’utilisation, une qualité optimale, un service à valeur ajoutée.
Proposer ce qui ne peut être numérisé
A l’ère de l’abondance, les contenus numériques coulent à flot sur le net.
Dès lors, la nouvelle valeur réside dans le temps présent, la mise à
jour constante. Comme le relate Alban Martin, Jacques Attali compare ce
phénomène à « la bouteille d’Evian face à l’eau courante : bien que
l’eau soit disponible à un coût marginal pour tous, elle continue d’être
monétisée et commercialisée, sous la forme de bouteilles ayant chacune
leurs caractéristiques ».
Les consommateurs recherchent à passer du temps avec leurs artistes, à accompagner leur vie artistique, à assister à des performances en direct, à vivre des expériences divertissantes uniques, personnalisées et non reproductibles en bits – et donc rares, à l’inverse de l’abondance du gratuit sur Internet. Par conséquent, l’« implication des fans, du public ou des spectateurs dans l’univers de l’œuvre, rendant le processus créatif personnalisé pour chaque personne qui le souhaite » est une des sources de valeurs essentielles de l’économie de l’attention. Cependant, comme le souligne Alban Martin, cela « ne signifie pas que les créatifs doivent tenir compte des avis du public pour modifier leur inspiration, mais plutôt établir une vraie relation de proximité avec lui ».
Internet permet également d’établir un dialogue personnalisé à grande échelle avec des personnes inaccessibles auparavant. De nouvelles formes de médiation apparaissent, qui permettent de délivrer les informations aux communautés de fans et d’amateurs. Les internautes apprécient particulièrement de pouvoir tisser une relation personnelle avec les personnalités qu’ils apprécient et de pouvoir dépasser la simple relation commerciale standardisée.
Les nouveaux outils de communication permettent de tisser des liens de plus en plus forts entre les publics et leurs artistes. Alban Martin parle d’humanisation de l’artiste. Par contre, cette accessibilité accrue de l’artiste est à double tranchant selon lui, puisqu’elle peut aller « à l’encontre de l’image de magie qu’il transmet ». Toujours est-il que pour un artiste en début de carrière, « le dialogue personnel avec une communauté de fans permet de tisser des liens de fidélité durables. Et il y a fort à parier que cette même communauté fera d’eux des "stars" et les portera aux nues ».
L’expérience en temps réel permet donc de proposer une plus-value par rapport à l’offre numérique, et justifie de faire payer l’internaute. Mais la distribution numérique est également l’occasion de redéfinir le rôle entre l’industrie et ses clients. Comme l’écrit André-Yves Portnoff, directeur du think-tank Futuribles : « Il faut aller au-delà de la technique : innover, c’est réinventer métiers, modes d’organisation et styles de management. En d’autres termes, innovations technique et socio-organisationnelle forment un tout indissociable » (voir « Sentiers d’innovation », Futuribles, décembre 2004).
Les consommateurs recherchent à passer du temps avec leurs artistes, à accompagner leur vie artistique, à assister à des performances en direct, à vivre des expériences divertissantes uniques, personnalisées et non reproductibles en bits – et donc rares, à l’inverse de l’abondance du gratuit sur Internet. Par conséquent, l’« implication des fans, du public ou des spectateurs dans l’univers de l’œuvre, rendant le processus créatif personnalisé pour chaque personne qui le souhaite » est une des sources de valeurs essentielles de l’économie de l’attention. Cependant, comme le souligne Alban Martin, cela « ne signifie pas que les créatifs doivent tenir compte des avis du public pour modifier leur inspiration, mais plutôt établir une vraie relation de proximité avec lui ».
Internet permet également d’établir un dialogue personnalisé à grande échelle avec des personnes inaccessibles auparavant. De nouvelles formes de médiation apparaissent, qui permettent de délivrer les informations aux communautés de fans et d’amateurs. Les internautes apprécient particulièrement de pouvoir tisser une relation personnelle avec les personnalités qu’ils apprécient et de pouvoir dépasser la simple relation commerciale standardisée.
