Par Laurent Cordonnier
12/11/2012
Source : http://www.monde-diplomatique.fr
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Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé, mardi 6 novembre, une réduction de la fiscalité des entreprises de l’ordre de 20 milliards d’euros par an, par l’instauration d’un « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ».
La mesure, adoptée à l’issue d’un séminaire gouvernemental, sera financée à parts égales par des hausses de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et par des coupes supplémentaires dans les dépenses publiques. Il s’agit de la mesure phare prise par le gouvernement suite au rapport remis la veille par Louis Gallois, commissaire général à l’investissement (1).
Reprenant l’essentiel des propositions du rapport concernant les mesures destinées à améliorer la compétitivité dite « hors coût », le gouvernement a choisi de s’en écarter sensiblement concernant le volet « compétitivité coût » : ce sera une baisse d’impôt sur les bénéfices des sociétés, plutôt qu’une baisse des charges patronales. Une telle mesure suscite légitimement l’incompréhension. Elle est destinée, selon le chef de l’exécutif, à créer un « choc de confiance ». Comme le résume le journal Les Echos, c’est « un signal majeur envoyé au patronat, aux organisations internationales (FMI, OCDE...) et aux économistes, qui n’ont de cesse d’affirmer, pour la plupart, que la France fait trop porter son ajustement budgétaire sur les impôts depuis trois ans ». Un « signal » à 20 milliards d’euros, payé par l’ensemble des contribuables, pour amadouer le patronat... On est en droit de se demander si cela aura des effets tangibles en dehors du cercle magique — dont on aimerait bien connaître le périmètre et l’initiation — qui en a supposé l’incantatoire efficacité.
Une baisse des impôts sur les bénéfices des sociétés peut-elle améliorer la compétitivité des produits français (les rendre plus attractifs relativement aux produits étrangers) ? En théorie, oui. Mais à condition seulement qu’elle soit répercutée sous forme de baisse du prix des produits (pour améliorer la compétitivité prix), ou que l’impôt économisé serve aux investissements nécessaires à l’amélioration de la compétitivité hors coût : investissements privilégiant l’innovation, investissements visant à augmenter la qualité des produits, ou investissements accompagnant des réorientations stratégiques destinées à mieux positionner les produits français sur les segments de la demande mondiale en croissance — si l’économie française rencontre des problèmes de compétitivité, c’est plutôt sur ce dernier aspect qu’il faudrait aller les chercher.
La recherche-développement n’est pourtant pas la priorité des entreprises françaises, mais davantage considérée comme une variable d’ajustement, tel que le décrit un rapport récent de la Fondation Copernic et d’Attac. Lorsque leurs marges sont sous tension, comme cela a été le cas durant la période de surévaluation de l’euro, elles ont préféré sacrifier l’innovation pour continuer à augmenter les dividendes versés aux actionnaires (2).
Une baisse des impôts sur leur bénéfice sera-t-elle de nature à soulager cette tension ou encouragera-t-elle à l’inverse une utilisation rentière de cette manne ? On dispose de quelques éléments pour en juger.
La baisse des prélèvements sur les entreprises n’a cependant pas été mise en œuvre en pure perte. Elle a sans doute permis aux entreprises, qui en ont bénéficié, de verser toujours plus de dividendes à leurs actionnaires. La part du revenu global des entreprises distribuée aux actionnaires et aux associés a en effet augmenté de six points sur la même période. Avec la diminution de quatre points de la part qui rémunère le personnel (4), ce sont les seuls et véritables changements notables dans la répartition des revenus crées par les entreprises depuis quinze ans : baisse des rémunérations, baisse des prélèvements étatiques et hausse de la rente. De là à parler de vases communicants entre les baisses d’impôts et les dividendes, il y a un pas... qu’il est tout à fait tentant de franchir en l’absence de bonnes raisons de penser le contraire.
D’autant que le crédit d’impôt en question, qui est fonction de la masse salariale, arrosera sans discernement l’ensemble des entreprises françaises. N’en sont en effet pas exclues, a priori, les 2,55 millions de micro-entreprises (moins de dix salariés) qui emploient en moyenne à peine plus d’un salarié, et qui ne sont sans doute pas les champions actuels (ni futurs) de la projection du « site France » à l’étranger. Comme le note le Conseil économique, social et environnemental : « Selon les dernières données disponibles, la France compte 92 000 entreprises exportatrices (2009) et l’Allemagne 364 000 (2007), soit un rapport de un à quatre. De plus, 1 % des entreprises réalisent environ 70 % des exportations en France et 60 % en Allemagne (5). » Bref, pour 1 % des entreprises qui exportent réellement (et pour les 2 % que l’on espère demain), faut-il faire un chèque en blanc de 20 milliards d’euros aux 98 % qui n’exportent pas et n’exporteront sans doute jamais rien ?
La mesure, adoptée à l’issue d’un séminaire gouvernemental, sera financée à parts égales par des hausses de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et par des coupes supplémentaires dans les dépenses publiques. Il s’agit de la mesure phare prise par le gouvernement suite au rapport remis la veille par Louis Gallois, commissaire général à l’investissement (1).
