Par http://www.monde-diplomatique.fr
jeudi 26 janvier 2012
Des fraises en hiver : fabriqué par la publicité, ce rêve de consommateur est, on le sait, un cauchemar écologique, aussi bien pour l’eau massivement gaspillée que pour les pesticides employés dans la production. On sait moins qu’il est aussi, pour ceux qui produisent ces fraises sous les serres andalouses, un cauchemar social. Une mission d’enquête mandatée par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) rendait aujourd’hui son rapport sur les conditions de travail des quelque 50 000 personnes qui constituent la main-d’œuvre de cette cette production saisonnière.
Majoritairement composée de travailleurs migrants, et surtout de femmes, cette population est régie par le système de la contratación en origen, qui permet aux patrons, en accord avec la Région et les syndicats, de « recruter “à la source” dans leur pays d’origine quelques milliers de personnes qui seront convoyées puis réparties dans les plantations où elles travailleront jusqu’à la fin de la saison de la fraise, s’engageant à revenir dans leur pays dès la fin de leur contrat ».
Depuis que la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l’Union européenne, « le recrutement à la source concerne désormais des travailleuses marocaines. Ce système original est souvent érigé en exemple des avantages de la migration circulaire, un modèle promu par les institutions de l’UE afin de pourvoir aux besoins en main-d’œuvre de l’Europe tout en garantissant la non-installation des migrants sur son sol », souligne le rapport.
Mais, sur le terrain, les enquêteurs de la FIDH ont découvert « un certain nombre de problèmes psycho-sociaux dans la communauté des travailleuses marocaines. Par exemple, les femmes enceintes font tout pour dissimuler leur grossesse à leur employeur car elles craignent de devoir arrêter de travailler et donc renoncer à la saison. Lorsqu’elles sont malades, ces femmes hésitent aussi à se rendre dans les centres de santé et à en informer leur employeur ». Les « critères de sélection » des employeurs sont, constate le rapport, « sexistes et paternalistes ». Ainsi, « pour la fraise et encore plus pour la framboise, les doigts de la femme et sa délicatesse supposée conviendraient mieux. [Le programme] prévoyait de manière non explicite le recrutement en priorité de mères d’enfants en bas âge — une clause supposée empêcher leur évasion pendant la durée ou à la fin du contrat ».
Bien souvent, les ouvrières ne disposent pas d’une copie de leur contrat de travail, et certaines se voient confisquer leur passeport, ce qui les contraint à rester, loin de tout, cloîtrées sur leur lieu de travail. D’autant, insiste le rapport, que l’aspect temporaire des contrats, combiné au désintérêt des syndicats majoritaires espagnols comme des syndicats marocains, conduisent à une « absence » complète de représentation syndicale.
Quant aux conditions d’hébergement, elles sont parfois carcérales, « en dessous de toute norme. Il s’agit généralement de baraques en préfabriqué éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres des zones urbaines et où le minimum en matière d’hygiène n’est pas respecté ».
« Le système même d’embauche de travailleurs à l’étranger — ce qu’Emmanuel Terray a décrit par l’expression “délocalisation sur place” — qui dépendent entièrement de cet employeur pour revenir travailler sur le territoire espagnol et qui ne disposent d’aucune représentation syndicale, empêche tout type de revendication, précise la FIDH, et explique le consentement des travailleurs à des conditions de travail pourtant en deçà des normes nationales et internationales, a fortiori dans une période de crise économique ».
Majoritairement composée de travailleurs migrants, et surtout de femmes, cette population est régie par le système de la contratación en origen, qui permet aux patrons, en accord avec la Région et les syndicats, de « recruter “à la source” dans leur pays d’origine quelques milliers de personnes qui seront convoyées puis réparties dans les plantations où elles travailleront jusqu’à la fin de la saison de la fraise, s’engageant à revenir dans leur pays dès la fin de leur contrat ».
Depuis que la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l’Union européenne, « le recrutement à la source concerne désormais des travailleuses marocaines. Ce système original est souvent érigé en exemple des avantages de la migration circulaire, un modèle promu par les institutions de l’UE afin de pourvoir aux besoins en main-d’œuvre de l’Europe tout en garantissant la non-installation des migrants sur son sol », souligne le rapport.