Les nouveaux outils de communication permettent de tisser des liens de plus en plus forts entre les publics et leurs artistes. Alban Martin parle d’humanisation de l’artiste. Par contre, cette accessibilité accrue de l’artiste est à double tranchant selon lui, puisqu’elle peut aller « à l’encontre de l’image de magie qu’il transmet ». Toujours est-il que pour un artiste en début de carrière, « le dialogue personnel avec une communauté de fans permet de tisser des liens de fidélité durables. Et il y a fort à parier que cette même communauté fera d’eux des "stars" et les portera aux nues ».
L’expérience en temps réel permet donc de proposer une plus-value par rapport à l’offre numérique, et justifie de faire payer l’internaute. Mais la distribution numérique est également l’occasion de redéfinir le rôle entre l’industrie et ses clients. Comme l’écrit André-Yves Portnoff, directeur du think-tank Futuribles : « Il faut aller au-delà de la technique : innover, c’est réinventer métiers, modes d’organisation et styles de management. En d’autres termes, innovations technique et socio-organisationnelle forment un tout indissociable » (voir « Sentiers d’innovation », Futuribles, décembre 2004).
« L’innovation émerge désormais des deux côtés de la caisse enregistreuse »,
affirme Eric Von Hippel, chercheur au MIT, et cité par Alban Martin.
Qualifiée d’ascendante, ce nouveau type d’innovation remonte de la base
des utilisateurs vers l’entreprise, alors qu’elle emprunte d’habitude le
chemin inverse. « Donner des choses à faire, c’est à la fois une
proposition de valeur en soi, donc une source de revenus, et une
technique de marketing destinée à acquérir ou à fidéliser des
utilisateurs en vue d’une proposition de valeur complémentaire »
soulignent Nicolas Colin et Henri Verdier. Il s’agit de capter la
richesse créée par la multitude.
« Nous retrouvons là la dynamique élémentaire de l’économie de la contribution. L’activité spontanée et non rémunérée crée une multitude de rapports d’allégeance et d’amitié, dans lequel tout le monde trouve son compte : ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, ceux qui demandent et ceux qui répondent » écrivent les auteurs de L’âge de la multitude. Un crowdsourcing efficace permet alors aux suggestions d’amélioration d’être directement collectées, aux questions sur l’œuvre ou le service ainsi qu’aux problèmes après-vente d’être résolus par d’autres utilisateurs, à des services tiers tels que des applications d’être réalisés par les clients.
Avec Internet, la participation des spectateurs à l’enrichissement du contenu des médias est facilitée. Le public n’est plus simplement placé « en bout de chaîne, en phase de "digestion", mais bien dans un processus participatif d’accompagnement de l’information dans une logique de cocréation de valeur » écrit Alban Martin. Mais les grandes structures peinent à s’adapter rapidement à ce changement de paradigme. Les petites structures sont pour leur part plus à même de faire face à l’explosion de leur chaîne de valeur et d’intégrer leurs clients au sein de l’entreprise. Reste à savoir s’il s’agit réellement d’une nouvelle économie radicalement différente à laquelle les industries culturelles doivent s’adapter rapidement pour ne pas mourir, ou bien s’il s’agit plutôt d’une évolution du capitalisme.
Quelle valeur travail ?
Désormais, attention et réputation deviennent de plus en plus monnayables et tangibles. Les « amis » sur Facebook sont un autre exemple d’unité de monnaie de la réputation. Plus vous avez d’« amis », plus vous avez d’influence dans le monde de Facebook, et plus vous avez de capital social à dépenser. Avec son algorithme d’indexation PageRank, Google devient ainsi une véritable place de marché de la réputation sur le Web.