Reprenant l’essentiel des propositions du rapport concernant les mesures destinées à améliorer la compétitivité dite « hors coût », le gouvernement a choisi de s’en écarter sensiblement concernant le volet « compétitivité coût » : ce sera une baisse d’impôt sur les bénéfices des sociétés, plutôt qu’une baisse des charges patronales. Une telle mesure suscite légitimement l’incompréhension. Elle est destinée, selon le chef de l’exécutif, à créer un « choc de confiance ». Comme le résume le journal Les Echos, c’est « un signal majeur envoyé au patronat, aux organisations internationales (FMI, OCDE...) et aux économistes, qui n’ont de cesse d’affirmer, pour la plupart, que la France fait trop porter son ajustement budgétaire sur les impôts depuis trois ans ». Un « signal » à 20 milliards d’euros, payé par l’ensemble des contribuables, pour amadouer le patronat... On est en droit de se demander si cela aura des effets tangibles en dehors du cercle magique — dont on aimerait bien connaître le périmètre et l’initiation — qui en a supposé l’incantatoire efficacité.
Une baisse des impôts sur les bénéfices des sociétés peut-elle améliorer la compétitivité des produits français (les rendre plus attractifs relativement aux produits étrangers) ? En théorie, oui. Mais à condition seulement qu’elle soit répercutée sous forme de baisse du prix des produits (pour améliorer la compétitivité prix), ou que l’impôt économisé serve aux investissements nécessaires à l’amélioration de la compétitivité hors coût : investissements privilégiant l’innovation, investissements visant à augmenter la qualité des produits, ou investissements accompagnant des réorientations stratégiques destinées à mieux positionner les produits français sur les segments de la demande mondiale en croissance — si l’économie française rencontre des problèmes de compétitivité, c’est plutôt sur ce dernier aspect qu’il faudrait aller les chercher.
La recherche-développement n’est pourtant pas la priorité des entreprises françaises, mais davantage considérée comme une variable d’ajustement, tel que le décrit un rapport récent de la Fondation Copernic et d’Attac. Lorsque leurs marges sont sous tension, comme cela a été le cas durant la période de surévaluation de l’euro, elles ont préféré sacrifier l’innovation pour continuer à augmenter les dividendes versés aux actionnaires (2).
Une baisse des impôts sur leur bénéfice sera-t-elle de nature à soulager cette tension ou encouragera-t-elle à l’inverse une utilisation rentière de cette manne ? On dispose de quelques éléments pour en juger.
- Répartition du revenu global créé par l’ensemble des entreprises
- Prélèvements publics et ponction des actionnaires sur les grandes entreprises
- Source : Banque de France, base de données des comptes sociaux, novembre 2011.
La baisse des prélèvements sur les entreprises n’a cependant pas été mise en œuvre en pure perte. Elle a sans doute permis aux entreprises, qui en ont bénéficié, de verser toujours plus de dividendes à leurs actionnaires. La part du revenu global des entreprises distribuée aux actionnaires et aux associés a en effet augmenté de six points sur la même période. Avec la diminution de quatre points de la part qui rémunère le personnel (4), ce sont les seuls et véritables changements notables dans la répartition des revenus crées par les entreprises depuis quinze ans : baisse des rémunérations, baisse des prélèvements étatiques et hausse de la rente. De là à parler de vases communicants entre les baisses d’impôts et les dividendes, il y a un pas... qu’il est tout à fait tentant de franchir en l’absence de bonnes raisons de penser le contraire.
D’autant que le crédit d’impôt en question, qui est fonction de la masse salariale, arrosera sans discernement l’ensemble des entreprises françaises. N’en sont en effet pas exclues, a priori, les 2,55 millions de micro-entreprises (moins de dix salariés) qui emploient en moyenne à peine plus d’un salarié, et qui ne sont sans doute pas les champions actuels (ni futurs) de la projection du « site France » à l’étranger. Comme le note le Conseil économique, social et environnemental : « Selon les dernières données disponibles, la France compte 92 000 entreprises exportatrices (2009) et l’Allemagne 364 000 (2007), soit un rapport de un à quatre. De plus, 1 % des entreprises réalisent environ 70 % des exportations en France et 60 % en Allemagne (5). » Bref, pour 1 % des entreprises qui exportent réellement (et pour les 2 % que l’on espère demain), faut-il faire un chèque en blanc de 20 milliards d’euros aux 98 % qui n’exportent pas et n’exporteront sans doute jamais rien ?
(1) « Pacte pour la compétitivité de l’économie française », Rapport au premier ministre, 5 novembre 2012.
(2) « En finir avec la compétitivité », Attac et Fondation Copernic, octobre 2012.
(3) Au passage : la part des salariés (et du personnel extérieur) est passée de 50,5 points à 43,6.
(4) Part non transcrite sur les graphiques, pour ne pas alourdir la présentation.
(5) « La compétitivité, enjeu d’un nouveau modèle de développement », Conseil économique, social et environnemental, octobre 2011.
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