Mais, sur le terrain, les enquêteurs de la FIDH ont découvert « un certain nombre de problèmes psycho-sociaux dans la communauté des travailleuses marocaines. Par exemple, les femmes enceintes font tout pour dissimuler leur grossesse à leur employeur car elles craignent de devoir arrêter de travailler et donc renoncer à la saison. Lorsqu’elles sont malades, ces femmes hésitent aussi à se rendre dans les centres de santé et à en informer leur employeur ». Les « critères de sélection » des employeurs sont, constate le rapport, « sexistes et paternalistes ». Ainsi, « pour la fraise et encore plus pour la framboise, les doigts de la femme et sa délicatesse supposée conviendraient mieux. [Le programme] prévoyait de manière non explicite le recrutement en priorité de mères d’enfants en bas âge — une clause supposée empêcher leur évasion pendant la durée ou à la fin du contrat ».
Bien souvent, les ouvrières ne disposent pas d’une copie de leur contrat de travail, et certaines se voient confisquer leur passeport, ce qui les contraint à rester, loin de tout, cloîtrées sur leur lieu de travail. D’autant, insiste le rapport, que l’aspect temporaire des contrats, combiné au désintérêt des syndicats majoritaires espagnols comme des syndicats marocains, conduisent à une « absence » complète de représentation syndicale.
Quant aux conditions d’hébergement, elles sont parfois carcérales, « en dessous de toute norme. Il s’agit généralement de baraques en préfabriqué éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres des zones urbaines et où le minimum en matière d’hygiène n’est pas respecté ».
« Le système même d’embauche de travailleurs à l’étranger — ce qu’Emmanuel Terray a décrit par l’expression “délocalisation sur place” — qui dépendent entièrement de cet employeur pour revenir travailler sur le territoire espagnol et qui ne disposent d’aucune représentation syndicale, empêche tout type de revendication, précise la FIDH, et explique le consentement des travailleurs à des conditions de travail pourtant en deçà des normes nationales et internationales, a fortiori dans une période de crise économique ».
« Conditions de travail dans les plantations de fraises à Huelva (Espagne) », le rapport de la FIDH (PDF).
Dans « Le Monde diplomatique »
- « Florissante industrie de l’agriculture biologique », Philippe Baqué, février 2011. Comment le mouvement bio, lancé par des militants soucieux de défendre la petite paysannerie tout en rejetant les logiques productivistes, risque de s’échouer sur les têtes de gondole des supermarchés.
- « Dans les champs de la Bekaa », Lucile Garçon et Rami Zurayk, septembre 2010. Attirés par de meilleurs salaires, des travailleurs syriens franchissent la montagne frontalière pour s’établir dans la plaine libanaise de la Bekaa. Précaire, leur séjour peut durer quelques mois ou plusieurs années…
- « Et pour quelques tomates de plus », Aurel et Pierre Daum, mars 2010. Nos habitudes de consommation ne sont pas sans conséquences. Dans un kilo de tomates, en hiver, on trouvera : un goût insipide, de l’exploitation, de la pollution, des profits et, in fine, une réflexion sur… la mondialisation des échanges commerciaux.
- « Colère des paysannes de l’Atlas marocain », Cécile Raimbeau, avril 2009. Depuis que de grandes exploitations de primeurs ou d’agrumes et des industries du secteur cosmétique tirent profit de la plaine du Souss, de plus en plus de paysannes berbères sont acculées à trimer comme ouvrières agricoles dans des conditions déplorables.
- « Travailleurs saisonniers : cueille ou crève », Romain Fantin, Lettres de... (Les blogs du Diplo), 18 août 2009. Bienvenue à Castleton, une petite ferme perdue au fin fond de l’Ecosse, à 4 km du hameau le plus proche et à 40 km d’Aberdeen. Ici, deux cents étudiants, presque tous d’Europe de l’Est, viennent cueillir des fraises pendant les deux ou trois mois d’été. (...)
Toujours disponible
- « We feed the world - le marché de la faim », d’Erwin Wagenhofer
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