Les frontières se brouillent entre production et consommation, travail et expression culturelle. Mais cela ne signifie pas que chaque utilisateur se transforme en producteur actif, chaque travailleur en créateur. Les mutations des modes de production, de distribution, d’échange et de consommation des biens et services à l’ère du numérique reflètent une évolution des systèmes de valeurs. Une nouvelle économie post-capitaliste apparaît, entre promesses d’un dépassement de l’économie marchande et intensification du régime capitaliste.
Richard Barbrook, spécialiste de la régulation des médias, parle d’une économie mixte, caractérisée par l’émergence des nouvelles technologies et d’un nouveau type de travailleurs : les artisans du numérique. Aux côtés de l’instance publique, qui fut notamment à l’origine du projet de construction du réseau Arpanet (l’ancêtre d’Internet), l’économie de marché a su investir le réseau, en même temps que l’économie du don, qui constitue pour Barbrook, l’élément constitutif d’un éventuel dépassement du système de production capitaliste de l’intérieur. Cette économie du don, dans une perspective marxiste-hégélienne, permet ainsi à la consommation culturelle de faire sens en la transformant en activité productive. Cependant, elle est souvent exploitée par les industries. Ainsi, la nouvelle économie basée sur la mise en réseau de l’intelligence humaine implique une mutation profonde des structures d’organisation de la main d’œuvre (voir l’ouvrage de Don Tapscott, L’économie numérique : Promesse et péril à l’ère de l'intelligence connectée).
Yann Moulier Boutang nomme cette nouvelle phase Le capitalisme cognitif, qui selon lui est injustement qualifiée de nouvelle économie. « Le capitalisme cognitif est bel et bien une tendance réalisée, un type nouveau d’accumulation. Mais il n’est pas un régime stabilisé. » L’auteur souligne qu’à l’ère de l’information, « l’économie ne repose pas sur la connaissance, mais sur l’exploitation de la connaissance ». Empruntant à la fable des abeilles de Mandeville, Yann Moulier Boutang fait remarquer que l’enjeu dépasse la production matérielle du miel pour se déplacer vers le processus de la pollinisation. Ainsi, les abeilles, en amassant du miel, font en réalité autre chose ; elles permettent la reproduction des fleurs, une opération essentielle et difficile à réaliser artificiellement. La valeur de ce travail dépasse ainsi la valeur du miel produit et apparaît sans prix.
Yann Moulier Boutang parle alors d’externalités positives. « Dans une économie reposant sur le savoir, le potentiel de valeur économique que recèle l’activité est une affaire d’attention, d’intensité, de création, d’innovation. » Rejetant tout déterminisme technique « dans lequel les usages sociaux de la technique ne jouent qu’un rôle très secondaire », l’auteur place le « travail vivant » au cœur du processus de création de valeur.
Cependant, comme le souligne le philosophe Jean Zin, « insister sur le "travail vivant" reste trop général et un peu trop optimiste en escamotant l’infrastructure informatique omniprésente et la domination de la technique qui pénètre tous les interstices de la vie. S’il y a donc bien humanisation d’un côté, c’est en contrepartie d’une technicisation ». Par ailleurs, force est de constater que « ce n’est pas seulement la passion de la connaissance qui anime les accros du numérique mais plus encore la passion de la reconnaissance (et du jeu). Le cognitif n’est ici qu’une partie, certes importante, ce n’est pas le tout ».
La valeur de la collecte et de l’organisation intelligente des informations se déplace alors des abeilles pollinisatrices aux producteurs et diffuseurs, maîtres des tuyaux, qui monétisent l’accès ou la circulation des données. Ainsi, « avec le Web 2.0, la montée en puissance de l’économie du don, du gratuit et de la contribution, une nouvelle forme de lutte des classes opposerait aujourd’hui ceux qui pollinisent, en partageant leurs connaissances, et ceux qui en tirent un profit financier, et cherchent à contrôler qui a le droit de partager, quoi, où, quand, comment, pourquoi ». Yann Moulier Boutang en appelle alors à privilégier les approches ascendantes (bottom up) et à lever les verrous, afin de permettre et d’encourager le butinage.
Tandis que Yan Moulier Boutang décrit les contradictions entre l’économie de pollinisation et le système capitaliste comme une simple instabilité à résoudre, Jean Zin parle, pour sa part d’incompatibilité profonde touchant à la base du capitalisme, à savoir les droits de propriété, la production de valeur, le travail salarié. « Ainsi, l’avantage décisif de la gratuité sur Internet, supprimant les coûts de transaction et les coûts de production, rend beaucoup plus que problématique la rentabilisation des investissements consentis alors même que la contre-productivité des droits numériques condamne à plus ou moins long terme toute tentative de maintenir l’ancienne logique marchande. » Dans cette économie de la pollinisation, où la productivité n’est plus individualisable, un nouveau système de production apparaît, qui n’en finit cependant pas avec le capitalisme, mais bouleverse les rapports de production et de distribution.
Pour Laurence Lessig, fervent défenseur le l’assouplissement de la propriété intellectuelle à l’ère numérique, tandis qu’il est nécessaire de préserver la séparation entre les deux sphères de l’économie (celle de l’économie commerciale et celle de la seconde économie), notamment par le biais des licences libres, il ne s’agit pas de rendre tous les usages gratuits et libres de droits. Cela reviendrait à tomber dans l’extrémisme des détenteurs de droits qui voudraient que tous les usages des œuvres soient régulés par le droit d’auteur. Il s’agit de trouver un équilibre en fonction de la nature des usages et des contenus.
Conclusion
Le crowdsourcing : nouveau type d’externalisation
En 2006, Jeff Howe, journaliste pour le magazine Wired, décrit ce phénomène par le néologisme « crowdsourcing », un nouveau type d’externalisation (outsourcing, en anglais). Les évolutions et la démocratisation des technologies numériques ont permis de réduire l’écart entre professionnels et amateurs. Les entreprises peuvent désormais faire appel à la foule (crowd, en anglais) des internautes pour externaliser des tâches à moindre coût. La coopération « bénévole » (ou l’échange gratuit d’idées) n’est donc pas dénuée de valeur financière, surtout lorsque ces innovations aident à améliorer l’expérience utilisateur. L’encyclopédie en ligne Wikipedia ou encore les logiciels libres en sont de très bons exemples.Enrichissement de la communauté par la communauté
Le fait d’impliquer la communauté de clients à participer activement à l’activité et au modèle d’affaires de l’entreprise représente désormais pour celle-ci un avantage comparatif essentiel à l’ère du numérique. Ce type d’enrichissement de la communauté par la communauté permet aux membres les plus actifs de créer de façon directe, ou indirecte, de la valeur à destination des membres les plus passifs, sans aucune interférence de la part des salariés.« Nous retrouvons là la dynamique élémentaire de l’économie de la contribution. L’activité spontanée et non rémunérée crée une multitude de rapports d’allégeance et d’amitié, dans lequel tout le monde trouve son compte : ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, ceux qui demandent et ceux qui répondent » écrivent les auteurs de L’âge de la multitude. Un crowdsourcing efficace permet alors aux suggestions d’amélioration d’être directement collectées, aux questions sur l’œuvre ou le service ainsi qu’aux problèmes après-vente d’être résolus par d’autres utilisateurs, à des services tiers tels que des applications d’être réalisés par les clients.
Les communautés sont de précieux indicateurs de tendance
Les communautés sont aussi de précieux indicateurs de tendance. Les logiciels de P2P s’avèrent ainsi être de très bons outils pour la récolte de renseignements marketings à moindre coût. Qui plus est, impliquer le public et les amateurs avertis le plus en amont possible de la production du contenu permet de minimiser les risques industriels. Alban Martin cite l’exemple de l’éditeur de jeux vidéo Buzztone, qui propose de réserver ses jeux avant leurs sorties officielles. Cela permet aux clients de tester et de faire le buzz autour de la sortie du jeu, ainsi qu’à l’entreprise de réajuster s’il le faut le contenu et la stratégie marketing.Avec Internet, la participation des spectateurs à l’enrichissement du contenu des médias est facilitée. Le public n’est plus simplement placé « en bout de chaîne, en phase de "digestion", mais bien dans un processus participatif d’accompagnement de l’information dans une logique de cocréation de valeur » écrit Alban Martin. Mais les grandes structures peinent à s’adapter rapidement à ce changement de paradigme. Les petites structures sont pour leur part plus à même de faire face à l’explosion de leur chaîne de valeur et d’intégrer leurs clients au sein de l’entreprise. Reste à savoir s’il s’agit réellement d’une nouvelle économie radicalement différente à laquelle les industries culturelles doivent s’adapter rapidement pour ne pas mourir, ou bien s’il s’agit plutôt d’une évolution du capitalisme.
Quelle valeur travail ?
Les frontières se brouillent entre production et consommation
Comme le remarque Chris Anderson, Internet repose sur deux unités monétaires principales : l’attention (le trafic) et la réputation (les liens), qui sont devenues la base d’un véritable marché. Considérons par exemple le service de microblogging Twitter. L’attention portée à un profil y est mesurable à travers le nombre de personnes (followers) qui se sont abonnées aux messages de cet utilisateur, créant ainsi du trafic vers celui-ci. La réputation d’un compte apparaît pour sa part proportionnelle au nombre de messages rediffusés (retweets), qui permettent de faire des liens, d’étendre la sphère d’influence, de filtrer les messages les plus pertinents et de créer une relation de confiance entre « retweetés » et « retweeteurs » en montrant l’intérêt des uns pour les messages des autres.Désormais, attention et réputation deviennent de plus en plus monnayables et tangibles. Les « amis » sur Facebook sont un autre exemple d’unité de monnaie de la réputation. Plus vous avez d’« amis », plus vous avez d’influence dans le monde de Facebook, et plus vous avez de capital social à dépenser. Avec son algorithme d’indexation PageRank, Google devient ainsi une véritable place de marché de la réputation sur le Web.
Les frontières se brouillent entre production et consommation, travail et expression culturelle. Mais cela ne signifie pas que chaque utilisateur se transforme en producteur actif, chaque travailleur en créateur. Les mutations des modes de production, de distribution, d’échange et de consommation des biens et services à l’ère du numérique reflètent une évolution des systèmes de valeurs. Une nouvelle économie post-capitaliste apparaît, entre promesses d’un dépassement de l’économie marchande et intensification du régime capitaliste.
Economie mixte plutôt que nouvelle économie
Pour la sociologue Tiziana Terranova, loin d’être un nouveau phénomène, l’économie numérique apparaît plutôt comme une nouvelle phase : « Il s’agit d’une mutation qui est complètement immanente au capitalisme tardif, pas tant d’une rupture que d’une intensification d’une logique culturelle et économique amplifiée. »Richard Barbrook, spécialiste de la régulation des médias, parle d’une économie mixte, caractérisée par l’émergence des nouvelles technologies et d’un nouveau type de travailleurs : les artisans du numérique. Aux côtés de l’instance publique, qui fut notamment à l’origine du projet de construction du réseau Arpanet (l’ancêtre d’Internet), l’économie de marché a su investir le réseau, en même temps que l’économie du don, qui constitue pour Barbrook, l’élément constitutif d’un éventuel dépassement du système de production capitaliste de l’intérieur. Cette économie du don, dans une perspective marxiste-hégélienne, permet ainsi à la consommation culturelle de faire sens en la transformant en activité productive. Cependant, elle est souvent exploitée par les industries. Ainsi, la nouvelle économie basée sur la mise en réseau de l’intelligence humaine implique une mutation profonde des structures d’organisation de la main d’œuvre (voir l’ouvrage de Don Tapscott, L’économie numérique : Promesse et péril à l’ère de l'intelligence connectée).
Le capitalisme cognitif repose sur l’exploitation de la connaissance
Comme le souligne Tiziana Terranova, bien qu’il soit essentiel de surveiller et d’organiser ces flux de connaissances, « Internet fonctionne efficacement en tant que canal à travers lequel "l’intelligence humaine" renouvelle sa capacité à produire », car il permet de mutualiser les connaissances. Ainsi, « Internet accentue l’existence des réseaux de main d’œuvre immatérielle et accélère leur accrétion en une entité collective ». La valeur dépasse l’information pour s’établir dans l’interconnexion des cerveaux.Yann Moulier Boutang nomme cette nouvelle phase Le capitalisme cognitif, qui selon lui est injustement qualifiée de nouvelle économie. « Le capitalisme cognitif est bel et bien une tendance réalisée, un type nouveau d’accumulation. Mais il n’est pas un régime stabilisé. » L’auteur souligne qu’à l’ère de l’information, « l’économie ne repose pas sur la connaissance, mais sur l’exploitation de la connaissance ». Empruntant à la fable des abeilles de Mandeville, Yann Moulier Boutang fait remarquer que l’enjeu dépasse la production matérielle du miel pour se déplacer vers le processus de la pollinisation. Ainsi, les abeilles, en amassant du miel, font en réalité autre chose ; elles permettent la reproduction des fleurs, une opération essentielle et difficile à réaliser artificiellement. La valeur de ce travail dépasse ainsi la valeur du miel produit et apparaît sans prix.
Yann Moulier Boutang parle alors d’externalités positives. « Dans une économie reposant sur le savoir, le potentiel de valeur économique que recèle l’activité est une affaire d’attention, d’intensité, de création, d’innovation. » Rejetant tout déterminisme technique « dans lequel les usages sociaux de la technique ne jouent qu’un rôle très secondaire », l’auteur place le « travail vivant » au cœur du processus de création de valeur.
Cependant, comme le souligne le philosophe Jean Zin, « insister sur le "travail vivant" reste trop général et un peu trop optimiste en escamotant l’infrastructure informatique omniprésente et la domination de la technique qui pénètre tous les interstices de la vie. S’il y a donc bien humanisation d’un côté, c’est en contrepartie d’une technicisation ». Par ailleurs, force est de constater que « ce n’est pas seulement la passion de la connaissance qui anime les accros du numérique mais plus encore la passion de la reconnaissance (et du jeu). Le cognitif n’est ici qu’une partie, certes importante, ce n’est pas le tout ».
Nouvelle lutte des classes
Des obstacles se dressent face à cette pollinisation. Selon Yann Moulier Boutang, le droit d’auteur, les systèmes de protection des contenus, les formats propriétaires, représentent autant d’éléments qui multiplient les barrières et s’avèrent fortement limitatifs en termes d’innovation, puisque qu’ils restreignent l’accès aux données ainsi que leur réutilisation, et confondent ainsi pollen et pollinisation. Comme l’explique le journaliste Jean-Marc Manach, « on a coutume de dire que quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. En l’espèce, ce qui est important, ce n’est pas la lune, ou le brevet qui pourrait la protéger, mais le halo qui l’entoure, la connaissance implicite qu’elle induit plus que la connaissance explicite de ce qu’elle produit ».La valeur de la collecte et de l’organisation intelligente des informations se déplace alors des abeilles pollinisatrices aux producteurs et diffuseurs, maîtres des tuyaux, qui monétisent l’accès ou la circulation des données. Ainsi, « avec le Web 2.0, la montée en puissance de l’économie du don, du gratuit et de la contribution, une nouvelle forme de lutte des classes opposerait aujourd’hui ceux qui pollinisent, en partageant leurs connaissances, et ceux qui en tirent un profit financier, et cherchent à contrôler qui a le droit de partager, quoi, où, quand, comment, pourquoi ». Yann Moulier Boutang en appelle alors à privilégier les approches ascendantes (bottom up) et à lever les verrous, afin de permettre et d’encourager le butinage.
Tandis que Yan Moulier Boutang décrit les contradictions entre l’économie de pollinisation et le système capitaliste comme une simple instabilité à résoudre, Jean Zin parle, pour sa part d’incompatibilité profonde touchant à la base du capitalisme, à savoir les droits de propriété, la production de valeur, le travail salarié. « Ainsi, l’avantage décisif de la gratuité sur Internet, supprimant les coûts de transaction et les coûts de production, rend beaucoup plus que problématique la rentabilisation des investissements consentis alors même que la contre-productivité des droits numériques condamne à plus ou moins long terme toute tentative de maintenir l’ancienne logique marchande. » Dans cette économie de la pollinisation, où la productivité n’est plus individualisable, un nouveau système de production apparaît, qui n’en finit cependant pas avec le capitalisme, mais bouleverse les rapports de production et de distribution.
Pour Laurence Lessig, fervent défenseur le l’assouplissement de la propriété intellectuelle à l’ère numérique, tandis qu’il est nécessaire de préserver la séparation entre les deux sphères de l’économie (celle de l’économie commerciale et celle de la seconde économie), notamment par le biais des licences libres, il ne s’agit pas de rendre tous les usages gratuits et libres de droits. Cela reviendrait à tomber dans l’extrémisme des détenteurs de droits qui voudraient que tous les usages des œuvres soient régulés par le droit d’auteur. Il s’agit de trouver un équilibre en fonction de la nature des usages et des contenus.
Conclusion
« Il n’y a pas de société sans gratuité, il n’y a pas même de
capitalisme sans gratuité, pas de commerce sans infrastructures
publiques, sans lumière abondante, ni dévouement et don. Il n’y a pas
non plus de création sans gratuité : aucune invention, aucune œuvre ne
peut naître sans le terreau fertile du patrimoine culturel de l’humanité »,
écrit Florent Latrive. Le gratuit, le partage, le libre accès à
l’information ont été promus tout au long de l’évolution d’Internet
comme des qualités essentielles et intrinsèques.
Or les promoteurs de cette culture du gratuit à ses débuts sont ceux-là mêmes qui la dénoncent aujourd’hui. Et tandis que les industries du divertissement offrent timidement leurs contenus sur Internet, d’autres acteurs basent leurs modèles d’affaires sur le contenu gratuit. Apple ne gagne ainsi pas d’argent en vendant des contenus mais plutôt des terminaux. Les offres d’abonnement à Internet haut débit illimité ont aussi largement bénéficié des contenus disponibles sur le Net.
Mais une chose est certaine : la gratuité n’est pas la motivation première de la majorité des utilisateurs. Les personnes identifiées comme les plus grands pirates sont de grands consommateurs de produits culturels. Il ne s’agirait donc pas de l’émergence d’une culture du tout-gratuit mais bien d’une autre façon d’appréhender la rétribution de la création et du travail intellectuel. Le Web engendre alors une révolution économique autour des modèles du gratuit. La valeur change avec la perte de l’attachement au support physique, l’accès, l’attrait grandissant pour la personnalisation des services, la soif de contribution.
Désormais, il apparaît essentiel de contrôler non plus les copies mais plutôt la relation avec les clients. Du slogan publicitaire « Pour un DVD acheté, le deuxième est offert ! », aux modèles des médias gratuits financés par la publicité, en passant par les offres de livraison gratuite, d’extrait gratuit, de pop-corn offert, la gratuité apparaît sous différentes formes, intégrée dans divers modèles économiques, répondant à plusieurs types de stratégies.
Internet nous rappelle alors que nous ne vivons pas dans une seule et même économie mais au moins dans deux. Une autre économie apparaît aux côtés de l’économie marchande traditionnelle basée sur le commerce d’un bien en échange d’argent. Qu’il s’agisse de l’économie de l’amateur, du partage, de la contribution, de la production sociale, de l’attention ou de pair-à-pair, celle-ci comporte une logique différente, plus complexe que l’économie commerciale. L’enjeu pour les industries culturelles n’est pas seulement de prendre conscience de la richesse de cette seconde économie mais d’en maîtriser également les mécanismes pour la mettre en œuvre, l’encourager, la soutenir.
Les stratégies doivent donc être mieux adaptées au Web ainsi qu’aux mutations socio-économiques induites et permises par ce nouveau média. La généralisation du téléchargement illégal incite à considérer les comportements des internautes comme le symptôme d’une culture qui veut s’affirmer. L’impact du piratage d’œuvres massif, sans être diminué, ne doit pas faire perdre de vue l’objectif premier : développer une offre légale attractive – ce que la ministre de la Culture et de la Communication, Madame Aurélie Filippetti a d’ailleurs souligné lors de la conférence de presse du 25 septembre 2012, pour le lancement de la mission culture-acte2. On est donc d’accord, gratuit ou payant, telle n’est pas vraiment la question.
Or les promoteurs de cette culture du gratuit à ses débuts sont ceux-là mêmes qui la dénoncent aujourd’hui. Et tandis que les industries du divertissement offrent timidement leurs contenus sur Internet, d’autres acteurs basent leurs modèles d’affaires sur le contenu gratuit. Apple ne gagne ainsi pas d’argent en vendant des contenus mais plutôt des terminaux. Les offres d’abonnement à Internet haut débit illimité ont aussi largement bénéficié des contenus disponibles sur le Net.
Extrait d'une étude de la Hadopi
biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes français
Mais une chose est certaine : la gratuité n’est pas la motivation première de la majorité des utilisateurs. Les personnes identifiées comme les plus grands pirates sont de grands consommateurs de produits culturels. Il ne s’agirait donc pas de l’émergence d’une culture du tout-gratuit mais bien d’une autre façon d’appréhender la rétribution de la création et du travail intellectuel. Le Web engendre alors une révolution économique autour des modèles du gratuit. La valeur change avec la perte de l’attachement au support physique, l’accès, l’attrait grandissant pour la personnalisation des services, la soif de contribution.
Désormais, il apparaît essentiel de contrôler non plus les copies mais plutôt la relation avec les clients. Du slogan publicitaire « Pour un DVD acheté, le deuxième est offert ! », aux modèles des médias gratuits financés par la publicité, en passant par les offres de livraison gratuite, d’extrait gratuit, de pop-corn offert, la gratuité apparaît sous différentes formes, intégrée dans divers modèles économiques, répondant à plusieurs types de stratégies.
Internet nous rappelle alors que nous ne vivons pas dans une seule et même économie mais au moins dans deux. Une autre économie apparaît aux côtés de l’économie marchande traditionnelle basée sur le commerce d’un bien en échange d’argent. Qu’il s’agisse de l’économie de l’amateur, du partage, de la contribution, de la production sociale, de l’attention ou de pair-à-pair, celle-ci comporte une logique différente, plus complexe que l’économie commerciale. L’enjeu pour les industries culturelles n’est pas seulement de prendre conscience de la richesse de cette seconde économie mais d’en maîtriser également les mécanismes pour la mettre en œuvre, l’encourager, la soutenir.
Les stratégies doivent donc être mieux adaptées au Web ainsi qu’aux mutations socio-économiques induites et permises par ce nouveau média. La généralisation du téléchargement illégal incite à considérer les comportements des internautes comme le symptôme d’une culture qui veut s’affirmer. L’impact du piratage d’œuvres massif, sans être diminué, ne doit pas faire perdre de vue l’objectif premier : développer une offre légale attractive – ce que la ministre de la Culture et de la Communication, Madame Aurélie Filippetti a d’ailleurs souligné lors de la conférence de presse du 25 septembre 2012, pour le lancement de la mission culture-acte2. On est donc d’accord, gratuit ou payant, telle n’est pas vraiment la question.
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